Dans la vie de tous les jours, les pauvres suscitent peu d’intérêt. Eh bien dans la jungle internationale également : un pays ne compte q...
Dans la vie de tous les jours, les pauvres suscitent peu d’intérêt. Eh bien dans la jungle internationale également : un pays ne compte que lorsqu’il dispose d’un carnet de chèques bien fourni et d’une armée puissante. Les Comores n’intéressent donc pas grand- monde. Mais ils sont obligés de s’intéresser au monde.
Ils disposent ainsi d’une politique étrangère, élaborée par le président de la République, mise en musique par le ministre des affaires étrangères et déclinée par les quinze représentations diplomatiques du pays. Elle est chargée de représenter et de promouvoir la souveraineté nationale, d’améliorer l’image dégradée du pays, de signer les adhésions aux traités et pactes internationaux et de trouver une solution à l’épineuse question de Mayotte. Cette politique étrangère comorienne est riche étant ouverte à l’Océan indien, à l’Afrique, à l’Europe, aux Etats Unis et à l’Asie (Chine, Japon, monde arabe…).
La diplomatie comorienne pourrait assumer d’autres missions : œuvrer à délimiter les frontières maritimes du pays, rentabiliser sa position stratégique due à sa géographie, aider à relever les défis sécuritaires du monde (combattre le terrorisme islamiste, prévenir et régler les conflits) et environnementaux. Elle pourrait aussi s’occuper convenablement de la diaspora comorienne à commencer au moins par celle installée en France qui transfère au pays plus de 90 milliards FC par an.
Cela dit les Comores n’ont ni pré carré ni idéologie ni langue ni entreprises à défendre dans le monde. La politique étrangère de ce pays très pauvre et très endetté se réduit essentiellement à demander des aides aux pays qui peuvent lui en apporter pour assurer sa subsistance…
Dans une démarche d’économie de moyens et de développement économique du pays, la diplomatie comorienne devrait s’orienter vers trois directions principales : la France, la Chine et le monde arabe.
La France reste le premier partenaire économique des Comores. La Banque de France garantit la monnaie comorienne, la BNP a détenu pendant presque trois décennies le monopole bancaire aux Comores, Total celui de la livraison des produits pétroliers, Vitogaz livre le gaz, Alcatel fournit Comores Télécom, Graphica s’occupe de l’imprimerie, Colas des routes, l’Agence Française de Développement (AFD) finance des micro-projets aux Comores…
Il faudrait cependant se mettre autour d’une table avec la France pour discuter, calmement de ses attentes et de ses intérêts afin de mieux comprendre sa politique brouillonne dans le pays ; les lui garantir et lui demander fermement en échange de respecter (à défaut de défendre) loyalement ceux des Comores. Cela décrisperait partiellement les relations bilatérales et permettrait de combattre le sentiment anti-Français fort présent dans le pays sur lequel jouent certains leaders politiques comoriens d’ailleurs. Du fait des relations historiques entre les deux pays, de l’élite comorienne majoritairement francophone (et même d’une certaine manière francophile), de la présence des 200000 à 300000 Comoriens en France qui ramènent chaque année toujours plus d’argent aux Comores, ce pays pourrait rester, pour longtemps, s’il le souhaite, un partenaire privilégié pour les Comores.
Les Comores pourraient encore renforcer leurs relations avec la Chine car pays est à la recherche de matières premières et de débouchés pour ses entreprises dans le continent africain. Bien qu’on lui reproche de pratiquer, une fois installé dans un pays, une concurrence destructrice pour l’économie locale, de nourrir le chômage du pays, de s’accaparer des terres sans respecter l’environnement du pays, soutient tous les gouvernements en place souvent abandonnés par l’Occident qui se contente souvent depuis bien longtemps de leur donner des leçons de gouvernance, prête aux états africains à des conditions avantageuses, dispose d’une main d’œuvre performante, dote plusieurs de ces pays d’infrastructures nécessaires au développement économique. Il faudrait en revanche bien discuter avec elle des conditions de cette coopération afin d’amoindrir ses aspects négatifs.
Le monde arabe (l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats et le Koweït) reste le troisième axe sur lequel la diplomatie comorienne pourrait s’appuyer pour le développement économique du pays. Ces pays, proches des Comores par la religion et la langue, disposant d’énormes liquidités, pourraient, s’ils le souhaitaient les aider à se développer. Il faudrait juste qu’ils apportent leur aide dans des domaines où il y a vraiment besoin et pas seulement dans la distribution de vêtements religieux, dans la formation de religieux et dans la construction de mosquées ! La Libye de Kadhafi a par exemple financé la construction de la bibliothèque universitaire de Nvouni.
La politique étrangère comorienne devrait continuer à nouer des relations avec plusieurs pays dans le monde (et l’apparition d’hydrocarbures dans les côtes comoriennes devrait l’y aider fortement !) mais, pour le développement économique du pays des vingt prochaines années, elle devrait fortement s’appuyer sur une coopération française repensée, chinoise et arabe approfondies.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, enseignant et essayiste, est chroniqueur à Albilad puis mars 2015.