L'ONU, l'État comorien et la question de Mayotte
Comme d’habitude en cette deuxième quinzaine de septembre, le monde est invité à tourner les yeux vers l’ONU et son AG coutumier. Près de deux centaines de représentants de pays se succèdent à la tribune. Suite de discours lassants devant un parterre clairsemé. Des résolutions au seul caractère de principe ; résolutions ignorées par les grands, y compris et peut être surtout par les membres permanents qui auraient dû en être les garants. Personne n’a oublié la célèbre sortie du Général De Gaulle caractérisant l’ONU de « machin », alors qu’il était le président d’un pays, membre permanent du Conseil de Sécurité. D’où une tendance à sous-estimer la place et le rôle de l’ONU, une tendance à mon avis simpliste.
Car l’ONU est un « machin » très utile aux pays faibles. La lutte contre le colonialisme, contre l’apartheid, le combat des palestiniens en témoignent éloquemment. Comment ne pas se rappeler du célèbre discours de Yasser Arafat prononcé en 1974 à l’ONU, discours qui a marqué un tournant dans la lutte nationale du peuple palestinien, la Palestine est reconnue depuis 2012 comme Etat même si il est non membre de l’ONU.
L’ONU est aussi un creuset d’idées nouvelles qui parfois arrivent à s’imposer : l’écologie, la préservation de l’environnement devenu au fil du temps la lutte contre le dérèglement climatique qui a forcé l’adhésion de la planète entière. Trump lui-même est obligé de tempérer ses propos outranciers sur le climat. Ce n’est pas rien.
L’ONU est d’autant plus intéressante que les rapports de force en son sein évoluent. La pratique de la loi du plus fort est de moins en moins supportée par les faibles et sème des divisions au sein des grands. Ces derniers parviennent de moins en moins à s’entendre sur le dos des autres. Cela se traduit dans la pratique. Le président sortant de l’AG de l’ONU n’est pas le résultat d’une entente illicite des grands, les petits ont obligé à une élection, remportée au finish par un candidat non parrainé par l’Occident, M. Thomas, représentant d’un micro Etat insulaire les iles Fidji. Mieux encore la désignation du nouveau SG de l’ONU en 2016 a suivi des voies singulières. Traditionnellement le Conseil de Sécurité fait son choix et l’AG acclame. Cette fois ci il y a eu plusieurs candidats, ils ont été auditionné, le président de l’année 2016 a pesé.
Malheureusement la politique de l’Etat comorien semble marquée par l’inconstance et l’absence de cohérence. Jusqu’en 1994, chaque AG de l’ONU débattait de la question de l’île comorienne de Mayotte et adoptait une résolution qui condamnait la France. A la veille de chaque AG, la diplomatie française mettait le paquet en vain pour mettre un terme à ce processus qui le gênait terriblement. Elle obtint gain de cause en 1995. A la suite du coup d’Etat contre Djohar, le gouvernement Caambi El Yachourtui demanda un retrait temporaire de la question du débat, en prenant prétexte sur les événements. Taki parvenu au pouvoir, son ministre des affaires étrangères Mzimba fit retirer la question de l’ordre du jour définitif. Il en est si fier !. Depuis lors elle est inscrite à l’ordre du jour provisoire et ne parvient plus à passer le cap de l’ordre du jour définitif. Abdou Soefo, ministre des affaires étrangères d’Azali 1 avait tenté en vain de la retirer complètement de l’ordre du jour, la lettre qu’il avait adressée à la mission comorienne de l’ONU avait fuité et provoqué un scandale.
Depuis 1995, la question est plus ou moins soulevée par le Chef de l’Etat comorien en poste à l’AG de l’ONU. Cette fois-ci le président Azali a été plus offensif quand il décrivait les dégâts de la politique française en particulier sur le visa Balladur mais sa conclusion sur les espoirs entretenus par des discussions bilatérales Comores-France a dégonflé son propos. La voie bilatérale ne nous sera jamais favorable. C’est pour cela que la France y tient. Nous en avons la preuve puisqu’elle a ouvert un boulevard à l’Etat français qui a départementalisé l’ile comorienne et l’a intégré à l’Union Européenne sans la moindre condamnation de la communauté internationale. La France a réussi son coup cette fois encore : séance du fumeux HCP à la veille de l’AG de l’ONU. Campagne mensongère sur une feuille de route fictive et annonce inacceptable d’un visa gratuit. Faut-il rappeler que notre problème ne porte pas sur le prix du visa mais sur sa suppression. La revendication du pays : une voie raisonnable, acceptable par toutes les parties, qui ramènera progressivement Mayotte dans la mère patrie.
On nous rétorque souvent que la diplomatie a ses lois, qu’elle est affaire de spécialiste. Soit mais elle comporte inévitablement une partie visible. Quand un petit affronte un grand, c’est cette partie visible qui campe le cadre des discussions finales. En somme on cherche à cacher la réalité : nos dirigeants ne sont pas encore prêts à mener un combat conséquent pour recouvrer l’intégrité territoriale du pays. Alors on use de subterfuges. Surestimation du poids de l’Etat français dans les destinées des Comores, croyance qu’on ne peut régner sans l’appui du gouvernement français, chantage français ? Les questions affluent pour tenter de comprendre l’inacceptable !
Les prochaines assises nationales pourront-elles renverser cet état des choses. Il faut l’espérer, se battre pour car sans cela elles feront un flop misérable!