«Il n’y a pas d’immigration clandestine, mais de déplacements non autorisés» Hamada Madi Boléro, Directeur du Cabinet du Président char...
«Il n’y a pas d’immigration clandestine, mais de déplacements non autorisés»
Hamada Madi Boléro, Directeur du Cabinet du Président chargé de la Défense, a accordé une importante interview à Patrick Millan, du journal France Mayotte. Il a dit des choses d’un grand intérêt sur les relations entre les Comores et la France, et s’explique donc sur les sujets qui créent la polémique dans les rangs des «vrais et bons Comoriens». S’agissant tout d’abord de la déclaration franco-comorienne de juin 2013, à laquelle il est fortement associé, notamment en sa qualité de spécialiste de Droit internationale et de Relations internationales, il estime que ce document était nécessaire pour clarifier un certain nombre de points sur les relations séculaires entre les Comores et la France, afin d’éviter les zones d’ombres qui donnent du grain à moudre à ceux qui croient et disent que la seule politique comorienne envers la France doit se baser sur la rupture et la suspicion. Pour lui, la déclaration franco-comorienne de juin 2013 est conforme au Droit international public. En effet, pour l’homme de Beït-Salam, il fallait que «les relations entre les Comores et la France soient assainies tout en pensant au développement et au rapprochement de ces deux peuples». Le Haut Conseil paritaire travaille dans ce sens. S’agissant de la visite que François Hollande, le chef de l’État français, effectuera aux Comores le 26 juillet 2014, et dont il supervise la préparation, il s’agit d’un «événement», qu’il faudra situer plus dans un cadre multilatéral, celui de la Commission de l’océan Indien (COI), que dans celui des relations bilatérales, entre les Comores et la France: «C’est en soi un événement. Un autre Président comorien avait reçu un autre François, également de gauche, c’est Mitterrand. Et, je vous l’ai dit, la communauté franco-comorienne est importante et cela représente quelque chose d’important pour elle».
Pour Hamada Madi Boléro, même si la COI est une organisation régionale orientée vers le développement, elle doit s’impliquer aussi dans les dossiers politiques et de sécurité, surtout de sécurité maritime, pour lutter contre la piraterie maritime et d’autres formes de criminalité. De ce fait, «la COI doit agir comme un seul État, une seule personne. C’est ce que nous attendons de la réforme de la COI». Naturellement, la conférence de la COI, en juillet 2014, à Moroni, s’intéressera beaucoup aux dossiers économiques, notamment à ceux relatifs à l’agriculture et à la pêche. S’agissant de la demande d’adhésion de Mayotte à la COI, Hamada Madi Boléro avoue: «Je n’ai jamais compris cette question là parce que la France considère que Mayotte est française, alors Mayotte est présente dans la COI puisque la France est membre». Voilà une déclaration qui mettra en rage Idriss Mohamed, Président du Comité Maoré et ennemi juré de Hamada Madi Boléro. Au fait, ça fait longtemps qu’il n’a pas rédigé et diffusé un tract contre sa bête noire. En même temps, l’homme des dossiers difficiles, impossibles et empoisonnés de Beït-Salam estime qu’il faut éviter de faire une comparaison avec La Réunion, dans la mesure où, «dans la COI, ce n’est pas La Réunion qui parle, c’est la France». Il va plus loin en signalant que lors de la conférence de la COI à Moroni, «François Hollande peut être représenté par un Guadeloupéen que cela ne changerait rien, ce serait un Français» et «nous ne repoussons pas nos frères et sœurs mahorais». Mais, si François Hollande inclut des élus mahorais dans sa délégation devant se rendre aux Comores en juillet 2014, la question sera alors étudiée par la structure qui s’occupe de l’organisation de la conférence de Moroni.
Sur la présidence tournante, Hamada Madi Boléro se prononce pour son maintien, tout en signalant que dans le cas de Mayotte, il faut des élections primaires «et je ne crois pas que le Préfet de Mayotte soit prêt à les organiser. Par contre, notre Loi permet que tout Comorien, quelle que soit son origine, puisse être candidat partout il veut, l’essentiel est qu’il soit inscrit sur une liste électorale, là où se tiennent les primaires». S’agissant du candidat mahorais Hakim Ali Saïd, très à l’aise, Hamada Madi Boléro estime qu’il est la «bienvenue», «d’autant que c’est un vrai Comorien, de mère mahoraise, de père grand-comorien, de femme mohélienne, d’amis anjouanais. Il peut donc être candidat partout où il veut».
Après avoir rappelé la déclaration franco-comorienne de juin 2014 et le discours du Président Ikililou Dhoinine à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2014, il estime que, «conformément au Droit international, Mayotte est comorienne». S’agissant de la migration vers Mayotte, il déclare que «nous ne parlons pas d’immigration clandestine, mais de déplacements non autorisés», en rappelant les effets négatifs de l’imposition du visa aux Comoriens par la France quand Édouard Balladur était Premier ministre dans l’Hexagone (1993-1995). Mais, le Haut Conseil paritaire doit trouver des solutions au problème de circulation des Comoriens vers Mayotte, car il y a des contingences géographiques qui sont incontournables entre les quatre îles de l’Archipel des Comores. Celui qui fait office de «femme de ménage du gouvernement», en nettoyant devant et derrière lui, évoque le problème en homme lucide, réaliste et pragmatique formé en Droit international public dans l’ancienne Union Soviétique, arguant du fait que le Droit international public est une création de l’idéologie juridique dominante, à laquelle participe la France, mais tout en ayant ses bizarreries, puisqu’on n’a pas demandé «aux Alsaciens, aux Corses et aux Basques» s’ils voulaient être Français, alors que la question a été perfidement posée aux Mahorais et sert de facteur de légitimation au maintien de Mayotte dans le giron de la France.
Pour se situer dans l’ère du temps, le travailleur nocturne de Beït-Salam verse de l’huile chaude et de l’acide sur la plaie en martelant: «On retrouve d’ailleurs le problème avec la Russie face à l’Ukraine, et c’est étonnant de voir la France se déployer pour que Monsieur Poutine rende la Crimée à l’Ukraine. Donc, je respecte la volonté des Mahorais, car moi-même, je veux que vous respectiez la mienne, mais ce dont nous parlons n’a rien à voir avec nous volontés de rassemblement ou de division, c’est uniquement le principe du Droit». Quand le journaliste Patrick Millan dit que «les gens donnent le sentiment d’être tristes aux Comores. La pauvreté est là. Cela n’explique-t-il pas la volonté de départ des Mahorais?», le dialecticien de Beït-Salam sursaute comme sous l’effet d’une électrocution, et se fend d’un lapidaire et fataliste «vous parlez d’un problème que l’on retrouve partout dans le monde».
Naturellement, seules des considérations techniques empêchent la publication du fichier PDF de l’interview du «punching-ball de Beït-Salam». Cependant, une chose est certaine: dans les jours et semaines à venir les «vrais et bons Comoriens» vont reprendre leur refrain bien connu, en accusant Hamada Madi Boléro d’avoir bradé Mayotte. Ça devient lassant et très pénible à la longue.
Par ARM