Mardi, les députés de Madagascar ont voté à une écrasante majorité en faveur de la destitution du président Hery Rajaonarimampianina. C’est ...
Mardi, les députés de Madagascar ont voté à une écrasante majorité en faveur de la destitution du président Hery Rajaonarimampianina. C’est désormais à la Haute Cour constitutionnelle de se prononcer pour acter ou non la déchéance du chef de l’Etat. Chercheur à l’IFRI, Mathieu Pellerin est spécialiste de Madagascar.
Comment expliquez-vous ce vote des parlementaires malgaches ?
C’était latent depuis l’élection du président en décembre 2013, couplée aux législatives. Le président n’avait pas de parti politique lors des législatives, et n’est donc pas officiellement représenté à l’Assemblée. Cela a donné naissance à des jeux d’alliances parlementaires extrêmement fragiles et précaires, qui ont fait le lit d’une instabilité parlementaire chronique depuis ce temps. Les volontés de dissolution d’un côté et de destitution de l’autre n’ont eu de cesse d’animer les relations entre pouvoirs parlementaire et exécutif.
Pourquoi le vote a-t-il effectivement eu lieu cette fois-ci ? Il est fort probable que les rumeurs insistantes d’une dissolution qui couraient depuis les conclusions de la Conférence de réconciliation nationale (28 avril - 2 mai) ont poussé les parlementaires à sauver leur peau.
Au fond, ce qui est en cause ici, c’est le semi-parlementarisme instauré par la Constitution de la IVe République. L’éclatement des partis politiques à Madagascar et leur manque d’ancrage ne se prêtaient guère à pareil régime. Le morcellement partisan a largement contribué à cette instabilité parlementaire avec des députés qui changeaient de casquette d’un jour à l’autre. C’est aussi cela qui explique la victoire des candidats indépendants, qui constituent un vivier d’instabilité permanente. Le scénario que nous vivons était donc malheureusement prévisible…
Comment jugez-vous le bilan du président Hery Rajaonarimampianina ?
Il est en demi-teinte mais loin d’être catastrophique. Il ne déçoit que ceux qui en attendaient sans doute des miracles. Gérer le pays après une période de transition aussi désastreuse est toujours extrêmement compliqué.
Et incontestablement, le régime a éprouvé beaucoup de peine à tourner la page des réseaux de la transition, puissants financièrement et même politiquement. Par ailleurs, le président n’avait pas de base électorale à l’origine, ni de réseau élitaire constitué, ce qui l’a considérablement entravé dans ses volontés de réforme. Le fait de ne pas avoir une majorité stable à l’Assemblée a d’ailleurs accru ces difficultés.
Reste qu’on voit depuis ces derniers mois une volonté, incarnée par le premier ministre notamment, d’initier des réformes structurelles. Mais c’est nécessairement un processus long, qui ne se fait pas sans accroc et sans heurt. Et malheureusement, c’est moins ce bilan que les députés condamnent que le fait de ne pas s’être vus accorder les privilèges matériels exigés par la majorité d’entre eux.
Les deux précédents dirigeants de Madagascar, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, sont-ils en train de se préparer pour reconquérir le pouvoir ?
Les deux peuvent effectivement tirer profit de cette crise institutionnelle à laquelle ils ne sont pas étrangers puisque les députés TIM et Mapar, leurs partis respectifs, ont voté la destitution du président. En novembre, j’avais écrit dans un rapport de l’Ifri que si le président ne s’alliait pas durablement à l’un des deux, cela risquait de lui être préjudiciable de par leur influence, notamment à l’Assemblée. Malheureusement, ce risque se matérialise aujourd’hui, et traduit les limites du processus de réconciliation engagé avec l’ancien président Marc Ravalomanana.
Quant à savoir s’ils récupéreront le pouvoir, ce scénario n’est pas à écarter. Tout dépendra de la décision de la Haute Cour constitutionnelle (HCC). Si la destitution est entérinée, cela ouvrirait la voie à une période de transition, replongeant à nouveau Madagascar dans une période de crise. Soyons clairs sur un point : la destitution du président ne réglerait absolument aucun des problèmes actuels du pays.
