L’exploration pétrolière, aux Comores, poursuit son chemin sans le moindre obstacle pour l’instant. Les résultats des études sismiques sont...
L’exploration pétrolière, aux Comores, poursuit son chemin sans le moindre obstacle pour l’instant. Les résultats des études sismiques sont prometteurs et les autorités comoriennes se félicitent du déroulement des opérations. Dans cette première phase, il s’agissait notamment d’évaluer la rentabilité du gisement avant de passer aux forages de délimitation pour en savoir plus sur le volume des réserves et les conditions de production.
Tout le monde sait que pour les compagnies pétrolières, ce sont les risques financiers qui les préoccupent. Elles font tout leur possible pour en limiter l’ampleur. La question des coûts sociaux et environnementaux se trouvent rarement au centre des négociations. Les impacts de cette ’industrie sont tous connus aujourd’hui : destruction des habitats, atteinte à la biodiversité, perturbation des fonds marins, invasions des espèces et pollution.
Image d'illustration |
Admettons que ces sujets scientifiques n’intéressent pas le gouvernement d’autant qu’ils ne sont pas d’ordre financiers. Mais, il suffit de jeter un œil sur la situation socio-économique de nombreux pays pétroliers d’Afrique pour se rendre compte que l’industrie pétrolière n’a jamais aidé les populations les plus pauvres. Au contraire, elle ne fait qu’aggraver la situation en alimentant des conflits et des divisions qui n’ont jamais existé avant la découverte de cette énergie. Le constat est que cette situation est favorisée par des Etats corrompus et mal gouvernés.
Aujourd’hui, notre pays vit au rythme de la corruption et de la mauvaise gouvernance associé à une injustice généralisée. Or, avant qu’un pays s’oriente vers une exploitation pétrolière, il a besoin d’un cadre juridique solide soucieux de l’environnement et une bonne gouvernance. Dans le cas contraire, le pétrole extrait de son sol deviendra l’arme de sa propre destruction. Nous vivons dans un pays où la corruption est omniprésente: soit on accepte de vivre avec, soit on en devient victime. Si les comoriens ne s’entre tuent pas encore, c’est peut être parce qu’ils sont protégés par un mystère que j’ignore. C’est ce que j’appelle « le miracle comorien ». Mais avec la voie qu’a suivi notre gouvernement, ce n’est qu’une question de temps.
Ce qui se passe au Nigéria et au Cameroun avec Boko Haram devrait interpeller les dirigeants africains. Le pétrole est presque partout dans le monde, surtout dans les fonds marins. Quand on cherche, on trouve. Il ne faut pas croire que les américains, les asiatiques et les européens viennent en Afrique parce qu’il n’y a pas de pétrole chez eux. Non ! Toutes ces compagnies se tournent vers l’Afrique parce qu’elles bénéficient des accords très profitable, des coûts de licences et un partages avantageux facilités par nos gouvernements. Par ailleurs, c’est une exploitation d’une ressource qui peut s’épuiser rapidement et créer des tentions et des conflits durables. Alors les occidentaux préfèrent que ça se passent loin de leurs territoires.
En ce qui concerne le dossier du pétrole comorien, de multiples questions exigent des réponses de la part de nos autorités :
- Les Comores sont-ils réellement prêt pour cette aventure pétrolière entourées des risques incalculables ?
- Qu’est-ce qui a été fait avant les études sismiques afin d’évaluer les changements comportementaux des animaux marins ?
- Notre gouvernement doit s’assurer que les espoirs financiers ne se transforment pas en cauchemar pour la population comorienne d’aujourd’hui et de demain. Quels les mesures prises pour s’en assurer ?
- Au delà de la législation internationale sur le trafic maritime, existe-il une législation nationale en la matière ?
- Pour la réussite de ce projet pétrolier, le gouvernement doit impliquer un grand nombre de parties prenantes dans la procédure de prise de décision, les pêcheurs, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement. Est-ce que tous ces acteurs apportent leur contribution, ou bien tout se passe entre le ministère de l’Energie, les Finances et le BGC ?
Aujourd’hui, plus de 70 conventions et accords internationaux traitent de la protection de l’environnement marin Mais aucune de ces accords juridiques n’est entièrement consacrée à la réglementation de l’exploitation de pétrole offshore. Comment notre pays compte t-il s’y prendre pour éviter de transformer nos formidables écosystèmes marins en dépotoir des déchets pétroliers ?
Je pense que notre pays n’a pas besoin d’autres tentions entre le gouvernement et la population en plus des difficultés sociaux que le peuple traverse à l’heure actuelle. Je ne crois pas non plus que nous voulions devenir le Nigeria, la RDC, ou encore le Sud Soudan de demain. L’exploitation pétrolière offshore aux Comores reste un sujet plein d’inquiétude que beaucoup de comoriens ignorent. Et ce n’est pas de leur faute. Ce sont nos responsables politiques qui nous conduisent droit dans le mur. Ils sont entrain de préparer un champ de bataille dans lequel nos enfants vont s’égorger tour à tour. Le prix de baril de pétrole dont on annonce les variations dans les journaux n’a jamais changé, en réalité. Car « le véritable prix du pétrole c’est le sang »
Je suis certains que les comoriens ne souhaitent pas, en aucun moment, payer ce prix. Ce sont nos autorités qui ont signé des contrats qui vont sans doute compromettent l’avenir des comoriens.
Youssouf Ben