Mayotte manque cruellement de foncier disponible, notamment le chef-lieu débordant de favelas sur les hauteurs et qui a bien du mal à trouv...
Mayotte manque cruellement de foncier disponible, notamment le chef-lieu débordant de favelas sur les hauteurs et qui a bien du mal à trouver le chemin de la modernisation. Le quartier de M’Gombani est en chantier depuis 4 ans et semble avancer au rythme d’une tortue souffrant de rhumatismes, lorsque l’État vient de céder à la mairie 13 hectares sur le terre-plein de Mtsapéré qui pourrait ainsi voir apparaître une nouvelle phase de constructions.
Le Syndicat Mixte d’Aménagement d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte, le SMIAM, est sur le point d’imploser alors qu’il est à la tête d’un patrimoine immobilier absolument gigantesque, 4000 hectares de terrains répartis sur toute l’île. Une parcelle en particulier est sur le devant de l’actualité, les hauteurs de Kawéni et les favelas de Manga Télé. La zone appartient à l’organisme qui l’a abandonné depuis bien longtemps à la misère et aux bangas en tôles qui seront meurtriers si un cyclone vient à s’abattre sur le 101ème département.Le préfet, Jacques Witkowski, a annoncé il y a quelques mois qu’il souhaitait activer l’ANRU 2 (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) afin de mettre un terme à cette bombe à retardement où les conditions de vie des habitants sont aussi infernales que dangereuses. Un chèque de près de 60 millions sera nécessaire, mais la problématique de l’immigration clandestine qui s’y est installée n’est pas encore résolue, loin de là. Faudra-t-il reloger ou reconduire et dans les deux cas, sous quelles conditions ?
Il faudra donc patienter encore pour voir les premiers coups de pelles donnés et voir disparaître ce quartier de la honte tellement intégré dans le paysage urbain du chef-lieu.
Mais il est un autre endroit qui pourrait bientôt faire l’objet de toutes les attentions, le terre-plein de Mtsapéré. En 2010, le Secrétaire Général aux Affaires Économiques et Régionales, François Mengin-Lecreulx avait dévoilé un projet d’aménagement monumental pour Mamoudzou. Des bureaux, des commerces, des logements une salle de spectacle, des rues, des parkings devaient faire leur apparition sur cette parcelle de 25 hectares appartenant à l’État. Elle était née de la réalisation de la rocade de Mtsapéré avançant sur la mer et le vide généré en la côte et la route avait été comblé par un immense remblais, devenu terre-plein.
Mais un problème se posait à l’époque. Il fallait rehausser toute la surface d’environ 70 centimètres d’enrochement pour espérer pouvoir construire, ce qui alourdissait la note globale de 20 millions d’euros tout de même. Les financements avaient été trouvés, publics et privés et il ne manquait plus que le top départ soit donné. Ainsi, l’agence d’architecture et d’aménagement urbain, Benoît Julien, avait même des plans bien arrêtés et un discours déjà huilé.
“Le projet d’aménagement de ces 25 hectares gagnés sur la lagune est l’occasion de développer le quartier ancien de M’Tsapéré. La composition urbaine, sans rompre avec la volumétrie et l’organisation traditionnelles de la ville mahoraise, reprend et hiérarchise en séquences l’identité du quartier où se mêlent activités, logements et équipements. Les espaces publics jouent sur la combinaison des eaux douces et de mer, théâtralisant ainsi la rencontre de la rivière et du nouveau port” évoquait l’agence présentant ce chantier à venir, destiné à changer le visage de Mamoudzou.
Mais le haut fonctionnaire Mengin-Lecreulx était parti pour la Guyane occuper les fonctions de Directeur général des services du Conseil régional quittant ainsi la préfectorale.
Son successeur, Nadine Delattre, n’avait pour sa part pas repris le bébé qui était resté dans les cartons jusqu’à l’arrivée de Philippe Laycuras qui a découvert le projet si important et si avancé. Il avait réactivé le processus épaulé par la mairie de Mamoudzou et le ministre de l’Outre-Mer à l’époque, Victorin Lurel avait appuyé pour que les choses avancent.
