Un superbe documentaire rend hommage à un médecin qui consacre sa vie à soigner des victimes de viol au Congo. C'est un sujet déjà a...
Un superbe documentaire rend hommage à un médecin qui consacre sa vie à soigner des victimes de viol au Congo.
HabarizaComores.com | أخبار من جزر القمر.
C'est un sujet déjà abordé par de nombreux documentaires : les femmes victimes de viol dans un contexte de guerre. Pourtant, le film d'Angèle Diabang se distingue par l'intelligence de son propos, la qualité de sa réalisation et la force de ses témoignages. Il raconte une histoire de drames et de résilience face à la barbarie, mais aussi une leçon de vie incarnée par un homme, le Dr Denis Mukwege, chirurgien et gynécologue congolais, récompensé le 21 octobre dernier par le prix Sakharov attribué par le Parlement européen pour son action menée depuis 1999 dans son hôpital situé dans la province du Sud-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo. Une région riche de ses ressources naturelles qui alimentent un conflit armé depuis vingt ans dont les femmes sont les premières victimes.
En quinze ans, cet homme au physique imposant et à la voix posée a ainsi sauvé près de 40.000 femmes victimes de crimes sexuels perpétrés par des militaires. Pour avoir osé mener ce combat, le docteur a été la cible de trois tentatives d'assassinat. La dernière, en octobre 2012 par cinq hommes armés, le décida à s'exiler un temps. Le documentaire débute d'ailleurs par le retour au pays de Denis Mukwege, célébré comme le messie par une foule en liesse. Le praticien, surnommé l'"homme qui répare les femmes", revient sur la création de l'hôpital de Panzi, dans sa ville natale de Bukavu, et la découverte du fléau. En 1999, il soignait 45 femmes meurtries par des sévices sexuels. "En 2000, leur nombre avait triplé." Il décide alors de créer une aile spéciale au sein de son établissement pour ces femmes dont "le corps est transformé en champ de bataille".
Le rejet du mari et de la famille
Face caméra, il décrypte comment le viol, "une véritable stratégie de guerre", détruit les femmes mais aussi le tissu social et sa cohésion. Condamne l'indifférence de la communauté internationale, sa "complicité coupable". Ce qui frappe, c'est l'humilité de cet homme qui a "hypothéqué sa vie", dixit une assistante sociale, pour accomplir sa mission. Le documentaire d'Angèle Diabang évite d'ailleurs le panégyrique pour laisser la parole à ses femmes brisées, mais toujours dignes.
Diplômée de la Femis, la réalisatrice sénégalaise a su les filmer avec respect et pudeur, écouter les silences, avec de gros plans sur les mains nouées, les regards perdus, les corps qui s'agitent pour mimer le viol. Le plus souvent à visage découvert, elles racontent toutes la même histoire, quand leur vie a basculé un jour sur le chemin de l'école, dans un champ pendant la récolte du manioc. Elles évoquent toutes la barbarie collective des militaires, l'envie de mourir pendant le viol, puis le regret d'avoir survécu, la honte indélébile, le rejet du mari, de la famille et de la communauté.
Dans cet hôpital entouré d'une végétation luxuriante magnifiquement filmée, ces femmes parias qui se voient refuser le statut de victimes, réapprennent à vivre. Le sacerdoce du docteur et de son équipe ne se limite pas aux seules opérations chirurgicales pour "réparer la cloison recto-vaginale", soigner les MST… Pour se reconstruire mentalement, elles participent à des activités théâtrales, des ateliers de couture, suivent des cours d'informatique, bénéficient même de microcrédits. On suit les entretiens avec des psychologues et des assistantes sociales qui les aident à s'inventer un avenir, à affronter la maternité, la naissance d'un enfant fruit d'un acte barbare qui reste comme "une épine irritative dans leur vie", comme l'explique le docteur.
Armée de sa caméra, Angèle Diabang a su éviter tous les écueils du misérabilisme et du sensationnalisme. Elle signe un film touchant par sa justesse, la force de ses témoignages, mais aussi la beauté de ses images. La diffusion du documentaire sera suivie d'un débat animé par Marina Carrère d'Encausse, avec, en duplex de l'hôpital de Panzi, le Dr Denis Mukwege et en plateau la ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem.