Les Assises de tous les défis !
Les Assises Nationales prônées par le Mouvement du 11 août présidé par l’un des Pères de l’Indépendance, l’emblématique Ali Bazi Selim et soutenues par le Chef de L’État se profilent à l’horizon. Un Mouvement qui, faut-il le rappeler, est le fruit d’une contestation et d’une fierté de la jeunesse comorienne qui s’est sentie humiliée et agressée aux Jeux des Îles de l’Océan Indien de la Réunion d’août 2015 et qui a réagi sans ménagement, avec le retentissement que l’on connait. Une agression maladroite et malheureuse, qui violait les fondements de l’olympisme et de la Charte des Jeux des Îles, mais qui a aussi été dénoncée par de nombreux élus français.
Et ce soutien du président Azali est, somme toute, normal. En effet, comment, d’abord, peut-on imaginer réussir une projection vers l’avenir avec cette volonté et cette vision de faire des Comores un pays émergent à l’horizon 2030, sans une maitrise du présent et sans tirer les leçons du passé ? Ensuite, est-il possible de donner une envergure nationale, une légitimité démocratique, et une dimension républicaine à un rendez-vous aussi important de notre jeune Nation, sans une implication active de l’État et de celui qui a été choisi par les Comoriens au suffrage universel pour prendre en charge leur destin ? Bien sûr que non.
Dans ces Assises Nationales, il y a des thématiques qui s’imposent d’elles-mêmes. D’abord, si ce pays veut couper le cordon ombilical du colonialisme, du complexe de l’autre, et donner un sens métaphysique profond à la « comorianité », l’indépendance inachevée doit avoir une place de choix dans ces discussions comoro-comoriennes. Cette société qui ne croit plus et ne respecte plus ses propres valeurs et qui se perd dans une quête désespérée d’elle-même, doit se remettre en question, et ces assises offrent une belle opportunité. Elle doit mieux porter cette identité internationale offerte par le Concert des Nations avec des Résolutions intangibles et immuables au nom de l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans les frontières issues de la colonisation, parce que ce pays doit enfin pouvoir jouir de sa propre liberté, en partie confisquée.
Afficher la suite...
Ensuite il est plus que vital de réconcilier les comoriens avec l’élite. C’est un fait, le divorce est consommé entre les comoriens et les hommes de savoirs. Et pourtant ce pays a eu la réputation jadis d’être un peuple amoureux et respectueux des connaissances et des hommes qui en étaient les porteurs (les foundis). Cette répulsion des comoriens est sans doute l’une des causes du sous-développement, parce que l’audace et la créativité ne trouvent plus suffisamment d’adhésion et de réceptacle pour mieux exister et sortir le pays des sentiers battus. Et ce qu’il y-a de paradoxal dans cette répulsion, c’est que le jeune comorien fait parti des africains les mieux formés aujourd’hui dans des domaines souvent très pointus.
Puis, il est plus qu’impératif de mobiliser les comoriens autour de cette vision du Président de la République de faire des Comores un pays émergent et lutter contre les propres anachronismes du comorien. Parce qu’en réalité les comoriens qui aiment le paraitre, le m’as-tu vu, et le confort, ne se sont jamais mis eux-mêmes en ordre de bataille pour un véritable bien-être social et un développement économique de leur pays. Il n’y aura pas de développement des Comores, si nous n’avons pas les institutions étatiques, les infrastructures normatives et les réformes adaptées à l’essor socio-économique d’une part et si ceux sensés les respecter et les appliquer (les politiciens, les fonctionnaires et le citoyen), sont d’autre part les premiers à piétiner, à violer les règles et à refuser l’ordre. Le sens du devoir, le sens de la mission et l’obligation de résultats doivent être les bases de cette révolution culturelle, après laquelle nous courrons, à l’instar de ce qui a été fait à l’Ile Maurice, en Afrique du Sud ou encore au Bénin, sur fonds d’Assises Nationales, et de volonté de construire de réelles fondations d’un Rêve.
Et le comorien qui préfère le mensonge plaisant à la vérité blessante, à cause du poids des traditions, de cette pudeur qu’il tire de son passé et de ce sentimentalisme îlien, doit savoir aller au fond de sa conscience pour trouver la force de se regarder en face, se dire qu’il a échoué dans la construction de son propre destin et ainsi lutter contre les conséquences pesantes d’une défaite contre soi-même. Et c’est là, le défi le plus difficile de ces assises ; cet exercice de combinaison d’une nécessité impérieuse de changer de modèle de développement, de modèle de société sans pervertir ces valeurs fondamentales, en voie de disparition, pour lesquelles nous nous battons chaque jour. Et la réussite de ce rendez-vous républicain dépendra, justement, du niveau de fidélité que cette société comorienne donnera à son socle social qui oscille entre autorité et autoritarisme avec l’oncle dans la famille, le père à la maison, le foundi à la madrassa, le notable à la place publique et l’imam à la mosquée. Il s’agira ici d’un jeu d’équilibriste qui combine la modernité du 3ème millénaire et les traditions d’une société séculaire.
Mohamed Mbechezi