Parmi la cascade de décrets présidentiels du mois d’août dernier relatifs aux prochaines élections législatives, cantonales et municipa...
Parmi la cascade de décrets présidentiels du mois d’août dernier relatifs aux prochaines élections législatives, cantonales et municipales, un décret semble échappé à la vigilance des commentateurs avisés et de la classe politique avertie. Pourtant, ce texte s’emploie de façon notoire à réduire les garanties d’avoir, à l’avenir, des élections libres, démocratiques et transparentes.
Il s’agit du Décret N°14-128/PR du 2 août 2014 instituant une Direction Générale des Elections(DGE) au sein du ministère de l’intérieur. Celle-ci est chargée de la gestion des élections. Ce décret est pris en violation de plusieurs dispositions de la loi N° 14- 004/AU du 12 avril 2014 portant Code électoral et a vocation à faire revenir le ministère de l’intérieure dans l’organisation et la gestion des élections.
La DGE n’est pas prévue par le code électoral
En effet, conformément à l’article 30 du code électoral, les élections sont gérées par un organe impartial technique permanent dénommé « Commission Electorale Nationale Indépendante » (CENI) dont le fonctionnement est déconcentré sur le territoire. La direction générale des élections n’est prévue nulle part dans le code électoral. En dehors de la CENI et ses démembrements insulaires, Commission Electorale insulaire Indépendante(CEII) et communaux, Commissions Electorales Communales Indépendantes (CECI), aucune autre structure administrative n’est chargée de la gestion des élections. Ensemble les articles 49, 52 et 53 de la portant code électoral énumèrent expressément et de manière complète les missions et les obligations de la CENI, les responsabilités et les obligations de ses membres, ainsi que les missions du Bureau de celle-ci.
Bien que conformément à l’article 29 du code électoral, le Ministère chargé des élections a le pouvoir d’arrêter des mesures d’ordre général et réglementaires, il faut reconnaitre que les dispositions du code électoral ne laissent aucune place à une structure autre que la CENI pour la gestion des élections.
Force est de reconnaitre qu’au regard de l’organisation, du fonctionnement et des missions de la Direction Générale des Elections, celle-ci empiète sur les attributions dévolues par le code électoral à la CENI. Il apparait clairement que cette prétendue Direction des Elections étend ses compétences sur le champ défini et exclusif des compétences de la Commission Electorale Nationale Indépendante, telles la formation des agents électoraux ou l’élaboration du budget des élections, pour ne citer que ces compétences.
Empiétement des compétences dévolues à la CENI
Par ailleurs, la Commission Electorale Nationale Indépendante dispose, conformément aux dispositions de l’article 33 de la loi portant code électoral, d’une autonomie administrative et financière par rapport aux institutions exécutives et législatives de l’Union des Comores. Cette commission est indépendante. Cette indépendance implique toute absence de toute tutelle de la part du pouvoir exécutif. Elle ne doit recevoir ni d’ordre, ni d’instruction de la part du gouvernement. C’est cette indépendance qui forge la crédibilité et la légitimité d’une institution qui officie dans un domaine aussi sensible que celui des élections. Or, la création d’une autre structure chargée de la gestion des élections et l’empiétement de celle-ci sur les missions légalement dévolues à la CENI risque de compromettre cette autonomie et de consacrer, de fait, une mise sous tutelle de celle-ci.
La transparence des élections semble compromise
En outre, la constitution de l’Union des Comores dispose dans son préambule que le peuple comorien affirme solennellement sa volonté de se doter de nouvelles institutions fondées sur l’Etat de droit, la démocratie, et respectueuses de la bonne gouvernance et de marquer son attachement aux principes et droits fondamentaux tels qu’ils sont définis par la Charte des Nations Unies, celle de l’Organisation de l’Unité Africaine, le Pacte de la Ligue des Etats Arabes, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Ce qui revient, entre autres choses, à organiser des élections démocratiques, justes, honnêtes et transparentes. Et pour ce faire, il est de tradition aux Comores, depuis l’avènement de la démocratie dans les années quatre-vingt-dix, de confier la gestion des élections, de façon exclusive, à une structure indépendante des pouvoirs publics et des partis politiques. Cette commission agit au nom de l’Etat et dispose d’un réel pouvoir sans pour autant relever de l’autorité du gouvernement. Elle échappe à toute autorité hiérarchique tout en agissant au nom de l’Etat.
Traditionnellement, la philosophie qui caractérise la création d’une commission électorale autonome et indépendante de l’Etat devant assurer la gestion des élections est justement de disqualifier le ministère de l’intérieure ne fournit pas un gage de transparence des élections. Créer par voie réglementaire une direction des élections et charger celle-ci de la gestion des élections en superposition de la CENI, la structure prévue par la loi, semble compromettre l’organisation d’élections démocratiques et transparentes.
ABDOU ELWAHAB MSA BACAR