Les élections des maires et de leurs adjoints ont eu lieu à Mohéli ; mais la paix sociale et la concorde n’étaient pas au rendez-vous. Et p...
Les élections des maires et de leurs adjoints ont eu lieu à Mohéli ; mais la paix sociale et la concorde n’étaient pas au rendez-vous. Et pour cause d’ambiance tendue, de mobilisation des militaires, des gendarmes et des policiers, comme en cas de débarquement.
Les candidats du pouvoir ont raflé la mise dans les 6 communes, grâce aux votes illégaux des chefs des villages et des chefs des quartiers, lesquels ont créé la surprise chez les électeurs qui ne s’attendaient pas à cette intrusion.
Même dans les communes plus ou moins urbanisées (Fomboni et Djoiezi) où l’opposition était largement majoritaire, les chefs des villages et des quartiers ont fait la différence, au profit des candidats du pouvoir indiqués à l’avance. Sans le vote des chefs des villages et des chefs des quartiers, le pouvoir n’aurait aucun maire à la tête des communes de Mohéli.
Il a fallu nommer « à tour de bras » à quelques semaines de l’élection des maires, et sans consulter la notabilité des villages, des prétendus notables dont certains ont moins de 35 ans, pour venir au secours des candidats du pouvoir.
Les électeurs sont fatigués et désespérés ; ils ne savent pas à quoi ont servi les élections des conseillers communaux ; ils ont perdu confiance aux élections qu’on ne gagne pas mais qu’on achète. Pourquoi voter, pourquoi mobiliser tant d’argent et tant d’énergie pour organiser des élections, pour élire des maires, quand la décision finale appartient à des chefs des villages non élus. Pourquoi n’a-t-on pas fait élire directement les maires par les chefs des villages et les chefs des quartiers, si le but est de faire élire des hommes fidèles au pouvoir, choisis à l’avance.
Le désespoir des électeurs est à la mesure de l’espoir qu’ils ont mis dans l’administration communale plus proche de leurs problèmes. Et c’est justement dans les communes qu’on est entrain de tuer la démocratie.
Tout a commencé avec le projet de loi du gouvernement qui insidieusement, a introduit les chefs des villages et les chefs des quartiers dans le fonctionnement du conseil communal. Le texte envoyé à l’Assemblée de manière précipitée dit-on, fut adopté d’urgence, sans véritable débat. Cela a toujours été comme ça, quand le gouvernement décide de faire avaler sa pilule amère.
En plus, ni le scrutin proportionnel auquel les Comoriens ne sont pas habitués, ni l’élection du maire au suffrage indirect, n’a fait l’objet d’une information préalable ou d’un débat pour une large compréhension, avant la tenue des élections municipales du 22 janvier 2015. Et si la loi dit que le chef du village et le chef de quartier sont membres du conseil communal, aucune disposition de la loi ne dit que ces derniers prendront part à l’élection du maire et de ses adjoints. L’administration investie du pouvoir règlementaire a tout simplement usé des manœuvres dilatoires pour maîtriser les résultats du scrutin.
Les enjeux de pouvoir étant ce qu’ils sont, la loi fut interprétée et appliquée de façon partisane très contestable, afin de s’assurer le soutien majoritaire des maires et adjoints aux maires, comme aux temps des délégations spéciales.
On l’avait pratiquement oublié cette loi sur le scrutin communal, adoptée depuis avril 2011. Aujourd’hui, elle est réapparue comme une loi du démon, au secours d’un régime affaibli par l’usure du pouvoir, par la crise, l’absence d’autorité de l’Etat, et le déficit de communication publique.
Pourtant, il tente de retourner la situation en sa faveur. Il cherche des boucs émissaires, des « génies malfaisants», pour leur faire porter la responsabilité de cette dérive autoritaire. C’est la faute dit-on des députés qui ont voté la loi sans amendement. C’est vrai. Mais personne ne parle du gouvernement qui pourtant, en est l’auteur, le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre dans son application.
Une organisation de lynchage politique est menée à Mohéli, sans résultats. Sur les 33 députés qui votent à l’Assemblée, 7 députés sont de Mohéli. Comment faire porter la responsabilité à un seul député qui de surcroit, fut absent, lors du débat pour l’adoption de cette loi très contestée ?
Mais les Comoriens sont devenus si vulnérables, si fragilisés qu’il n’est pas besoin d’un pouvoir exceptionnel pour les manipuler à sa guise. C’est politiquement correct. Faut-il pour autant se taire, et s’enfermer dans le silence complice ?
Va-t-on assister en observateurs impuissants, à l’enterrement de la démocratie dans les communes à peine naissantes ? A ce rythme, les communes risquent de reproduire comme par fatalité, les dysfonctionnements des services publics administratifs et des entreprises d’état, par le choix des hommes qu’on leur impose.
Les chefs des villages et les chefs des quartiers (anciens et nouveaux), viendront par vagues successives, partager avec les conseillers élus, les maigres indemnités de séance, des petits budgets aux recettes hypothétiques, à l’image des conseils des îles des années 1980. Cela s’appelle du « mangement ». Ils vont alourdir le processus de décision par excès de politisation, et par les ingérences du pouvoir central de Moroni et du gouverneur de l’île.
Il est à craindre que les communes deviennent de simples réservoirs des clients politiques, incapables de consommer les crédits alloués pour réaliser des projets de développement local. Et pourtant, l’espoir demeure que les communes vont être de vraies collectivités décentralisées, dirigées par des hommes d’expérience en gestion administrative et des services publics.
DJABIR Abdou
Conseiller élu de la commune de Djando