CARNET DE JUSTICE DU JDM . La peine prononcée est lourde, au terme d’une audience marathon de plus de quatre heures. Mais à son énoncée, ...
CARNET DE JUSTICE DU JDM. La peine prononcée est lourde, au terme d’une audience marathon de plus de quatre heures. Mais à son énoncée, les nombreuses victimes venues, ce mercredi matin au tribunal correctionnel de Mamoudzou, ne sont qu’à moitié satisfaites. Anrafa, 30 ans, reste bien derrière les barreaux mais elle n’aura pas à indemniser les personnes qu’elle a escroquées.
La jeune femme est incarcérée depuis le mois de février au moment où l’affaire éclate. Le dossier prend des dimensions exceptionnelles, à tel point que les gendarmes lancent un appel à témoin pour retrouver les nombreuses personnes que la jeune femme a arnaquées.
Anrafa n’a officiellement pas de travail mais elle est à la tête d’un business bien rodé, une double activité même.
La première consiste à affréter des kwassas pour faire venir des clandestins d’Anjouan. Elle possède deux barques, achetées pour 7.000 euros aux Comores, et deux pilotes «travaillent» pour elle. Combien a-t-elle organisé de voyages ? «Quatre», répond-elle. On finira par comprendre qu’il s’agit de 4 trajets par semaine. Avec une formule à 1.000 euros la place avec 5 passagers ou à 300 euros pour 10 personnes, on comprend qu’Anrafa n’ait pas besoin d’une activité déclarée. Elle ne se souvient pas combien les aller-retours effectués pendant 4 ans lui ont rapporté.
Son activité est brutalement interrompue en août 2013. Un de ses kwassas est intercepté sur le lagon. Quant au second, il connaît une fin tragique. Parti d’Anjouan, il n’a plus jamais donné signe de vie. Il est probable que l’embarcation ait coulé avec ses occupants.
Anrafa reconnaît tous les faits. Difficile de dire le contraire, elle avait été placée sur écoute. Quelques conversations téléphoniques permettent de la mettre en cause mais aussi de comprendre son état d’esprit. «Je suis à Majicavo, à la plage. Le bateau vient d’arriver», dit-elle un jour à son mari. «Celui qui veut chercher son clandestin doit apporter son argent. En tout cas, personne ne partira sans avoir payé»… Nous sommes bien dans quelque chose qui s’apparente à un marché aux esclaves, «un trafic d’êtres humains», dénonce la procureure Véronique Maugendre.
Le deuxième business d’Anrafa se situe sur la terre ferme. Il consiste à faire miroiter des papiers à des personnes en situation irrégulière. Elle se présente à ses victimes comme une employée de la préfecture ou comme connaissant quelqu’un qui y travaille. Elle affirme alors pouvoir accélérer les démarches administratives, moyennant rétribution. Pour un titre de séjour d’un an, c’est 1.500 euros, et le tarif monte à 2.500 euros pour un titre de 10 ans… Bien entendu, Anrafa ne connaît personne à la préfecture, n’y travaille pas et n’obtient jamais le moindre document.
C’est la perquisition à son domicile qui «révèle une véritable entreprise qui ne connaît pas la crise», relève la procureure. Les enquêteurs y trouvent 135 actes de naissances, 199 photos d’identité, des justificatifs d’adresse, des certificats de scolarité… des papiers appartenant à 191 personnes différentes… Les 31 victimes qui se sont fait connaître sont donc loin d’être les seules à avoir été escroquées, elles ne représentent qu’un «sixième des victimes potentielles», note le président Rieux.
Anrafa n’est pas seule à la barre. Son mari doit répondre de complicité. Il nie, encore et toujours, avoir été au courant des agissements de sa femme alors qu’il l’amenait à ses rendez-vous. «Quand vous preniez votre scooter et que vous transportiez madame, vous ne saviez pas que c’était des histoires de faux papiers ?» lui demande le président. Il nie contre toute évidence et avec une mauvaise fois confondante qui fait sourire la cour. L’homme n’a jamais vu non plus la couleur de l’argent… Sa femme n’avait pas confiance en lui ni dans les hommes en général car elle a déjà eu deux maris. D’ailleurs, son mari actuel «prétexte des maladies et il part à Madagascar pour se faire soigner».
Où est passé tout cet argent ? Impossible de mettre la main dessus. «Les gendarmes sont des cons» et le chien de la gendarmerie «un nul», aurait-elle confié à un gendarme mahorais. C’est pourtant dans sa maison qu’elle aurait caché une partie du butin et également chez sa mère. Elle a aussi investi : elle a acheté 3 bus qui travaillent pour la société Matis, des ordinateurs, elle serait même devenue propriétaire d’un terrain à Bouéni sur lequel elle aurait fait construire une maison. De quoi se mettre à l’abri quand elle sortira de prison.
Elle a déclaré aux enquêteurs que ses victimes étaient «très très bêtes» de lui avoir donné de l’argent. Aucune d’entre elle ne demandera de réparation particulière. Elles veulent simplement la restitution de l’argent qu’on leur a pris, souvent de gros montants compte tenu de leurs revenus : 180€, 850€, 1.500€… jusqu’à 5.850€ Au total, le préjudice pour les 31 plaignants atteint 48.180€.
Au final, si Anrafa écope de 5 ans de prison et de 20.000€ d’amende et son mari de deux ans de prison et d’une amende de 10.000€, les parties civiles restent sur leur faim. Elles sont bien reconnues en tant que victimes mais ne peuvent être indemnisées : en effet, dans le droit français, une jolie formule dit que «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». En clair, on ne peut pas indemniser des gens qui se sont fait escroquer en commettant un acte illégal, comme tenter d’acheter des papiers d’identité.
