Dans un article que vous avez intitulé " réplique de la CRC au candidat Mohamed Ali Soilihi (Lire l'article) " et que vous a...
Dans un article que vous avez intitulé "réplique de la CRC au candidat Mohamed Ali Soilihi (Lire l'article)" et que vous avez publié sur le le très objectif blog de "Habari Zacomori", vous tentez de donner une leçon de Droit à vos confrères qui entourent cet homme que vous prétendez "respecter" tant.
Aussi, ayant assisté à ce cours magistral de droit, non pas des affaires ce qui semble pourtant être votre spécialité, mais approximativement constitutionnel, j'ai décidé de me soumettre à votre évaluation, question de voir si j'ai bien compris votre leçon du jour. Je vais donc axer cette évaluation sur quelques points essentiels que vous soulevez dans votre article.
Reprochant Mohamed Ali Soilihi d'avoir déclaré ne pas reconnaître les résultats donnés par la CENI, vous dites "...il est évident que la contestation éventuelle de ces résultats, suppose leur reconnaissance préalable par le candidat…" Devons-nous comprendre par là que pour contester une faute dont on est accusé il faut d'abord la reconnaître?
Photo. Maître Fatoumia Mohamed Zeina |
Quel sens, Maître, aurait la requête d'un candidat qui tout en acceptant les résultats, les contesterait dans le même temps? Non, chère Madame, votre assertion n'est pas si évidente que cela, elle est tout au moins d'une grossière contradiction
S'agissant des chiffres, vous semblez minimiser les 3% d'électeurs, si l'on se tient aux 13 bureaux de vote reconnus par la CENI, privés de leur droit de vote, non pas par "abstention", et nous y reviendrons, mais "empêchés" délibérément de voter.
Mais voyez-vous, Madame, nous ne sommes pas de ceux qui disent " ce n'est rien ce ne sont quelques 3% d'anjouanais qui n'ont pas voté!"
Nous disons que c'est beaucoup pour un écart "annoncé" d'à peine 2144! Car ces 3%, que vous jugez négligeables, représentent. tout compte fait, trois fois cet écart et que donc leur participation au scrutin est potentiellementsusceptible d'impacter le classement final, et c'est en ce sens que la Cour Constitutionnelle est appelée à considérer la requête qui lui est soumise par Mohamed Ali Soilihi et Mouigni Baraka Said Soilihi.
Mais nous disons surtout que 3% de nos compatriotes privés de leur droit citoyens c'est inadmissible et même si vous faites le choix " bien évidemment, de vous gardez d’imputer à qui que ce soit, les causes du déroulement irrégulier du scrutin dans certains bureaux à Anjouan"
En fait vous vouliez nous dire, et nous compatissons à votre douleur, que vous êtes gênés de constater que ce sont les vôtres qui sont les auteurs du saccage de ces bureaux de vote, et sans doute votre peine est encore plus immense de trouver parmi eux le vice-président candidat du CRC.
Et maintenant, je dois surmonter une émotion particulièrement colérique pour évoquer l'amalgame surprenante, ne fut-ce parce que la première fois que j'ai entendu quelqu'un avancer cette même absurdité c'était en prenant mon taxi à Volovolo, sans jamais imaginer qu'une juriste pouvait aller dans son sens.
De quoi s'agit-il?
De la comparaison, Maître, que vous faites entre l'abstention et l'empêchement par autrui de voter.
En effet, en comparant le cas des villages de Tsidjé et Salimani qui, en effet, avzient décidé de s'abstenir respectivement de l'élection législative et du 1er tour de la présidentielle, avec le cas des localités anjouanaises empêchés délibérément par le camp d'un dès candidats, vous nous surprenez.
Confondriez-vous, chère Maitre, suicide et homicide volontaire?
Est-ce cela le Droit?
Non Madame. Ces deux situations sont loin d'être comparable.s.
Dans le premier cas, je vous rejoins pour regretter l'absence de l'autorité mais surtout de dispositions efficaces pour empêcher que les électeurs d'une ville puisse collectivement se placer hors de ce droit et devoir citoyens qu'est l'élection.
Évoquant l'un des points de la requête de Mohamed Ali Soilihi, à savoir la réclamation d'un élection partielle pour parachever, dans les localités où elles ont été volontairement interrompues, les opérations de vote, vous rappeler les dispositions de l'article 21 alinéa 3 de la Loi organique N° 14-016/AU du 26 juin 2014.
