3ème tour de la présidentielle à Ndzuwani: Peut-on éviter le risque d’implosion ?

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Dans son arrêt du 30 avril, la Cour constitutionnelle a ordonné la reprise partielle de l’élection du président de l’Union et du Gouverneur...

Dans son arrêt du 30 avril, la Cour constitutionnelle a ordonné la reprise partielle de l’élection du président de l’Union et du Gouverneur de Ndzuwani dans 6 localités de cette île, où un peu moins de 7000 électeurs ont été privés de leur droit vote après le saccage avéré de 13 bureaux de vote lors du scrutin du 10 avril. Inédit !

L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 avril a provoqué émoi et vive polémique. Réactions compréhensibles et légitimes. L’organisation d’élections partielles crée un précédent qui plus est, prolonge un insupportable suspens après près de trois mois d’une bataille électorale acharnée. La plus sévère réaction des détracteurs de l’arrêt de la Cour constitutionnelle est signée d’un ancien ministre des Relations extérieures. 

Dans un courrier à l’adresse de l’Association des Cours constitutionnels, Mouhtar Ahmed Charif dénonce « une jurisprudence dangereuse » qui selon lui, « viole d’une façon flagrante la Constitution comorienne ». Concernés au premier chef, les candidats à ces élections se sont montrés moins virulents. Mohamed Ali Soilih, candidat du pouvoir et Mouigni Mbaraka, qui avaient tous les deux contesté les résultats provisoires de la Ceni et introduit une requête demandant la reprise du scrutin à Ndzuwani se sont déclarés satisfaits de cette prolongation. 

Tout en dénonçant l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui leur aurait volé leur victoire, Azali Assoumani et Abdou Salami Abdou se sont soumis à la décision de la Cour constitutionnelle. Une position à l’évidence stratégique. D’une part pour ne pas prendre le risque de troubles qui leur seraient reprochés par la suite. D’autre part, parce que les deux alliés du second tour tablent sur une défaite du camp du pouvoir dans des localités qui leur sont acquises, a affirmé Abdou Salami Abdou, candidat du parti Juwa au poste de gouverneur à Ndzuwani.

Électoralement le jeu est en effet serré; voire favorable aux candidats de l’opposition qui ont par ailleurs fait carton plein en raflant les gouvernorats de Ngazidja et de Mwali à l’issue du second tour du 10 avril. Mais cela suffit-il pour parer d’un revers de main, le travail abattu par la Cour constitutionnelle et accuser l’instance suprême de l’Etat de « manigance » pour faire gagner le candidat du pouvoir à la présidentielle? 

La haute institution chargée de veiller à la constitutionnalité des lois et de contrôler la légalité de l’action publique et spécifiquement des élections, n’est certes pas exempte de tout reproche. Et cela ne date pas d’hier. Elle a grillé, il faut le reconnaître, une bonne partie de sa crédibilité en validant les résultats surréalistes de la Primaire de février dernier. Résultats dont la contestation a nourri une extraordinaire défiance de l’opinion nationale envers les institutions de l’Etat et a délégitimé le discours de l’autorité publique, même le plus censé. Difficile dans ce contexte de faire entendre la voix du droit.

Pourtant dans ses fondements, l’arrêt du 30 avril n’est pas à tout point de vue indéfendable. En ordonnant la reprise du scrutin dans les 13 bureaux contestés, elle réaffirme le droit de vote de près de 7000 électeurs qui en ont été privés par le comportement inacceptable des auteurs du saccage. Une grave infraction dont on peut regretter qu’elle ne soit pas pénalement sanctionnée. 

Les commentaires qui accusent la Cour constitutionnelle d’inconséquence en ordonnant pas la reprise partielle de l’élection législative de 2015 ou les électeurs de certains villages en Ngazidja avaient boudé les urnes, est un mauvais procès. Dans ce cas précis, les électeurs ont fait un choix concerté d’exprimer leur colère par une abstention collective. Ils se sont donc librement exprimés. Ce qui n’est pas le cas dans les 8 régions de Ndzuwani. En plus de ce droit fondamental réclamé par un citoyen qui a saisi la Cour à cet effet, le faible écart de voix entre les deux candidats en tête à la présidentielle, ainsi qu’entre les deux gouverneurs en compétition à Ndzuwani, semble avoir justifié la reprise du scrutin décidé. 