Si la HCC rejette la destitution, le président pourrait en sortir renforcé, mais il ne faudrait pas alors qu’il cherche à dissoudre l’Assemblée nationale en représailles. Ce passage en force pourrait aussi plonger le pays dans la crise. Et c’est tout sauf ce dont Madagascar a besoin.
Propos recueillis par Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)
Le Monde.fr
Comment expliquez-vous ce vote des parlementaires malgaches ?
C’était latent depuis l’élection du président en décembre 2013, couplée aux législatives. Le président n’avait pas de parti politique lors des législatives, et n’est donc pas officiellement représenté à l’Assemblée. Cela a donné naissance à des jeux d’alliances parlementaires extrêmement fragiles et précaires, qui ont fait le lit d’une instabilité parlementaire chronique depuis ce temps. Les volontés de dissolution d’un côté et de destitution de l’autre n’ont eu de cesse d’animer les relations entre pouvoirs parlementaire et exécutif.
Pourquoi le vote a-t-il effectivement eu lieu cette fois-ci ? Il est fort probable que les rumeurs insistantes d’une dissolution qui couraient depuis les conclusions de la Conférence de réconciliation nationale (28 avril - 2 mai) ont poussé les parlementaires à sauver leur peau.
Au fond, ce qui est en cause ici, c’est le semi-parlementarisme instauré par la Constitution de la IVe République. L’éclatement des partis politiques à Madagascar et leur manque d’ancrage ne se prêtaient guère à pareil régime. Le morcellement partisan a largement contribué à cette instabilité parlementaire avec des députés qui changeaient de casquette d’un jour à l’autre. C’est aussi cela qui explique la victoire des candidats indépendants, qui constituent un vivier d’instabilité permanente. Le scénario que nous vivons était donc malheureusement prévisible…
Comment jugez-vous le bilan du président Hery Rajaonarimampianina ?
Il est en demi-teinte mais loin d’être catastrophique. Il ne déçoit que ceux qui en attendaient sans doute des miracles. Gérer le pays après une période de transition aussi désastreuse est toujours extrêmement compliqué.
Et incontestablement, le régime a éprouvé beaucoup de peine à tourner la page des réseaux de la transition, puissants financièrement et même politiquement. Par ailleurs, le président n’avait pas de base électorale à l’origine, ni de réseau élitaire constitué, ce qui l’a considérablement entravé dans ses volontés de réforme. Le fait de ne pas avoir une majorité stable à l’Assemblée a d’ailleurs accru ces difficultés.
Reste qu’on voit depuis ces derniers mois une volonté, incarnée par le premier ministre notamment, d’initier des réformes structurelles. Mais c’est nécessairement un processus long, qui ne se fait pas sans accroc et sans heurt. Et malheureusement, c’est moins ce bilan que les députés condamnent que le fait de ne pas s’être vus accorder les privilèges matériels exigés par la majorité d’entre eux.
Les deux précédents dirigeants de Madagascar, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, sont-ils en train de se préparer pour reconquérir le pouvoir ?
Les deux peuvent effectivement tirer profit de cette crise institutionnelle à laquelle ils ne sont pas étrangers puisque les députés TIM et Mapar, leurs partis respectifs, ont voté la destitution du président. En novembre, j’avais écrit dans un rapport de l’Ifri que si le président ne s’alliait pas durablement à l’un des deux, cela risquait de lui être préjudiciable de par leur influence, notamment à l’Assemblée. Malheureusement, ce risque se matérialise aujourd’hui, et traduit les limites du processus de réconciliation engagé avec l’ancien président Marc Ravalomanana.
Quant à savoir s’ils récupéreront le pouvoir, ce scénario n’est pas à écarter. Tout dépendra de la décision de la Haute Cour constitutionnelle (HCC). Si la destitution est entérinée, cela ouvrirait la voie à une période de transition, replongeant à nouveau Madagascar dans une période de crise. Soyons clairs sur un point : la destitution du président ne réglerait absolument aucun des problèmes actuels du pays.
Si la HCC rejette la destitution, le président pourrait en sortir renforcé, mais il ne faudrait pas alors qu’il cherche à dissoudre l’Assemblée nationale en représailles. Ce passage en force pourrait aussi plonger le pays dans la crise. Et c’est tout sauf ce dont Madagascar a besoin.
Propos recueillis par Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)
Le Monde.fr