Anrafa est tout de même repartie pour Majicavo avant de rejoindre une prison à La Réunion. Il n’y a en effet toujours pas de quartier pour les femmes à Majicavo.
La jeune femme est incarcérée depuis le mois de février au moment où l’affaire éclate. Le dossier prend des dimensions exceptionnelles, à tel point que les gendarmes lancent un appel à témoin pour retrouver les nombreuses personnes que la jeune femme a arnaquées.
Une fin tragique
Anrafa n’a officiellement pas de travail mais elle est à la tête d’un business bien rodé, une double activité même.
La première consiste à affréter des kwassas pour faire venir des clandestins d’Anjouan. Elle possède deux barques, achetées pour 7.000 euros aux Comores, et deux pilotes «travaillent» pour elle. Combien a-t-elle organisé de voyages ? «Quatre», répond-elle. On finira par comprendre qu’il s’agit de 4 trajets par semaine. Avec une formule à 1.000 euros la place avec 5 passagers ou à 300 euros pour 10 personnes, on comprend qu’Anrafa n’ait pas besoin d’une activité déclarée. Elle ne se souvient pas combien les aller-retours effectués pendant 4 ans lui ont rapporté.
Son activité est brutalement interrompue en août 2013. Un de ses kwassas est intercepté sur le lagon. Quant au second, il connaît une fin tragique. Parti d’Anjouan, il n’a plus jamais donné signe de vie. Il est probable que l’embarcation ait coulé avec ses occupants.
Placée sur écoute
Anrafa reconnaît tous les faits. Difficile de dire le contraire, elle avait été placée sur écoute. Quelques conversations téléphoniques permettent de la mettre en cause mais aussi de comprendre son état d’esprit. «Je suis à Majicavo, à la plage. Le bateau vient d’arriver», dit-elle un jour à son mari. «Celui qui veut chercher son clandestin doit apporter son argent. En tout cas, personne ne partira sans avoir payé»… Nous sommes bien dans quelque chose qui s’apparente à un marché aux esclaves, «un trafic d’êtres humains», dénonce la procureure Véronique Maugendre.
Le deuxième business d’Anrafa se situe sur la terre ferme. Il consiste à faire miroiter des papiers à des personnes en situation irrégulière. Elle se présente à ses victimes comme une employée de la préfecture ou comme connaissant quelqu’un qui y travaille. Elle affirme alors pouvoir accélérer les démarches administratives, moyennant rétribution. Pour un titre de séjour d’un an, c’est 1.500 euros, et le tarif monte à 2.500 euros pour un titre de 10 ans… Bien entendu, Anrafa ne connaît personne à la préfecture, n’y travaille pas et n’obtient jamais le moindre document.
191 personnes différentes
C’est la perquisition à son domicile qui «révèle une véritable entreprise qui ne connaît pas la crise», relève la procureure. Les enquêteurs y trouvent 135 actes de naissances, 199 photos d’identité, des justificatifs d’adresse, des certificats de scolarité… des papiers appartenant à 191 personnes différentes… Les 31 victimes qui se sont fait connaître sont donc loin d’être les seules à avoir été escroquées, elles ne représentent qu’un «sixième des victimes potentielles», note le président Rieux.
Anrafa n’est pas seule à la barre. Son mari doit répondre de complicité. Il nie, encore et toujours, avoir été au courant des agissements de sa femme alors qu’il l’amenait à ses rendez-vous. «Quand vous preniez votre scooter et que vous transportiez madame, vous ne saviez pas que c’était des histoires de faux papiers ?» lui demande le président. Il nie contre toute évidence et avec une mauvaise fois confondante qui fait sourire la cour. L’homme n’a jamais vu non plus la couleur de l’argent… Sa femme n’avait pas confiance en lui ni dans les hommes en général car elle a déjà eu deux maris. D’ailleurs, son mari actuel «prétexte des maladies et il part à Madagascar pour se faire soigner».
Des bus et une maison à Bouéni
Où est passé tout cet argent ? Impossible de mettre la main dessus. «Les gendarmes sont des cons» et le chien de la gendarmerie «un nul», aurait-elle confié à un gendarme mahorais. C’est pourtant dans sa maison qu’elle aurait caché une partie du butin et également chez sa mère. Elle a aussi investi : elle a acheté 3 bus qui travaillent pour la société Matis, des ordinateurs, elle serait même devenue propriétaire d’un terrain à Bouéni sur lequel elle aurait fait construire une maison. De quoi se mettre à l’abri quand elle sortira de prison.
Elle a déclaré aux enquêteurs que ses victimes étaient «très très bêtes» de lui avoir donné de l’argent. Aucune d’entre elle ne demandera de réparation particulière. Elles veulent simplement la restitution de l’argent qu’on leur a pris, souvent de gros montants compte tenu de leurs revenus : 180€, 850€, 1.500€… jusqu’à 5.850€ Au total, le préjudice pour les 31 plaignants atteint 48.180€.
Au final, si Anrafa écope de 5 ans de prison et de 20.000€ d’amende et son mari de deux ans de prison et d’une amende de 10.000€, les parties civiles restent sur leur faim. Elles sont bien reconnues en tant que victimes mais ne peuvent être indemnisées : en effet, dans le droit français, une jolie formule dit que «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». En clair, on ne peut pas indemniser des gens qui se sont fait escroquer en commettant un acte illégal, comme tenter d’acheter des papiers d’identité.
Anrafa est tout de même repartie pour Majicavo avant de rejoindre une prison à La Réunion. Il n’y a en effet toujours pas de quartier pour les femmes à Majicavo.
RR
Le Journal de Mayotte