L’hommage au grand frère Laith Ben Ali
Grand frère, ce qualificatif peu ordinaire prend tout son sens et retrouve toute sa dimension humaine sociale et philosophique avec le personnage concerné LAITH BEN ALI. A travers cet homme humble et modeste, dont j’ai l’honneur et le privilège de rendre hommage, Je voudrais saluer sa mémoire, son œuvre et son parcours.
Pour nombreux d’entre nous, Laith Ben Ali, pour les intimes, LAISSY , était un personnage à part. Il était simplement le grand frère pour toute notre génération entière qui lui vouait respect, admiration et l’obéissance cette obéissance naturelle et logique que l’on doit à son aîné. Ainsi tout est dit alors qu’en réalité rien n’est dit. Il fut un grand frère qui a toujours eu le bon réflexe protecteur envers nous, ses cadets.
IL portait sur nous un regard complice, indulgent et affectueux ; cette jeunesse comorienne avec laquelle il a toujours pris un grand plaisir à cajoler. Il était en ’avance sur son temps à l’image des médiateurs des quartiers à notre époque dans les quartiers sensibles de l’hexagone même si toute proportion gardée la comparaison n’est pas raison il passait son temps à prêcher la bonne parole et à apaiser les conflits inter-générationnels.
Il s’est toujours distingué faisant le choix assumé de pratiquer un franc parlé qui tranchait avec l’usage répandue de la langue de bois chère aux politiques de tout bord . Ainsi il pouvait paraître aux yeux des âmes sensibles comme étant un homme cassant et déstabilisant envers ses interlocuteurs mais en réalité au fond de lui-même il avait un cœur aussi énorme que la planète et incapable de faire du mal à une mouche. Sa disparition brutale et subite nous a plongés dans le désarroi total et fait de nous des orphelins. Ici nous sommes confrontés au poids des mots et au choc d'un lourd et douloureux événement.
Et pourtant aucun vocabulaire n'est suffisamment approprié pour exprimer tant de sentiments de tristesse de profond douleur et d’amertume ou le poids du malheur qui s’est abattu sur toute une famille associée à toute ma génération est aussi équivalent à la charge écrasante de la culpabilité que nous ressentons de n’avoir jamais su ou pu lui dire combien nous l’aimions, combien sa présence à nos côtés était apaisante , rassurante et réconfortante. Il était à la fois le phare et la boussole, le sel et le miel, le frère et l’ami à la fois tendre et affectueux, rigide, exigeant et intransigeant à l’égard de certaines valeurs de loyauté, de solidarité et disponibilité fort de ses convictions. Et pourtant fragile extrêmement sensible devant les difficultés de l’autrui cette dualité ou plutôt complexité caractérisait l’homme qu’il était et constituant son ADN.
Il y avait en lui l’homme d’écriture car il aimait la littérature, avait forcé le trait jusqu’à faire l’école du journalisme qu’il pratique pour un temps en France. Il maniait la plume avec aisance, insolence et délectation. Les mots n’auraient pas de secret envers le magicien du verbe, ce jongleur de l’écriture. Ses nombreux textes et Editos , alors qu’il était directeur général du journal national Al-Wataan n’étaient pas toujours facile à décoder certes mais croyez moi Ce n’est pas pour autant qu’ils manquaient d’intérêts , de saveur et de hauteur bien au contraire, ils étaient intrigants, enrobés de mystères et farcis de controverses.
Il aimait susciter le débat et enflammer les esprits. Alors que je m’essayais à l’écriture, il a été mon 1er critique littéraire. Ainsi il m’ a apprit à assaisonner mes textes de manière à leur donner goût ,de manière à faire saliver le lecteur. Tout jeune adolescent, nous avons grandi dans son ombre à l’abri de toute forme de dérive car il veillait au grain ,il avait l'oeil et le bon ne dit -on pas que l’œil du maître en graisse le cheval ? Et quand par aventure nous cédions à la tentation, il nous a vite remis dans le droit chemin avec ses mots à lui , incisifs et dissuasifs ,du genre INDIGENES ou encore : « Bande de bicoques, vous allez voir de quel bois je me chauffe ! ». Et aussitôt nous rentrions dans le rang dociles et obéissants.
Il jouissait d'un aura incommensurable , de l’autorité et du charisme d’un chef. Nous n’avons pas été surpris plus tard de le croiser sur le terrain du stade BAUMER de MORONI , portant le brassard de capitaine de l’équipe du papillon bleu de Moroni. IL fut un véritable renard de surface Une période dont il en parlait avec orgueil , fierté et passion. Mais de toute cette vie active à donner le tournis , son temps fort fût incontestablement d’avoir eu l’honneur et le privilège d’arborer l’écharpe traditionnelle de maire de la capitale Moroni sa ville natale, son orgueil, sa grande fierté , son terrain de prédilection.
Il aimait parcourir cette ville de long en large inlassablement avec son flegme CHURCHILLIEN ; il connaissait le moindre coin et recoin Aux yeux de nombreux d'entre-nous il était une véritable encyclopédie vivante au service d'une jeunesse en quête de repères l'indispensable LAROUSE de poche Apres la perte de MZE MBABA SAID ANZANL, ISSOUF ASSIMAK, ALFAKIH et aujourd'hui LAITH BEN ALI indéniablement MORONI a perdu ses 4 colonnes ainsi la ville s'est certes fissurée mais elle ne s'écroule pas ,elle reste debout droit dans ses bottes car MORONI doit vivre.
C’est pourquoi j’en appelle au bon sens civique des nouvelles autorités de la ville et ceux de la direction d’Al-Wataan à décréter un deuil, en mettant le drapeau de la capitale en berne et faire porter des brassards pendant 9 jours à l'ensemble de son personnel en sa mémoire. Je suis convaincu de la bonne compréhension de ces deux grandes institutions pour que MORONI vive à jamais et continue de rayonner dans toute la splendeur de sa majesté pour l'éternité
Paix à son âme
Kamal ABDALLAH