Lundi, Marine Le Pen a suspendu son père de sa qualité d'adhérent du Front national et veut le priver de sa présidence d'honneur. ...
Lundi, Marine Le Pen a suspendu son père de sa qualité d'adhérent du Front national et veut le priver de sa présidence d'honneur.
"Le 1er mai, face aux militants. J'ai reçu un accueil sans équivoque !" En ce premier week-end du mois de mai, Jean-Marie Le Pen est content de son coup. Devant ses interlocuteurs, il se félicite d'une popularité intacte auprès des sympathisants du parti qu'il a créé en 1972. Voilà ce que le vieux chef voulait rappeler à sa fille Marine Le Pen, la patronne du parti, en s'incrustant par surprise sur l'estrade lors du traditionnel défilé du 1er mai. Histoire d'aborder "debout et la tête haute" le bureau politique et le bureau exécutif du FN qui se réunissent ce lundi 4 mai pour décider d'éventuelles sanctions à son égard.Depuis plusieurs semaines, le Menhir est accusé de défier la ligne officielle du FN en ayant répété à plusieurs reprises ses provocations sur "les chambres à gaz, détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale" ou en prenant la défense du maréchal Pétain contre le Général. Peu avant 10 heures, lorsqu'il arrive au siège du FN à Nanterre (Hauts-de-Seine), l'octogénaire est encore d'humeur badine. "Je suis serein", assure-t-il à la meute de journalistes. Pourtant, quelques minutes plus tôt, Marine Le Pen est arrivée le visage dur et fermé devant la statue dorée de Jeanne d'Arc qui orne la cour du siège du parti. Un "acte malveillant, méprisant", une ultime provocation et "un père ridicule" : voilà ce qu'elle a retenu de l'irruption surprise de son paternel le 1er mai. Et elle a décidé de sévir pour protéger son parti - qui pèse désormais plus de 5 millions de voix (au premier tour des départementales de mars) - en trouvant le moyen de dissocier la libre parole de Jean-Marie Le Pen du FN.
Passe d'armes entre Le Pen
Vers 10 h 30, Marine Le Pen ouvre la séance du bureau politique. Dans la grande pièce du rez-de-chaussée, les 44 dirigeants frontistes s'installent sur leurs chaises dans un brouhaha un peu tendu. Conformément à l'ordre du jour, plusieurs candidats sont investis pour les élections régionales et une poignée de secrétaires départementaux sont nommés. Chacun attend le moment de la déflagration. C'est Bruno Gollnisch, ami fidèle de Jean-Marie Le Pen, qui lance les hostilités. "En quoi Jean-Marie Le Pen a-t-il affirmé des choses nouvelles ? En quoi la ligne et les valeurs du FN d'aujourd'hui sont-elles différentes d'avant ?" ose-t-il.Puis le président d'honneur du FN reprend le bâton de parole en attaquant avec virulence sa fille : "Tu as trahi l'histoire du Front national." Aussitôt, la réplique de Marine Le Pen fuse : "C'est toi qui as trahi le FN." Vu la violence des échanges, les frontistes comprennent qu'aucune mesure intermédiaire de conciliation ne sera possible. Jean-Marie Le Pen annonce qu'il ne se rendra pas à sa convocation devant le bureau exécutif prévue en fin d'après-midi. "Comparaître devant cette sorte de tribunal est contraire à ma dignité", lâche-t-il d'une voix forte après avoir plaidé sa cause et défendu sa liberté d'expression.
Une motion, un divorce
À 14 heures, l'atmosphère se tend davantage. Marine Le Pen propose d'adopter une motion qui désapprouve les "propos tenus et réitérés par Jean-Marie Le Pen, notamment ceux exprimés dans les colonnes du journal anti-FN Rivarol". Préparé, le texte souligne que le bureau politique considère que "les commentaires ou prises de position du président d'honneur ne peuvent en aucun cas engager le Front national, sa présidente ou ses instances délibérantes". Enfin, les dirigeants affirment leur confiance envers leur cheftaine pour "préserver l'objet social de l'association, garantir l'unité et la cohérence du Front national et veiller en toutes circonstances à ce que rien ne puisse le détourner de son objectif de conquête du pouvoir au service de la France et du peuple français".Après débat, la motion est légèrement amendée : le terme de "condamnation" à l'égard de Jean-Marie Le Pen est retiré. La motion est finalement adoptée par 40 membres sur 44. Seuls Jean-Marie Le Pen, Alain Jamet et Bruno Gollnisch ont voté contre. Catherine Salagnac - proche de Bruno Gollnisch - s'est abstenue. Pour Marine Le Pen, c'est une victoire : la voilà une fois de plus, sans surprise, confortée à la tête du parti avec le soutien de ses troupes.
