La dénonciation des manœuvres électorales frauduleuses d’un gouvernement aux abois Les Comoriens sont très contents en ce moment. En ef...
La dénonciation des manœuvres électorales frauduleuses d’un gouvernement aux abois
Les Comoriens sont très contents en ce moment. En effet, pendant que certains peuples du monde ont l’habitude de se passionner pour la Coupe du Monde de Football, pour la Coupe d’Afrique des Nations ou pour la Coupe de l’UEFA, les Comoriens, eux, se passionnent pour leur sport national, à savoir: la politique, surtout en période électorale. Que la classe politique nationale soit à son niveau le plus bas, que les Députés soient corrompus, incompétents et dévoyés, que les ministres soient incompétents et corrompus, que le pays vive dans l’obscurité, la soif et la faim, que les plus corrompus continuent à vivre dans la corruption et de la corruption, rien de ceci ne compte et ne les inquiète. Ce qui compte pour eux, c’est l’organisation d’élections, un moment au cours duquel ils vivent dans une joie extatique.
Cependant, cette fois-ci, la joie électorale des Comoriens risque d’être gâchée par les mauvaises manières du gouvernement, un gouvernement bien décidé à tout faire pour frauder des élections qu’il dit pouvoir organiser en 2015, sans nous dire avec quels moyens financiers et matériels. Au moment où de lancinantes questions se posent sur ces moyens, Maître Saïd Larifou, Président du RIDJA, est à Moroni et donne de la voix. Il donne de la voix pour exprimer ses doutes, ses inquiétudes et son indignation face à ce qui s’apparente déjà à une politique gouvernementale conçue et appliquée pour fausser la sincérité des scrutins à venir.
Et le Président du RIDJA a toutes les raisons du monde de se montrer sceptique et inquiet sur la sincérité électorale du gouvernement parce que tout a été fait pour assurer à ce dernier une longueur d’avance sur «l’opposition», à un moment où ce même gouvernement n’a rien fait de bien aux Comoriens pour mériter une majorité parlementaire. Le samedi 22 novembre 2014, au cours d’une conférence de presse, Maître Saïd Larifou ne s’est pas fait prier pour qualifier de «mascarade» les élections à venir. Quand il porte une telle accusation sur le gouvernement, il ne parle pas seulement en tant que chef d’un parti politique qui se réclame de «l’opposition», mais également en sa qualité de juriste très procédurier et tatillon, un juriste à qui on ne la conte pas. Comment ne pas être sceptique quand la prétendue réactualisation du fichier électoral biométrique est devenue la grande lessiveuse qui a fait disparaître comme par enchantement des centaines de noms, sans aucun souci de cohérence, de transparence et de sérieux? Au cours de la même conférence de presse, le Docteur Tadjiri Ahamada, Vice-président du Parti CHUMA du Prince Saïd-Ali Kemal, n’y va pas avec le dos de la cuiller, lui qui cite le cas de villages dont l’électorat passe de 2.400 à 1.300 personnes, soit la disparition de presque la moitié des personnes inscrites sur les listes électorales initiales. C’est de la magie pure et simple.
En chœur, Maître Saïd Larifou et le Docteur Tadjiri Ahamada crient au scandale lié à la grosse fraude électorale, s’interrogeant sur l’opportunité pour la communauté internationale de financer la «mascarade» électorale à venir: «Nous ne pouvons pas comprendre que le PNUD, l’Union européenne, l’Union africaine acceptent de financer ces élections alors même qu’il y a là un déni de démocratie». Pourquoi s’indigner alors que ces organisations internationales, aussi respectables soient-elles, ont souvent financé en Afrique des élections qui n’ont pas été des exemples de transparence et de liberté? On dépense beaucoup d’argent pour des scrutins complètement viciés par la fraude, en amont et en aval du processus. La communauté internationale semble oublier que la fraude électorale s’organise toujours en amont des opérations électorales, même et surtout au moment de l’inscription sur le fichier électoral.
Déjà, à la mi-novembre 2014, le Parti CHUMA et le Parti national démocratique (PND) ont saisi la Cour constitutionnelle pour lui signaler que la Commission électorale nationale «indépendante» (CÉNI), la voix de son maître, a établi un fichier électoral complètement biaisé. Mais, il n’est pas certain que ces partis politiques soient entendus par la Cour constitutionnelle, puisqu’il y a conspiration contre la démocratie et l’État de Droit. Comme Maître Saïd Larifou sait que les membres de la Cour constitutionnelle vont s’asseoir sur la requête du PND et du Parti CHUMA, il tempête: «C’est la population qui les rappellera à leur responsabilité». Très belle phrase, mais que fera la population si elle ne bénéficie pas d’un encadrement politique sérieux de la part d’une opposition crédible et agissante? Telle est la question qui se pose aujourd’hui, à un moment où le même Saïd Larifou est convaincu que les candidats des partis de la majorité n’ont aucune chance de remporter les élections à venir: «Je suis convaincu qu’ils ne gagneront pas ces élections parce que leur bilan est calamiteux». Pour être calamiteux, ce bilan est calamiteux.
Les Comores s’acheminent donc vers une nouvelle régression de la sincérité des élections, surtout après celle de 2010, la mère de toutes les régressions de démocratisation. Tout indique que les pouvoirs publics comoriens ne vont rien faire pour faire respecter la sincérité et l’intégrité des suffrages des Comoriens. D’ailleurs, l’Assemblée de l’Union des Comores est devenue le lieu d’expression de toutes les compromissions, un lieu où on a vu des Députés de la Mouvance présidentielle se comporter en vrais «opposants», et des Députés estampillés «opposition» se comporter en véritables Députés de la majorité parlementaire. L’atomisation («balkanisation» ou éparpillement) des partis politiques comoriens n’est pas faite pour assurer ne serait-ce qu’un peu de cohérence et de cohésion à une Assemblée où aucun Député n’est à sa place normale et institutionnelle.
Il est tout à fait clair que le gouvernement ne pourra pas s’appuyer sur les élus de l’UPDC, le «parti cocotte-minute» du Président Ikililou Dhoinine, pour finir dans le calme une présidence qui ne laissera pas que de bons souvenirs aux Comoriens. Cela étant, même si le très bon Houssen Hassan Ibrahim, précieux ministre de l’Intérieur, de l’Information, de la Décentralisation, chargé des Relations avec les Institutions (de grâce, ne nous achevez pas avec cette litanie de fonctions!) déployait tout son génie falsificateur et frauduleux, il ne pourrait attribuer à la Mouvance présidentielle une majorité au Parlement. Dans les Comores d’aujourd’hui, l’idée même d’un parti politique dominant est complètement exclue dans les analyses politiques, sauf si les pouvoirs publics décidaient de procéder par un passage en force, comptant sur le coma et la mort clinique de la classe politique comorienne.
Par ARM
© lemohelien – Mardi 25 novembre 2014.