Il est impressionnant de voir l’importance de l’habillement dans la société comorienne. L’élégance, le savoir être et la distinction se com...
Il est impressionnant de voir l’importance de l’habillement dans la société comorienne. L’élégance, le savoir être et la distinction se compulsent dans le vêtement. Si cela fait plaisir de voir quelqu’un être bien habillé, la façon de le faire fait aussi des frustrés voire des révoltés du fait qu’il faudrait être en parfaite affinité avec des tenues normales. Mais, y a -t-il vraiment d’habit traditionnel comorien ?
Photo© Oustadh Padre |
On a tendance à dire que chaque société véhicule sa propre culture à travers l’habillement et la nourriture. Certains pays ont réussi à universaliser leurs habits au point d’en faire des tenues de bon sens dans d’autres contrées. Il arrive souvent que des civilisations abandonnent leurs accoutrements et s’adaptent avec une facilité remarquable à ceux des autres par une formidable force de markéting. Des raisons plus ou moins objectives peuvent expliquer cet engouement. L’accessibilité au niveau des prix, de l’offre et surtout du paraître ou de la résistance à l’ordre établi semblent influencer l’adaptabilité et l’appropriation des tenues vestimentaires. Mais dans la réalité, c’est la capacité d’un peuple à sauvegarder ses traditions, à évoluer vers un développement maîtrisé et à rendre dynamique une politique mercatique adaptée et d’accommodation intégrée. C’est ainsi que dans certains pays, des instituts spécialisés se chargent d’étudier les moyens de charmer les comportements et de modéliser l’offre vestimentaire.
Dans notre pays, l’habillement suit une logique de catégorisation sociale qui impose, par la force du paraître, un classement consensuel selon les événements, les classes d’âges et le genre. On ne s’habille, pas n’importe comment, pour assister à un enterrement, à un mariage, à une réunion publique, à une fête populaire ou à une cérémonie religieuse. Si cette richesse comportementale fait le mieux-paraitre, c’est surtout son caractère exogène qui s’agrémente.
En effet, kandu avec son évolution raffinée, du kandu ya mvutro, kandu ya hazi, kandu ya maka, kandu ya hami, kandu ya bafuta thamanini, kandu ya meli meli, kandu ya lasi kandu ya hudhurungi et kandu ya bilgidji, ce bel habit basique et incontournable, nous vient de la civilisation arabe. Il a été remarquablement approprié par une capacité artisanale locale qui lui a donné ses lettres de noblesse.
Le kofia avec son développement artistique éclatante, kofia carahani, kofia ya hazi ou ya matso, kofia mkaranfu, kofiya ya hariri, est le symbole de l’élégance masculine par excellence. Même la façon de le porter et de lui donner une forme exige un certain doigté qui attire l’attention. Son origine est très lointaine mais, cela n’a pas empêché aux talentueuses artistes de Mbeni d’y appliquer savamment des belles arabesques et des jolies calligraphies aujourd’hui plagiées impunément par des industries textiles des certains pays du Golfe Le djuba, le djoho, le dragila, le bushti et le sukutri, nous sont apporté par des wamanga de Zanzibar, par des commerçants arabes et par des pèlerins.
Si leur confection est locale et très enrichie par la bourgeoise comorienne, ce sont des habits venus de l’extérieur et considérés comme les tenues de grande classe à forcer le respect plutôt que l’admiration. Le costume est la cravate, d’abord introduits par les européens, vulgarisés par les wamanga de zanzibar, de Madagascar et les navigateurs français d’origine comorienne, c’est la tenue de distinction la mieux portée. Elle est combinée souvent avec un beau kandu et un magnifique kofia, sans la chemise et la cravate, pour faire très shikomori. Le sahare, subayiya, kanga, mkumi, mawuwa, leso, shiromani, bwibiyi, gawuni, jupes et pantalons font une belle mosaïque qui fleurit davantage la splendeur de la comorienne. Leurs origines, un véritable creuset des cultures qui traverse les continents, du golfe persique jusqu’à l’inde en passant par l’Oman, le Qatar et l’Europe.
Cette embellie universelle a latéralement éradiqué les tenues traditionnelles za shikomori. Le bonde, le masatsingoni et le ituba ne sont même pas crochés dans un coin de la légende. On a évolué. Il serait ridicule de garder le torse nu, les seins à moitié exhibés, c’est d’accord. On oublie tout et on s’adapte au temps, à la mode et aux traditions des autres peuples, c’est formidable.
Mais, imposer ces tenues venues d’ailleurs, en faire l’objet de discrimination publique, s’en prendre à quelqu’un pour n’avoir pas pu les porter comme on veut et avoir le culot d’accuser ceux et celle qui ne les portent pas de manquement et d’irrespect à la spécificité comorienne, c’est saugrenu. Que l’on soit adepte de l’habillement judéo chrétienne, qu’on s’érige en défenseur de la tenue arabo-musulmane, que d’autres veuillent se familiariser avec les vêtements négro-africains, cela ne doit pas choquer. Le choix de l’habit peut répondre à deux critères principaux, se sentir bien et respecter les autres par une tenue convenable sans connotation « civilisationnelle » qui n’en est pas une.
Dini NASSUR