JE PLEURE Je pleure, car je n'entends plus Soundiata Keïta, cet empéreur du Mali et de l'Afrique de l'Ouest qui, selon de...
JE PLEURE
Je pleure, car je n'entends plus Soundiata Keïta, cet empéreur du Mali et de l'Afrique de l'Ouest qui, selon des sources orales, a dénoncé le caractère inhumain de l'esclavage au XIIIéme siècle.
Je pleure car je n'entends plus Étienne de la Boétie, Voltaire et Montesquieu, ces grands philosophes français dont les écrits ont dé é les esclavagistes et rappelé le caractère sacré de tout être humain indépendamment de sa couleur.
Je pleure car je n'entends plus Elizabeth Heyrick, militante réformiste britannique qui, en désaccord profond avec l’Anti-slavery society, principale organisation abolitionniste de son pays, exigeait l'abolition immédiate de l'esclavage au lieu d'une abolition graduelle.
Je pleure car je n'entends plus Harriet Tubman, née Araminta Ross, cette afro-américaine, ancienne esclave dont l'action contre l'esclavage lui a valu le surnom de Moïse noire, Grand-mère Moïse, ou encore Moïse du peuple Noir.
Je pleure en pensant à Frantz Fanon, à Aimé Césaire, à Nelson Mandela, ceux là qui ont dénoncé avec force toute forme d'oppression.
Comment ne pas pleurer face au mépris de la dignité humaine au Qatar, en Arabie Saoudite, en Mauritanie, au Soudan où les pratiques esclavagistes n'ont jamais cessé sous le regard complice des Nations Unies, de l'Union Africaine ?
Comment ne pas pleurer quand des chefs d’État Africains poussent leurs compatriotes pour aller s'esclavager dans ces États arriérés où religion, argent sale, pratiques abominables font ménage ?
Comment ne pas pleurer quand celles qu'on appelle les grandes Nations ferment les yeux pour ne pas voir la sueur et le sang mélangés au pétrole qu'elles achètent , bouchent les oreilles, pour ne pas entendre les cris des « damnés de la terre » ?
Comment ne pas pleurer quand une partie de l'Afrique se considère arabe, et traite leurs frères de couleur noire comme des animaux, des sous-hommes, oubliant que nous sommes tout d'abord Africains avant d’être musulmans, chrétiens ou athées ?
Nous sommes nombreux à pleurer depuis quelques jours en visionnant les images de CNN montrant la vente aux enchères de jeunes noires réduits à l'esclavage en Libye.
Nous sommes nombreux à verser, inconsolables, des larmes de sang en réalisant qu'en 2017, Racines, le roman d'Alex Haley, adapté au cinéma avec
Kunta Kinté comme héros, est devenue une télé-réalité tournée en Libye sous les yeux du monde entier. D'autres, en revanche, versent des larmes de crocodiles.
Non ces jeunes Africains ne sont pas partis en Libye pour un voyage touristique. Non, ces jeunes ne sont pas des illettrés, des vaut-rien. Ces jeunes fuient la guerre, la misère, le vide. Ils partent pour eux et pour toute une famille. Ils partent pour retourner plus forts et plus riches. Jamais aucun danger ne peut les dissuader, jamais aucun argument ne peut les persuader de ne pas partir. Voilà pourquoi ils ont vu mourir des compagnons de fortune dans les forêts, en mer, sans pour autant penser une seconde à rebrousser chemin. Voilà pourquoi ils sont en Libye, à Lampedusa, à Calais.
Ils ne viennent pas voler le pain des Européens, remplacer la population, islamiser ou déculturer l'Europe. Non !!!
Ils viennent chercher refuge, chercher leur pain, vivre avec les Européens dans un monde globalisé apaisé, et contribuer au renforcement du multiculturalisme. Ils viennent surtout livrer un message clair aux dirigeants du monde. Leur dire qu'après avoir pillé l'Afrique en hommes, en matières premières, en matières grises, il est temps de partager les richesses, de vivre un vrai village planétaire.
Qui peut sécher mes larme ? Salim Youssouf Idjabou