Qu’est-ce qu’un politique ? C’est à l’évidence une personne qui veut le pouvoir soit comme moyen soit comme fin. Dans le premier cas, elle ...
Qu’est-ce qu’un politique ? C’est à l’évidence une personne qui veut le pouvoir soit comme moyen soit comme fin. Dans le premier cas, elle le considère comme un outil au service du changement social : capacités décuplées au service des autres, obligation morale de résultats (améliorer les conditions de vie de la population) ; dans l’autre, elle y voit comme moyen de jouir des attributs et du prestige que le pouvoir confère : sentiment de puissance, d’honneur, inclusion dans la classe dirigeante, occupation du devant de la scène, argent facile, influence… D’où l’ivresse du pouvoir et l’orgueil qui peuvent en découler.
Certains s’engagent en politique pour servir leurs carrières, une cause, un projet, un parti, l’Etat ou le pays. D’autres sont animés par un désir de faire l’histoire, une quête de grandeur : ils veulent une immortalité par l’Histoire. Dans tous les cas, ils veulent être non dans la théorie mais dans la pratique, non dans le commentaire mais dans l’action : ils veulent faire leurs preuves, obtenir des résultats. Ils acquièrent d’ailleurs souvent une compétence politique (expérience dans la gestion des affaires publiques, capacité d’écoute, habileté, solidité psychologique…).
Ce sont généralement des personnes ayant une très grande confiance en elles-mêmes : leurs diplômes, leurs expériences, leurs compétences, leurs audaces, leurs éloquences et leurs entourages les convainquent facilement qu’elles sont faites non pour exécuter mais pour diriger. Leurs faits et gestes sont calculés. Rien n’est laissé au hasard ; même leurs sourires doivent être politiquement rentables ! Les places étant peu nombreuses, ces personnes n’hésitent pas à écraser leurs amis ou leurs proches pour arriver à leurs fins. Un homme politique n’est pas un ange : c’est un redoutable sans-cœur qui ne recule devant rien ni personne pour avoir le pouvoir. Il serait donc inutile ou naïf de chercher en lui la moindre sympathie ou tendresse bien qu’il ait tendance à afficher un sourire de circonstance pour paraître sympathique aux yeux de l’opinion !
Deux catégories de politiques comoriens aujourd’hui : ceux qui sollicitent des grands mandats électoraux et ceux qui les soutiennent. Les premiers visent des postes de président de la République et des gouverneurs des îles tandis que les autres visent des postes de ministres, de commissaires, de directeurs et de secrétaires généraux… Leurs points communs ? Vouloir être au service de leur pays, influer sur l’ordre des choses, chercher à améliorer la condition de vie de leurs concitoyens. Leurs caractéristiques communs avant d’accéder aux hautes responsabilités : diplômés, fonctionnaires, majoritairement hommes et plutôt jeunes (du moins pendant ces quinze dernières années) et défavorisés (mal et irrégulièrement payés !).
Les politiques comoriens sont généralement considérés comme incompétents et corrompus et naïfs. Incompétents car d’une part on leur confie des fonctions éloignées de leurs spécialités et d’autre part parce qu’ils les occupent pendant une trop courte durée qui ne leur permet pas de se familiariser avec les dossiers. Corrompus pour au moins raisons. D’abord parce que le pays étant pauvre et la condition de fonctionnaire étant très peu enviable, sachant que leurs missions sont de courte durée, ils essaient de profiter de leurs positions pour améliorer leurs conditions de vie. Autrement dit, l’instinct de survie les conduit à agir malhonnêtement pour se mettre à l’abri une fois remerciés de leurs postes. Attitude fortement condamnable mais compréhensible.
Ensuite parce qu’une fois nommés à leurs postes, ils doivent servir plusieurs intérêts particuliers avant l’intérêt général : la famille, les amis, le parti, le quartier, le village, l’île et seulement en dernière position le pays. En fait la société comorienne condamne la corruption mais elle la réclame tout le temps et à tous les niveaux ! Naïfs car ils croient souvent qu’il suffit d’être élu pour être en mesure de régler les problèmes du pays (Or rien de plus compliqué que gouverner un pays pauvre, corrompu et peu formé !). Ils ont fréquemment aussi la fâcheuse tendance à prendre en argent comptant les promesses qui leur sont faites par les autres pays.
Tant que l’Etat comorien restera si pauvre, tant que ’il demeurera le seul employeur du pays capable de verser des salaires confortables, tant que le parcours des politiques ne sera pas sécurisé (avant et après le mandat ou le poste à responsabilités), le politique comorien résistera très difficilement à la tentation (envie de se mettre à l’abri et de satisfaire sa clientèle). L’ennui, c’est que le pays a besoin d’une classe politique intelligente et dévouée à l’intérêt général. Voilà justement deux chantiers du prochain quinquennat : la construction d’un Etat de droit et la sécurisation du parcours des politiques.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, enseignant et essayiste, est chroniqueur à Albilad qui paraît tous les lundis à Moroni.