Et vous en tirez la surprenante assertion suivante : " Il en ressort que la demande de l’UPDC à réclamer des élections partielles, alors que la Cour Constitutionnelle n’a pas prononcé d’annulation de bureaux s’inscrit en marge de la Loi." Si nous avons bien compris, en bonne avocate que vous êtes, et "avec tout le respect que vous avez pour lui", à n'en point douter, vous lui aurez conseillé, d'attendre que la Cour Constitutionnelle se prononce, annule éventuellement les bureaux de vote, avent de la saisir pour réclamer l'élection partielle.
D'accord Maitre, mais pourriez-vous alors livrer à cette mauvaise équipe de juristes qui entourent Mohamed Ali Soilihi, la disposition juridique, en droit comorien s'il vous plaît, qui leur offre la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle, une fois qu'elle aurait délibéré et rendu son arrêt?
Non Madame, il n'y a pas cette disposition! Et c'est une raison suffisante pour que la requête, déposée, comporte la demande de l'élection partielle qui ne s'appuiera pas sur le seul cas d'annulation préalable des bureaux de vote, mais sur la prise en compte par les sages de l'interruption volontaire, qui plus est, perpétrée par un candidat, de l'opération de vote d'une série de localités dans l'île d'Anjouan.
Et à ce stade de mes propos j'aimerais attirer l'attention de la Cour Constitutionnelle sur cette restriction de son rôle en matière électorale, dans lequel voudraient l'enfermer un certains nombres de personnalités juristes ou prétendument juristes.
Reprenons, en effet, les dispositions de l'article 36 de la Constitution, reprises à l'article 9 du Décret no 14 portant modification de la loi organique no14-026/AU fu 26 juin 2014, portant modification de certaines dispositions de la loi organique ni05-014:AU sur les autres attributions de la Cou Constitutionnelle.
Que dit l'article 36 en ce qui concerne le rôle de la Cour Constitutionnelle en matière électorale?
" ... Elle (la Cour) veille à la régularité des opérations
électorales tant dans les îles qu'au niveau de l'Union, y compris en matière de référendum ;
elle est juge du contentieux électoral.
Elle garantit enfin les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques."
À regarder, même sans loupe, cet article, on distingue 2 rôles fondamentaux de la CC en matière électorale:
- Elle veille à la régularité des opérations électorales dans les îles et au niveau de l'Union
- Elle juge du contentieux électoral
-La CC n'a donc pas comme rôle uniquement de juger le contentieux. Pourtant c'est à cette stricte mission qu'elle s'est progressivement enfermée et à laquelle la pratique veut la réduire.
Et cette mission de "vielle à la régularité" non pas seulement des "résultats" mais " des opérations électorales" ? Mais à quoi consistent les opérations électorales?
Sans les lister toutes (de l'inscription sur les listes à l'investiture des élus en passant par l'opération de vote des citoyens ), retenons le déroulement du vote. En d'autres termes le fonctionnement d'un bureau de vote ne fait-il pas parti des opérations électorales?
Bien sûr que si.
Et à contrario le non-fonctionnement d'un bureau de vote relève des opérations électorales.
Mon raisonnement vise à démontrer que la CC se doit de veiller à ce que les opérations de vote, et donc le fait que tous les citoyens, en droit de voter, aient pu le faire, que les opérations de vote aient été régulières. Or pour les 13 ou 25 bureaux de votes anjouanaises concernées, les opérations électorales ont elles été régulières? Si c'est non, que fait la CC de sa mission de "veille à la régularité des opérations électorales? Quelles sanctions prend-elle contre les auteurs?
Autrement dit, la CC n'a pas à attendre d'être saisie pour se préoccuper de ces localités privées de vote, puisque cela relève de des compétences constitutionnelles.
Elle n'a pas à s'enfermer dans ce seul rôle de "juge du contentieux"
Elle est tenue responsable des opérations électorales.
Quoi, alors de plus logique pour la CC, eu égard à son rôle de veiller à la régularité des opérations électorales, en évitant notamment que celles-ci ne soient pas entravées par des actes tels que ceux commis à Anjouan.
Sanctionner, il vaut mieux tard que jamais, le phénomène de saccage des bureaux de vote, procédé, qui plus est, est érigé en stratégie électorale par un candidat, dont l'histoire montre sans grande peine le caractère récidiviste de la pratique (2002 et 2016) apparaît inévitable de la part d'une Cour Constitutionnelle qui se voit offrir,là, l'occasion de mettre fin à cette pratique dangereuse pour la démocratie et contraire aux principes de l'Etat de droit.
Et c'est parce que l'acte frauduleux a été prémédité, structuré dans le but d'impacter sur les résultats électoraux, que la CC doit prendre une sanction "électorale" même si sur le plan pénal les juridictions compétentes devront prendre elles aussi, à leur niveau, les sanctions nécessaires.
Par Said Idriss Ibrahim