Nous avons l’habitude de voir et prendre les choses dans leur plus bas degré, de les saisir tout de suite après qu’elles nous tombent et sa...
Nous avons l’habitude de voir et prendre les choses dans leur plus bas degré, de les saisir tout de suite après qu’elles nous tombent et sautent aux yeux. Bref, de les appréhender telles qu’elles se présentent en nous comme si nous ne devrions pas en avoir des champs libres d’interprétation projetés tous vers l’avenir. Il y a pourtant des événements qui, présentés en nous méritent tout sauf passion et précipitations ! Il se peut que l’épineuse question sur l’île comorienne de Mayotte fasse parie de ces grands sujets fort sensibles. Depuis le fiasco de Saint-Paul de la Réunion d’où les athlètes comoriens ont fait honneur à notre pays, les Comores, les critiques sans retenue fusent à l’encontre de l’ancien président Azali Assoumani. Or ce discours tenu ici et là contre le Colonel n’est absolument pas justifié car il ne tient pas du tout compte des réalités censées en être seules guide. Que sont-elles ces réalités ?
Rappel de quelques faits les plus proches
- 1974 : (le 22 décembre) Organisation d’un référendum global dans l’archipel pour l’indépendance concertée avec les accords du 15 juin 1973.
- Résultats : 94,57% ont voté pour l’indépendance de l’archipel des Comores.
- Problème ? La France revient sur les accords, viole ces derniers en interprétant ce vote cas par cas où à Mayotte seuls 36,78% ont voté pour l’indépendance.
- Cette date, cette interprétation malveillante surtout marque le départ d’une affaire si complexe qui est le litige entre les Comores et l’État français.
Comores-France, un couple aux tensions diplomatiques éternelles ?
Vous voyez, les négociations avec l’État français ne datent pas d’aujourd’hui mais bien avant l’indépendance. J’ai tenu à rappeler cet épisode de l’Histoire car il constitue la première réalité dont j’ai parlé tout au début de mon analyse. La France a choisi de rester à Mayotte en défiant tout un peuple et les logiques internationales relatives à la décolonisation. C’est aussi une réalité bien évidemment difficile à accepter côté Comorien. Mais est-ce parce que la France viole tous ces droits, est-ce parce que les Comoriens sont en plein droit de réclamer Mayotte que son maintien dans les girons français n’en soit pas aussi une réalité ? Ne mélangeons pas les discours, dissocions-les, analysons les choses séparément pour une visibilité parfaite. Il est grand temps que nous ouvrions nos yeux, Comoriens d’ici et d’ailleurs sur cette questions, que nous nous posions les questions sans langue de bois, que nous continuions à réclamer notre île, à revendiquer notre intégrité en tenant compte de toutes ces réalités. Ne pas le faire, c’est continuer à fausser le débat, à passer à côté des vrais sujets sur cette question qui en appelle à beaucoup plus aujourd’hui vu la longueur du temps que ce litige a déjà pris.
Je ne vais pas m’éterniser sur les différentes négociations faites entre la partie comorienne et les Français sur cette épineuse question à travers les différents régimes politiques après l’indépendance. En revanche, je reviens nécessairement sur une des plus récentes et qui fait objet des attaques redondantes contre Azali depuis 2006 et qui expliquerait le caractère éternel de nos tensions diplomatiques.
Accords de 2006, l’ouverture qu’il fallait
A la simple question « Azali a-t-il cédé Mayotte », j’y réponds simplement – Non, Azali n’a pas du tout cédé Mayotte. Va-t-on continuer à censurer les vraies procédés, à désapprouver les vraies méthodes concrètes que nous devrons prendre pour la récupération de l’île comorienne de Mayotte ? Quand-est-ce que le peuple comorien va-t-il se rendre à l’évidence et accepter que nous ayons toujours à négocier avec la France sur ce litige source de nos tensions ? Quand est-ce que le Comorien va-t-il réaliser qu’il ne devra plus continuer à avoir la langue de bois sur cette question ? Quand ? Je veux le savoir. Le Prsident Azali a su anticipé la voie courageuse tout en tenant compte de la complexité de cette question. Non, il n’a pas cédé Mayotte à la France, il a plutôt compris que le discours doit être suivi d’actes, seule étape qui le rend crédible pour en tirer des résultats. En acceptant depuis 2006 que les Mahorais défilent, non pas sous le drapeau tricolore mais dans la neutralité absolue symbolique, Azali a compris avant nous, que l’intégrité territoriale nationale est non négociable, que nous ne devons pas continuer la politique d’enferment, la logique de la punition car elle n’a jamais donné des résultats efficaces.
