Palais de justice de Moroni
Crise de foie…
Le point commun entre toutes ces affaires de flagrant délit qui passent presque de façon quotidienne au tribunal de Moroni en cette période de ramadan ? Il s'agit de personnes qui n'ont pas jeuné, ou qui ont « brisé la lune » après le coucher du soleil, et qui ont toutes comparu au tribunal à cause de délation de gens bien intentionnés et auto-proclamés « gardiens de l'islam ».
Il ne se passe pas 2 jours sans qu'un scandale ne fasse les gros choux des réseaux sociaux et des journaux, accessoirement. Des jeunes livrés à la meute pour des affaires pour la plupart, qui ne sont commises que dans le cadre du privé.
Un peu comme cette histoire du couple, qui s'est livré à « des galipettes » dans la soirée, en ce mois sacré, dans un domicile à priori privé, qui s'est fait cueillir par la police parce qu'une voisine, un peu trop empressée , a vu une jeune fille (majeure) entrer dans une garçonnière et qu'elle a mis du temps à en sortir. La voisine, gardienne du temple n'a pas trouvé mieux que d'alerter les forces de l'ordre, qui elles, n'ont pas hésité à venir les cueillir (le garçon et la fille) et les livrer à la vindicte populaire, au tribunal de Moroni. Ces jeunes encouraient 12 jours de prison.
Ou de ces jeunes (garçons), cueillis dimanche dernier, « parce qu'ils fumaient en plein journée dans une cabane », un domicile privé (encore une fois) et qui attendent eux aussi d'être jugés. Ici, le délateur, c'est d'abord la fumée de la cigarette, qui s'est échappée en glissant sous la porte, jusqu'à arriver aux nobles narines nobles de ceux qui par la suite, les dénonceront.
Ou encore ce de couple. Les histoires sont légions. Les auteurs sont voués à la géhenne par une population, beaucoup trop prompte à porter un jugement sur des affaires qui souvent ne devraient concerner que leurs auteurs.
Ces délations, pourtant proscrites par la religion, nous aurions aimé les avoir pour tout ce qui touche à la chose publique. Sur ce point précis, la population comorienne, toujours prompte à juger, de façon expéditive pour peu que ça touche l'Islam, regarde pudiquement ailleurs là où la morale demande de la dénonciation dans la plus grande des vigueurs.
N'étant pas juriste, je me garde de porter un jugement, fut-il de valeur. Cependant, des questions s'imposent : sur les droits de l'homme, les procédures engagées pour arrêter ces jeunes gens, si elles correspondent aux normes légales. Je ne peux que penser à la souveraineté du juge qui, du haut de sa chaire, fixe les pratiques interdites durant ce mois saint quand le code pénal parle lui de « bonnes mœurs relatives à la pratique du jeun du mois de ramadan ».
Je me pose des questions sur cette disposition du code pénal qui semble contraire à la liberté de culte et de religion, pourtant consacrée par la constitution.
J'écris ce petit billet en espérant je ne serais pas prise pour cible ou arrêtée pour incitation- à- je- ne -sais -quoi, alors que tout ce que j'appelle de mes vœux, c'est un débat , un vrai, en cette terre d'Islam qui est avant tout une République.
Photo©rtmc Mbéni
Texte© Faïza Soulé Youssouf
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