On lit ça et là que l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est populaire. Dans le sens où on l’égrène, l’adjectif populaire signif...
On lit ça et là que l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est populaire. Dans le sens où on l’égrène, l’adjectif populaire signifie que Sambi est connu et aimé du peuple. Soit. Mais dans ce cas, il n’est pas le seul. Ce n’est pas son apanage. Beaucoup de comoriens le sont aussi. Un théologien au nom de Djibril remplit des stades, lui aussi, quand il fait ses prêches. Un jeune talent, appelé Cheick MC, fait des concerts à guichets fermés. Et j’en passe.
Mais dans aucun pays au monde, la popularité ne donne le droit d’imposer son « droit », de défier la République, d’inciter à la déstabilisation, de s’arroger le pouvoir du peuple et de se comporter comme si on est le peuple et de malmener les institutions publiques. Qu’est ce qu’on aurait dit et fait si les propos tenus par Sambi à Fomboni ont été tenus par l’honorable Oustadh JiIbril ?
Popularité ne veut dire ni légalité ni légitimité. Et aucune personne n’est au-dessus de la loi. Quelle que soit sa popularité.
Arithmétiquement, Sambi pourrait peut-être croire à sa popularité. Une popularité somme toute relative. Car, en l’absence de tout sondage fiable, tout est relatif.
Légalement, son camps est devenu minoritaire à l’Assemblée. Car, sa proposition de loi relative à la révision de l’article 13 de la constitution n’a recueillie que la signature de onze députés seulement. Or, son adoption requiert une majorité de deux tiers de députés et des conseillers des îles.
Il faut noter que JUWA-PEC, le parti de Sambi, n’a eu que deux députés à Ngazidja et ne dispose d’aucun élu à Moheli.
Légitimement, Sambi n’a pas le droit d’imposer une révision constitutionnelle à quelques semaines des élections présidentielles et des gouverneurs. Même si, il est vrai, l’article 42 de la constitution ouvre ce droit à un tiers des parlementaires, mais aussi, et cela on le dit pas assez, au président de la République. Ce qui veut dire que le président Ikililou Doinine pouvait, s’il le souhaitait, faire réviser la constitution et exclure ou faire participer qui il veut aux élections ou dire carrément que cette fois-ci la tournante commence à Moheli, se représenter et se faire élire. Ce n’est pas par ce que la constitution lui donne l’initiative de la révision constitutionnelle qu’un tel projet serait légitime et accepté par le peuple comorien.
Tenez, les dispositions relatives à la révision constitutionnelle des constitutions du Burundi, du Burkina Faso, de la République Démocratique du Congo et du Congo Brazzaville s’apparentent beaucoup à la nôtre. Les articles 186 de la constitution du Congo, 161 de celle du Burkina, 218 de celle de la République Démocratique du Congo et 96 de celle de la République du Burundi donnent l’initiative de la révision de la constitution respectivement aux présidents et aux parlementaires de ces pays. Ce n’est pas pour autant que la révision, notamment sur les dispositions relatives au nombre et à la durée des mandats presidentiels, soit acceptée par le peuple dans ces pays. D’ailleurs, on a vu la violence et l’instabilité que cela a suscitées au Burkina, au Burundi et au Congo. Donc, ce n’est pas parce que la constitution autorise la révision qu’on doit s’autoriser à réviser tout et n’importe quoi et à tout moment.
Vouloir faire réviser la constitution à la veille des élections est-ce aimer son pays ou mépriser son peuple? Et que dire des propos incitatifs à la déstabilisation du pays ? Sambi et la cohorte de ses thuriféraires mesurent-ils les conséquences de la remise en cause de la tournante sur le vivre-commun de la population des îles, l’unité nationale et l’intégrité territoriale ? Que diraient Sambi et sa cohorte d’affidés si c’était le pouvoir qui avait pris l’initiative de réviser la constitution à la veille des élections?
Il est du devoir du Président de l’Union, en tant que symbole de l’Unité nationale, garant de l’intangibilité des frontières telles qu’internationalement reconnues ainsi que de la souveraineté de l’Union et arbitre et modérateur du fonctionnement régulier des institutions, de ne pas donner suite à cette révision constitutionnelle dont l’unique objet est de replonger le pays dans l’instabilité.
Par Abdou Elwahab Msa Bacar
Photo ©habarizacomores.com