La faute d'Abdallah Agwa
Voici un journaliste franc du collier qui a été arrêté par lettre de cachet et mis en geôle pour avoir moqué le chef de l'Etat comorien.
Alors que pareille situation aurait du entraîner une réaction unanime de soutien et d'indignation sur le sort fait au journaliste le plus écouté de l'ïle de Ngazidja, l'émotion a semblé tiède.
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En abordant cette affaire sur le flanc, l'on se rend compte que notre société malgré des signes de modernité socio-politique affichée (débats politiques sur les réseaux sociaux, iconoclasme grandissant concernant des figures autrefois intouchables etc...) a conservé des réflexes de classe et de caste dignes d'un autre temps.
Il n'y a pas eu un raz de marée de soutien sur les réseaux sociaux parce que Abdallah Agwa n'est pas un mwana hatru (un fils de... ). Il ne parle pas le debe debe (le français ampoulé très apprécié des cadres de la place), il ne fait pas de selfies du matin au soir en mettant en scène sa situation de journaliste libre et sans entraves, il parle sur une radio et n'écrit pas de post sur Internet, il n'habite pas Paris ou New York mais Ntsoudjini, une ville qui, bien qu'historiquement riche est provincialisée de nos jours dans nos représentations collectives.
Abdallah Agwa n'est pas mondain, il n'a pas un réseau d'amazones qui likent et commentent en minaudant la moindre de ses saillies, bref il n'est pas de notre temps. La mobilisation des consciences le concernant sera donc moindre, l'émoi quant à son incarcération sera léger.
Peu importe donc que son arrestation soit singulièrement choquante et signifie un recul certain de notre démocratie surtout si on met l'affaire en perspective avec des arrestations récentes toutes aussi farfelues pour cause d'écart de langage toujours.
Peu nous importe qu'un grand principe constitutionnellement garanti comme la liberté d'expression soit écorné jour après jour, soit piétiné via sa personne. Il n'est pas des "nôtres". Il ne fait pas partie de la caste.
Que le pouvoir ose toucher de façon superficielle à une star de la caste et vous verrez le facebook komo se transformer en galerie des glaces reflétant un seul et même visage. Celui ci sera beau, photogénique et agrémenté de la mention "je suis machin" avec en note d'accompagnement des phrases vaguement inspirées du "j'accuse" de Zola.
Par Oluren Fekre