Gratuité du visa pour Mayotte
Depuis quelques jours la fameuse feuille de route, issue de la 5e réunion du non moins fameux haut conseil paritaire (HCP)France-Comores du 12/09/2017, fait couler beaucoup d'encre. Certains se réjouissent dans les Comores indépendantes, d'autres s'énervent à Mayotte. Toute cette agitation pour une fumisterie, une sorte d'attrape-nigaud qui met à nu la naïveté affligeante, voire coupable, de nos autorités politiques.
Cette feuille de route n'a volontairement pas encore été communiquée. Ce qui, en soit, permet toutes les interprétations fantaisistes possibles, basées sur des formules convenues sorties lors d'un point de presse, du genre "Les autorités françaises ont annoncé leur volonté, tout en exerçant les contrôles normaux, de rendre gratuit le visa entre les Comores et Mayotte". Comme si le coût du visa posait problème ! C'est le visa lui-même et les conditions d'obtention qui posent problème, et non son prix.
Il s'agit là d'un os à ronger lancé aux autorités étatiques comoriennes pendant que l'essentiel se passe ailleurs. Comme à son habitude, à l'approche de l'AG de l'ONU, la France fait diversion pour pouvoir assurer aux différentes chancelleries que le contentieux franco-comorien sur l'île comorienne de Mayotte n'a pas besoin d'être débattu, des négociations entre les deux pays étant en bonne voie. Jugez-en vous-même par le résultat.
Le 21/09/2017, le président Azali fait un discours d'environ 19 mn à la tribune de l'ONU, dans lequel il consacre exactement 2mn1s à la question de Mayotte, qu'il aborde par l'angle des migrations. Il dit, en substance, que les Comores refusent le terme d'immigrés appliqué aux Comoriens se rendant à Mayotte, et qu'il se réjouit de la poursuite du dialogue entre la France et son pays. Autrement dit, en langage diplomatique, circulez Mesdames et Messieurs les chefs d'État, tout va bien entre la France et les Comores, il n'y a rien à débattre. C'est ce même 21/09/2017 que AnnickGirardin, ministre française des Outre-mer, choisit d'écrire au sénateur maorais pour le rassurer au sujet de la fameuse feuille de route qui n'a fait l'objet d'aucune communication officielle pouvant garantir la véracité des informations qui circulent à son propos. Elle a raison !
Le tour est joué en attendant la prochaine AG de l'ONU en septembre 2018. Les inconditionnels de Azali vont applaudir comme l'ont faits ceux de Sambi et les autres. Ainsi va la vie depuis 40 ans (mise à part la parenthèse Ali Swalihi). Ainsi se continue ce tête-à-tête à huis clos entre la France et les autorités comoriennes, suicidaire et dommageable pour les intérêts des Comores et des Comoriens. Pour espérer des fruits issus de telles négociations, il faudrait un arbitrage international. Ce que la France ne veut pas ; ce que les différentes autorités comoriennes, en charge du dossier, n'ont jamais sollicité.
Enfin, si la fameuse feuille de route concerne effectivement le prix du visa, il s'agit d'une régression particulièrement méprisante dans les négociations. Je rappelle qu'à la suite de réunions de concertation entre l’ambassade de France aux Comores et le Mirex, un document, signé le 1er avril 2011 par les deux parties, stipule que "La partie comorienne a réitéré sa demande de suppression, à terme, du visa d’entrée à Mayotte et que, dans cette attente, celui-ci puisse être délivré à l’arrivée sur le territoire, notamment pour les détenteurs de passeports biométriques, avec la mise en place d’un point d’entrée unique, portuaire et aéroportuaire" et que "La partie française a indiqué qu’elle est prête à examiner toute mesure d’assouplissement des conditions d’octroi ou de délivrance du visa d’entrée à Mayotte". Je ne veux pas croire que cette feuille de route constitue la réponse française à la demande formulée en 2011.
Abdou Ahmed, Paris