Il était une fois, un petit voleur sympathique très bien connu pour ses ruses ingénieuses. Tout le village aimait raconter comment il s’éta...
Il était une fois, un petit voleur sympathique très bien connu pour ses ruses ingénieuses. Tout le village aimait raconter comment il s’était fait piéger par lui. Il avait l’agilité de transformer ses intrusions en visite de courtoisie. Même si tout le monde savait que c’était un petit cambrioleur, on acceptait de le croire quand il racontait aux victimes que c’était un petit exercice de divertissement discret.
- Et soudain, l’envie m’a pris de provoquer une petite peur chez toi pour qu’après avoir compris ma noble intention, tu te lâches un peu, pour rigoler un petit instant. Aimait il dire.
Quand on lui demandait ce qu’il voulait prendre pour cette plaisanterie aimable, il disait, dans un langage ironique, ce qu’il voulait en réalité dérober. On le lui donnait pour le remercier d’avoir su amuser la galerie.
Mna Madi comprenant que tout le village tombe dans ses ruses, continue à berner même les plus fundi, walimu et sarmaya.
Il se plaisait d’aller au shiwoni, lui qui était analphabète, raconter une histoire/kiswa de prophète concocté par ses soins, une occasion de détourner les offrandes destinées au fundi. Sachant que les personnes en difficultés sont susceptibles de faire usage de sorcellerie, il s’était érigé en medium après avoir saisi l’environnement du nécessiteux pour le bluffer et se faire payer. Il passait de famille en famille pour tirer avantages de ses astuces et parfois pour satisfaire ses fantasmes les plus loufoques
Au village, on a fini par démasquer ses duperies savamment orchestrées et personne ne voulait le voir par peur non seulement de se faire arnaquer mais aussi de se faire désabuser comme des idiots. Il est mis en quarantaine et subit un gungu historique. Il a quitté le village pour se réfugier dans un champ familial où il a construit une cabane et essayé de vivre loyalement par le labeur. S’il lui arrivait d’aller au village, il était si discret qu’il passait inaperçu tout en faisant le tout pour qu’on parle de lui.
Il ne s’est pas passé longtemps avant que le village ne regrette la bonne humeur des histoires de Mna Madi. On racontait ses ruses et tout le monde s’amusait à en rajouter mais personne n’a réussi à très bien arnaquer comme il le faisait dans l’art. Les préjudices qu’il avait causés pendant son règne ont ruiné les petites économies familiales. La pauvreté crie très fort et ses bruits mettent en cause l’harmonie et la sérénité légendaires du village. Personne ne sait comment sortir de la crise.
Le conseil du village a pris une décision plus qu’étonnante à annoncer et à mettre en œuvre. Il a déclaré qu’en circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. On fait appel à Mna Madi pour remettre le village dans le mieux vivre.
« Lui qui a su nous amuser, lui qui a su nous reprendre gentiment nos bien sans nous ruiner, lui qui a accepté de partir quand on lui a demandé sans rancune, lui qui a appris à travailler pour vivre, il saura nous mettre ensemble pour sauver notre beau petit village. »
Le retour de Mna Madi fut salué comme le grand événement du siècle. Il a demandé aux habitants d’arrêter de danser pour se mettre au travail car le village a perdu bêtement beaucoup te temps.
Son discours d’arrangement fut très émouvant à tel point que des larmes de joie pleuvaient et les you you retentissaient au plus fort
- Vous m’avez demandé de revenir et vous devez assumer jusqu’au bout votre sage décision collective. Je vais commencer par remettre l’ordre dans vos économies : Moi qui ai su vous soustraire vos biens, je saurais comment vous restituer vos richesses. On va construire un grand grenier communautaire où je remettrai tout ce que vous m’aviez donné, et chaque famille y placera ses maigres récoltes pour que j’en fasse la fortune pour tous. Nous devons nous mettre ensemble pour réussir. Une grande étable sera construite pour que notre cheptel soit développé pour tout le monde.
Mais pour réussir ce grand projet pour le village, Mna Madi a besoin des meilleurs comptables, des valeureux veilleurs de nuit et des braves marchands de trêves. Il a recruté tous les petits maraudeurs qui l’imitaient dans l’art de prendre aux autres ce qui leur appartient avec agilité, consentement et sans pitié. Le village lui voue une confiance aveugle d’autant plus qu’il devient aimable, généreux, sage et visionnaire.
Pendant quelques mois, la magie a bien fonctionné. Mna Madi est adulé comme le messie visible et réellement ressuscité. Au moment de passer devant la caisse, les wandrwamdji ont trouvé un beau grenier bien verrouillé mais vidé, une étable bien clôturée mais le bétail est parti en transhumance quelque part ailleurs. Mna Madi a tout bradé. Il ne lui reste même pas une once de parole de cette supercherie qui a fait de lui le plus grand imposteur de tous les temps. Il a laissé un bel enseigne sur lequel est écrit en lettre d’or :
« Je vous remercie de vous être acquittés honorablement de votre dette de m’avoir mis, injustement, en quarantaine. »
C’est ainsi que Mna Madi est entré dans la légende par cette plainte populaire :
« Ye mfa Mna Madi tsi yariwuwa
Hariwuwa sontsi bo nanyawe. »
Par Dini Nassur