J'ai été désavoué
Aux alentours de 14 h 30, Jean-Marie Le Pen part du siège du FN en livrant ses premières impressions. "J'ai été désavoué, reconnaît-il. J'ai toujours parlé librement, au nom de Jean-Marie Le Pen. Je ne parle pas au nom du FN depuis que Marine Le Pen est la présidente du parti, c'est-à-dire depuis 2011. On n'est pas dans un parti soviétique : on n'est pas obligé de penser la même chose sur tous les sujets." Une fois de plus, le député européen refuse de prendre sa retraite politique comme le lui avait demandé sa fille : "Je ne me mettrai pas en retrait politiquement, pour cela il faudrait me tuer ! Seulement la tenue d'un congrès pourrait revenir sur l'existence de ma fonction de président d'honneur."Une sanction pour plumer l'UMP
17 heures : les huit membres du bureau exécutif sont réunis autour de Marine Le Pen. Comme annoncé, Jean-Marie Le Pen est absent. Après trois heures de délibération, l'état-major tranche. Le Pen est suspendu de sa qualité d'adhérent du FN jusqu'à la tenue d'une assemblée générale extraordinaire. Cette dernière sera convoquée dans les trois prochains mois afin de modifier les statuts du parti et notamment l'article 11 bis relatif à la présidence d'honneur. Excepté Marie-Christine Arnautu - une bonne amie du Menhir -, tous les membres du BE ont approuvé cette décision. Finalement, Jean-Marie Le Pen évite donc l'exclusion du parti, réclamée par le vice-président Florian Philippot, mais la sanction est sévère. "Marine Le Pen achève l'une des journées les plus pénibles de son existence", confie un ami proche. Et de poursuivre, grandiloquent : "Elle se sacrifie pour sa patrie, elle est capable de piétiner sa souffrance personnelle pour sauver son parti et gagner la présidentielle."En réalité, la stratégie politique est rodée : en rompant avec son père, elle essaie d'arracher son parti à tout procès en antisémitisme pour accélérer sa banalisation et sa dédiabolisation. Avec en ligne de mire un objectif : conquérir davantage d'électeurs UMP en vue de la présidentielle de 2017. Afin d'y parvenir, la prétendante à l'Élysée n'exclut pas de revoir certains points de son programme économique qui rebutent actuellement les électeurs de droite tels que le rabaissement à 60 ans de l'âge légal de départ à la retraite ou la question de la sortie de l'euro. Comme Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix frontistes en 2012, Marine Le Pen veut elle aussi plumer l'UMP en 2017.
La guerre est déclarée
22 heures : en apprenant la décision de sa fille, le sang de Jean-Marie Le Pen ne fait qu'un tour. Au micro d'Europe 1, il dénonce "une félonie", "répudie" sa fille et lui demande de lui rendre "son nom" : "Elle a la possibilité de le faire en se mariant soit avec son concubin, soit avec quelqu'un d'autre, après tout, pourquoi pas M. Philippot." Déjà brouillé avec sa fille aînée Marie-Caroline depuis la scission mégrétiste de 1998, l'histoire semble donc se répéter... Désormais, seule sa fille Yann, en charge des grandes manifestations au sein du FN et non élue, trouve grâce à ses yeux.Décidément, les relations complexes qui unissent les membres de la famille Le Pen rappellent l'intrigue du Roi Lear : une fille qui a hérité du pouvoir cherche à s'imposer et à affaiblir son père qui a renoncé à ses responsabilités mais veut à tout prix conserver son autorité. Comme l'affirme le roi de France dans la pièce de William Shakespeare : "L'amour n'est pas l'amour, quand il s'y mêle des considérations étrangères à son objet suprême." La saga n'est pas finie : le roi Lear, pardon Le Pen, a juré de se défendre : "Je me défendrai. Ce n'est pas impunément qu'on m'attaque, même dans le dos."
Par Ségolène de Larquier - lepoint.fr
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