S’il revient aux juristes de décrypter les arguments juridiques qui ont motivé l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, peut-on reprocher à une cour de prendre une décision faisant jurisprudence, lorsque la loi demeure silencieuse sur une question qui relève du droit constitutionnel? Les détracteurs de l’arrêt du 10 avril peuvent douter de la sincérité d’une juridiction qui un mois plutôt, a rejeté sans convaincre, la demande des citoyens réclamant le recomptage des résultats issus du premier tour de cette même élection. Cela suffit-il pour dénigrer l’institution et considérer toutes ses décisions ultérieures d’illégales et illégitimes ? Doit-on dans cette logique, lui refuser aussi la légitimité de diriger la cérémonie de prise de fonction du futur président de l’Union et des gouverneurs ? 

Au-delà des critiques qui de surcroit peuvent être fondées, la Cour constitutionnelle a évité au pays ce 30 avril, le scénario ivoirien. Car il faut être inconscient et aveugle de ce qui se jouait, pour nier le risque élevé de tension tout au long de ce processus électoral. Pour mémoire, dès le lendemain du 10 avril, le siège de la CEII à Mutsamudu a été le théâtre de heurts qui auraient pu mal tourner entre les partisans des camps du pouvoir et de l’opposition, sans la vigilance des forces de sécurité sur place. C’est sous la pression de l’armée sortie ainsi de son rôle, que la Ceni a proclamé les résultats provisoires des élections du 10 avril. La perspective de l’annonce des résultats définitifs a fait monter d’un cran la tension dans la capitale préventivement quadrillée par les forces l’ordre. Le samedi 30 avril, jour de la proclamation des résultats de la présidentielle, la Cour constitutionnelle était en état de siège. 

Dans ce climat de surchauffe postélectoral, le risque d’affrontement était prévisible quelle que soit la nature des résultats qu’aurait proclamés la Cour Constitutionnelle. Abdou Salami Salami, l’opposant de Anisse Chamsoudine au poste de gouverneur de Ndzuwani, reconnaissait en aparté qu’un affrontement entre les deux camps aurait été inévitable dans l’île si la Cour avait désigné un gagnant. Si l’on a donc échappé à un scénario catastrophe ce 30 avril, peut-on assurément dire que le pire est derrière nous ? Autrement dit, la Cour constitutionnelle a-t-elle trouvé une porte de sortie à la crise postélectorale où son arrêt ne ferait que reporter l’inévitable ? Difficile de répondre à cette question, même si chaque jour qui passe révèle une opposition farouche entre deux camps dont les intérêts semblent inconciliables. 

Il existe néanmoins deux voies possibles pour s’extraire de cette spirale de l’implosion. La première consiste à resituer dans son périmètre, une élection dont les enjeux semblent déconnectés des problématiques nationales (aucun débat sur les programmes des candidats). Un sentiment de dépossession qui déprime une opinion publique persuadée à tort ou à raison que son bulletin ne changera pas son quotidien. La seconde voie consiste à réhabiliter la crédibilité des institutions de l’Etat sans lesquelles, le pays aussi se dissout. Or, nous vivons depuis deux mois une atmosphère délétère entretenue aussi bien par les organes en charge des élections que par les candidats et leurs partisans. 

En multipliant les maladresses et les déclarations contradictoires, la Ceni et ses démembrements se discréditent de jour en jour et perdent envers l’opinion, leur statut d’organes autonomes et garants de la libre expression des citoyens. Les agissements des membres de ces instances ainsi que ceux des Conseillers à la Cour Constitutionnelle contre toute éthique et à l’encontre du secret professionnel dont ils sont tenus, ne font que rabaisser l’Etat qu’ils servent, justifiant la défiance de la population envers son élite politique. 

Le discours au raz des pâquerettes, les noms d’oiseau que se lancent les candidats à la magistrature suprême et leurs retournements de vestes qui confirment l’absence de convictions politiques, ne rassurent pas non plus sur leurs qualités d’hommes d’Etat prétendant présider à la destinée du pays. Dans ce vacarme, la Cour Constitutionnelle demeure malgré les imperfections dont on lui reproche, le dernier rempart d’un l’Etat en déliquescence. L’enjeu du scrutin partiel du 11 mai prochain dépasse donc son cadre purement électoral. Ou la Cour constitutionnelle réussit sur 13 bureaux de vote à rétablir sa crédibilité perdue après deux tours d’élections décevants, ou elle portera la lourde responsabilité d’un cataclysme politique qui peut précipiter l’effondrement du pays. A moins que ce ne soit le but. Par Eddine Mlivoidro
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