La religion musulmane, une force tranquille à Madagascar
En 2010, les musulmans représentaient 1,1% de la société malgache, aujourd'hui ils constituent 15 % d'une population totale de plus de 25 millions d'habitants.
L'ancien président des Comores, Sambi, reçu par le préfet, le maire et la communauté musulmane de Majunga en 2011 ©mumineen |
Vendredi 19 mai, il est midi tapante. Revana Jean Jacques, 49 ans, est déjà devant la grande Mosquée de la capitale malgache Antananarivo qui s’étend sur 67 ha. Habillé d’une djellaba et d’un Kufi blanc, il s’apprête à faire la prière du vendredi. Musulman depuis 15 ans, Jean Jacques ne rate pas une seule séance.
« La religion musulmane est la seule religion à laquelle j’ai su rester fidèle. Je me suis converti par conviction et j’y ai trouvé beaucoup de biens tant au niveau spirituel que social », confie-t-il. Avant d’intégrer la grande famille des musulmans de Madagascar, il fréquentait l’église catholique et avait même frappé aux portes des églises dissidentes qualifiées de « sectes » à Madagascar, selon ses confidences.
« Quand j’étais encore jeune, je faisais partie d’une bande de voyous mais aujourd’hui j’ai changé car les règles et enseignements que j’ai reçus de l’Islam n’autorisent pas de telles attitudes », témoigne ce quinquagénaire qui a appris plusieurs versets du Coran.
d'une population totale de plus de 25 millions d'habitants.Revana Jean Jacques figure parmi les 15% de Malgaches qui composent la communauté musulmane à Madagascar. Il s’agit d’un chiffre officiel émanant du ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation. Une nette augmentation a été observée car seulement 1,1% de Malgaches étaient musulmans en 2010 sur une population totale de plus de 25 millions d'habitants, d’après une étude menée par Pew Research Center, un centre d’étude américain.
* Parfaite cohabitation religieuse
Le nombre de musulmans dans la Grande Ile a dépassé les 15% bien qu’aucune confirmation officielle n’ait été faite. Une ascension silencieuse qui est, en partie, due aux actions sociales effectuées par les fidèles musulmans, d’après Abousoary Said Arsène, vice-président du conseil d’administration du Conseil des cultes musulmans de Madagascar. Madagascar recense, selon la même source, un millier de mosquées. « Outre les Malgaches, les fidèles musulmans de Madagascar sont également composés d’Indo-pakistanais, d’Africains, de Comoriens et d’Arabes », poursuit le vice–président du Conseil. Il s’agit de la seule structure qui régit la religion musulmane à Madagascar.
La communauté musulmane est concentrée à Antsiranana, Mahajanga (Nord), à Atsimo Andrefana (Sud-est), à Toliara (au Sud) et enfin à Antananarivo (la Capitale). « Cette forte concentration des musulmans dans les côtes est liée à l’histoire de l’entrée de la religion musulmane à Madagascar. Les relations de nos anciens dirigeants avec les pays arabes ont contribué à ce début d’islamisation ». Historiquement, l’Islam s’est établi à Madagascar bien avant la période coloniale, c'est-à-dire avant 1800.
* Solidarité et remarquables actions sociales
Les musulmans à travers l’Association des musulmans malgaches (FSM) effectuent plusieurs actions sociales. « Il y a la règle du Zakât, une sorte d’impôt purificateur, dont 2% de nos biens sont consacrés aux œuvres sociales. Mais nous effectuons, également, des dons aux pauvres assez régulièrement comme à chaque Ramadan », explique Abousoary Said Arsène. Parmi les actions sociales des musulmans, l’on retient la très remarquable remise de dons aux détenus de la prison d’Antanimora, à Antananarivo. Il y a aussi l’appui aux sinistrés lors du dernier cyclone Enawo qui a frappé une grande partie de l’Ile.
Le FSM travaille étroitement avec les agences onusiennes comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) ou encore l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). L'Association des musulmans malgaches fait partie de la plateforme des leaders religieux et des organisations confessionnelles (Pleroc) qui regroupe neuf organisations confessionnelles à Madagascar. A travers cette plateforme, les musulmans participent à des dialogues religieux ou encore mènent conjointement des œuvres sociales avec des associations de l’église catholique ou protestante. Nombreux sont également les fidèles d’autres confessions qui se convertissent à l’Islam par conviction.
* Ni fanatisme, ni haine
Face au débat mondial qui relie souvent le terrorisme à la religion musulmane, la grande famille des musulmans de Madagascar est catégorique. « La religion musulmane ne conduit ni au fanatisme ni à la haine. Au contraire, nous sommes pour une cohabitation pacifique avec les autres religions », soutient le numéro deux du FSM.
La dernière actualité relative à la prochaine fermeture de 16 écoles coraniques dans les quatre coins de l’Ile a placé la communauté musulmane au cœur des débats. Le ministre de l’Education nationale, Paul Rabary, avait annoncé au cours d’une visite à Mahajanga, à l’ouest de Madagascar, l’éventuelle fermeture de ces écoles.
Mais un compromis a été, ensuite, trouvé d’après le vice – président du Conseil des cultes musulmans de Madagascar. «Le ministère a promis de réviser sa position en recommandant aux écoles de se conformer aux lois pour éviter la fermeture », explique-t-il.
Le ministère de l’Education Nationale a recommandé l’annulation des 5heures d’enseignement du Coran ainsi que la mise en place d’une direction nationale des écoles musulmanes qui devra voir le jour dans au courant de 2017.
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