La logique d’enfermer Mayotte dans l’Océan indien n’est pas crédible. Les Comores, seules obtenaient cette clef. Elles les ont prises, puis insérées dans la serrure, déverrouillée celle-ci et a libéré un peuple pris en otage par les logiques des puissances mondiale.
L’ancien président a donc compris que les Comores n’est pas le monde mais une fine, très fine partie de ce monde, une partie parfois inconnue pour de nombreux citoyens du monde. Il a compris que les Mahorais sont nos frères et sœurs qui, malgré leur statut politique imposé par l’État français, que certains regrettent toujours, ont droit aux jeux des îles de la Région. Il a eu raison, le président Azali Assoumani d’accepter cette présence des Mahorais aux jeux des îles. Un jour, si ce n’est pas aujourd’hui, les Mahorais remercieront l’ensemble des Comoriens pour ce geste noble.
Les Comores ne sont pas un laboratoire où l’on mesurerait pour la première fois l’efficacité ou la médiocrité de la politique autarcique
Les Comores, seraient-elles le premier laboratoire dans le monde où la méthode autarcique est exploitée ? – Non, et c’est là où je vais défier les langues de bois que j’invite à faire un panorama de l’Histoire du monde et des relations les plus tendues entre les peuples. Si l’on décide de commencer par les plus proches en termes de date, Cuba en est le premier exemple le plus concret. Le pays de fidèle Castro et de C. Guevara a été longtemps mis sous embargo par les États-Unis, première puissance du monde. Pour quels résultats et au nom de quelle doctrine triomphante ? – Pour rien ! D’où la mesure de B. Obama de désapprouver cette politique d’enfermement. Un deuxième exemple qui m’est cher : le cas palestinien pour une résolution du conflit opposant Palestiniens et Israéliens. Initiés depuis 1991, ces accords réunissaient en septembre 1993 Ytzhak Rabin, premier ministre israélien et Yasser Arafat, président de l’OLP sous l’œil attentif de Bill Clinton, président des États-Unis.
De la même façon qu’Américains et Cubains ont compris l’absurdité des frontières qu’ils se sont fabriquées depuis près d’un demi-siècle, Palestiniens et Israéliens ont compris qu’ils auront toujours à négocier leur paix dans l’espoir d’aboutir à une résolution définitive.
Nous avions donc le choix s’inspirant de ces expériences claires du monde. Serions-nous une exception dans le monde ?
Les jeux des îles de 2019 : le grand défi
Quel que soit le futur président des Comores en exercice en 2019, il sait combien on compte sur lui pour relever le défi et faire le suivi de l’héroïsme inégalable des athlètes comoriens dans les jeux des îles de 2015.
Oui, les Comores, par ses plus braves athlètes a défié, à Saint-Paul de la Réunion l’État français dont les autorités ont voulu se montrer plus puissantes que tout en piétinant les textes qui nous unissent pour le bon déroulement des jeux des îles de l’océan indien. La réaction maladroite des responsables français a mépris, non seulement un petit État (Les Comores) mais toutes une région sur laquelle cette France sud compte beaucoup pour justifier sa présence dans cette zone. Elle le paie et le paiera.
C’est ce fiasco des jeux qui me laisse dire que les Comores, prochain pays hôte de ces jeux ont un défi à relever. C’est un défi car les grands gueules devront montrer combien Azali avait tort en acceptant l’intégration de Mayotte dans ces jeux sans arborer aucun symbole politique lié à la France. C’est un défi car l’engouement suscité par les athlètes comoriens à la Réunion doit montrer en quoi il a été légitime. C’est un défi car les Comoriennes et Comoriens doivent être au rendez-vous, avoir la même énergie, voire plus encore de défendre notre patrimoine, notre intégrité territoriale, Mayotte présente à ces jeux. Ces Comoriens sont celles et ceux ayant applaudi le geste notable, les mêmes ayant manifesté leur joie quant au retrait des Comores de ces jeux suite au non-respect des procédures protocolaires de ces jeux. Enfin, c’est un défi car les autorités comoriennes sont les premières à défendre ces accords et à faire preuve de courage quant à l’accueil des Mahorais à Moroni sans ni maillots, ni flyers bleu-blanc-rouge, les applaudir gagnants sans la Marseillaise !
C’est au nom de ce grand défi que nous ne devrions absolument pas déplacer ni fausser le débat inspiré de ce fiasco de Saint-Louis la Réunion.
Abdoulatuf Bacar