Arrivée aux Comores en 1970 en provenance de Madagascar à l’âge de 13 ans, Madame Roukia Mohamed a grandi à Bangoi Kouni, Grande Comore, ...
Arrivée aux Comores en 1970 en provenance de Madagascar à l’âge de 13 ans, Madame Roukia Mohamed a grandi à Bangoi Kouni, Grande Comore, Comoros dans le nord de Ngazidja. Une fois son bac en poche, elle entame des études supérieures à la République du Congo (Brazzaville Congo) après avoir obtenu une bourse de l’ Organisation mondiale de la santé (Oms) pour devenir sage-femme et termine major de sa promotion.
A 27 ans, elle débute sa carrière à la maternité Centre Hospitalier National El-Maarouf où elle prend sa retraite en 2014. A l’occasion de la journée internationale de la femme 2018, elle nous fait une description de sa carrière et nous livre ici les secrets de ce métier.
Présentez-vous ?
Je suis Roukia Mohamed née à Madagascar le 17 Avril 1957. Je suis arrivée aux Comores pour la première fois en 1970 à l’âge de 13 ans. J’ai dû reprendre la classe de CM2 car je n’avais pas fini l’année scolaire à Antananarivo (Antananarivo, Madagascar). Mon père m’a fait croire qu’on venait en vacances mais ce n’était pas le cas. C’était justement pour y rester définitivement. Je suis née de mère malgache et d’un père comorien originaire de Bnagakouni. Je fais partie de la première promotion du Lycée Said Mohamed Cheikh de Moroni.
Parallèlement, j’ai été pigiste à la Radio Comores et je suivais mes cours au lycée. Je présentais le journal en langue malgache tous les soirs à l’époque du président Ali Soililhi. C’était une façon de gagner un peu d’argent de poche mais le journalisme n’était pas ma vocation.
Quel a été votre parcours professionnel jusqu’ici ?
Après mon bac, j’ai eu une bourse de l’OMS pour poursuivre mes études au Congo-Brazzaville en 1980. Je me suis inscrite à l École paramedicale Jean-Joseph loukabou pour suivre une formation de sage-femme. C’était donc une vocation et une volonté féroce de réussir et devenir sage-femme. J’adorais les enfants et le fait aussi d’être privée de ma mère dès mon enfance ça m’a donné une envie d’être rattachée aux enfants. J’étais sortie major de ma promotion avec un diplôme de Sage-femme d’Etat.
Quand j’ai fini mes études, je suis allée rejoindre le père de mes enfants qui faisait ses études en Belgique. J’y suis restée pendant 6 mois avant de rentrer aux Comores.
Arrivée aux Comores en 1984, j’ai commencé à travailler au sein de la maternité du Centre Hospitalier National El-Maarouf en tant que sage-femme. Après 30 ans de service j’ai pris ma retraite en 2014.
J’ai aussi bénéficié d’une formation en échographie destinée aux sages-femmes à l’ Université Claude Bernard Lyon 1 . C’est la raison pour laquelle je suis sage-femme échographiste. A mon retour je suis affectée directement au service d’imagerie médicale à Centre Hospitalier National El-Maarouf.
Quels sont vos souvenirs les plus marquants de votre métier ?
Le plus touchant dans ce métier, en tant que mère, femme, sage-femme et conjointe c’est ce qu’on apprend beaucoup de choses. C’est comme si vous vivez aussi toutes ces situations-là, on est à l’écoute de plusieurs plaintes venant de toute part. On n’est pas là seulement en tant que sage-femme pour les consultations prénatales ou bien pour les accouchements mais beaucoup plus aussi comme assistante sociale, comme conseillère conjugale. Cela où je me base beaucoup plus. J’aime écouter, partager et conseiller. Je passe beaucoup de temps à conseiller, à accompagner les familles et les parents. Avec l’association Hifadhu par exemple, j’ai beaucoup des cas des jeunes filles victimes de violences. Je les réfère dans mon service et je les accompagne dans la prise en charge.
Que faites-vous depuis que vous êtes retraitée ?
En 1992 on m’a muté du service de la maternité au profit du service d’imagerie médicale. A l’époque il n’y avait pas de- techniciennes, de- manipulatrices en radio surtout pour les examens spécialisés auprès des femmes. J’ai été formée et encadrée par les coopérants français qui étaient responsables de la radiographie. C’est pourquoi j’ai été à Lyon pour suivre cette formation pour me perfectionner.
Au retour j’ai eu l’idée de demander un prêt à la Banque des Comores de Développement (BDC) pour ouvrir le premier cabinet échographique aux Comores. Avec les études de faisabilité déposées à la banque, j’ai pu obtenir un prêt de 12 millions à la Banque de Développement des Comores - BDC et je tiens à remercier la directrice de la BDC à l’époque Mme Ambari Azali Assoumani qui était présente aussi à la cérémonie d’inauguration de mon cabinet en 1995. Je suis à la retraite, je suis dans mon cabinet et j’emploie près d’une douzaine d’employés et je fais parallèlement d’autres activités.
Quel est votre implication dans le milieu associatif ?
En tant que militante associative, j’ai bénéficié de beaucoup de formations initiées par l’UNFPA Comores. Je suis membre du Reseau National Des Femmes Leaders Pour La Paix , de l’ONG Hifadhu Comores et de l’Association des Sages Femmes de l'Ile de Ngazidja. J’ai bénéficié de formation des formateurs sur la médiation sociale, la prévention et la gestion des conflits, la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants et beaucoup d’autres. J’essaie de faire de mon mieux pour contribuer justement au développement du pays parce que dans ce pays il faut que chacun s’y mette pour aller de l’avant.
Pour finir, quel message souhaitez-vous faire passer aux jeunes sages-femmes exerçant ce métier ?
Aux jeunes sages- femmes, nous avons choisi ce beau métier plus humanitaire dans tous ces aspects, je vous en prie pratiquons-lui avec respect de la déontologie et de dignité. Certes, vous n’avez pas - les mêmes avantages que nous à l’époque je vous demanderais de privilégier les relations humaines avant toute autre considération. Je sais très bien que les temps sont plus durs qu’avant. La plupart de ces sages-femmes sont des bénévoles, des stagiaires contrairement à notre temps où on était moins nombreuses et où facile de s’insérer dans la fonction publique. ©UNFPA COMORES