Mais plusieurs problèmes se posaient et ils venaient de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, la DEAL. Le premier, les risques d’inondations en bord de mer et le second, le sol trop meuble pour accueillir des bâtiments.
Deux arguments qui prêtaient à sourire dans la mesure où les locaux de ce service de l’État sont installés dans des bâtiments neufs posés sur le fameux terre-plein. Ce qui était possible pour la DEAL ne l’était donc pas pour le développement et l’aménagement du chef-lieu.
Or, la donne vient brusquement de changer. En effet, le SGAR Philippe Laycuras vient de signer l’arrêté rétrocédant à titre gratuit à la commune de Mamoudzou, 13 hectares sur les 25 que compte la zone.
“Une bataille politique majeure vient d'être gagnée.Ce remblais de Mtsapéré réalisé depuis 1999 par l'Etat a permis de gagner 14 hectares sur la mer. L'État y a construit le siège de son service la DEAL et le Conseil général une hall pour les pêcheurs. Depuis 2002, la commune a amorcé une réflexion en vue de bâtir un projet d'aménagement globale, viable économiquement et répondant le plus possible aux aspirations de la population.Sous la municipalité du sénateur Abdourahmane Soilihi, une procédure de ZAC a été lancée.Elle s'est heurtée à plusieurs difficultés de fonds, notamment le coût du foncier -13M €-et sa situation juridique. En février 2013, le Sénateur et moi assistés des services et de notre cabinet conseil nous sommes rendus au ministère de l'Outre-Mer. Le ministre Victorin Lurel nous avait reçu. Il semblait très sensibilisé par les enjeux d'un tel projet d'aménagement pour un territoire. Il s'était fermement engagé à faire le nécessaire pour faire avancer le dossier.Le 10 mars 2014, le Préfet, représentant de l'Etat a signé l'arrêté déclassant ce remblais qui est en zone des pas géométriques pour l'incorporer dans le domaine privé de l'Etat avec comme finalité de le rétrocéder gratuitement à la commune qui est maître d'ouvrage du projet d'aménagement. C'est une victoire éclatante.” explique Zaïdou Tavanday le conseiller général UMP de Mamoudzou 2 qui ne cache pas sa joie et surfe même sur la vague politique.
“Le mérite revient au sénateur maire. Sans bruit, ni chichi, nous avons continué à travailler, toujours ensemble. Maintenant c'est acquis, le terrain de 13M €, est donné gratuitement à la commune.A plusieurs reprises les habitants sont allés manifester leurs humeurs avec des prières.Il faut maintenant aller de l'avant, aller à l'essentiel, toujours ensemble. On doit commencer les négociations avec les aménageurs qui se sont manifestés. Il faut trouver les 13M € nécessaires pour les travaux préparatoires qui doivent rendre constructibles ce remblais.Je dis ici à l'équipe municipale de Majani Mohamed ma grande disponibilité et aussi ma confiance intarissable à mon ami Ahmed Mohamed Moindjie, l'adjoint chargé de l’aménagement, pour que nous puissions enfin concrétiser ce projet d'avenir tant attendu…”
Si en effet la parcelle est aujourd’hui déclassée, il restera encore deux problèmes à résoudre avant de démarrer les travaux. Le premier, viabiliser et rendre constructible la zone en rehaussant notamment la surface. Et le coût comme indiqué est de 13 millions d’euros, soit 1 millions par hectare, ce qui est très cher payé.
Second souci, Abdourahmane Soilihi n’est plus maire et Majani Mohamed lui a succédé. Rien ne dit que ses efforts se concentreront sur Mtsapéré lorsque cet enfant de Kawéni a promis à ses électeurs qu’il changera la face de son quartier. Mtsapéré ne serait donc pas la priorité des priorités. Enfin, reste le souci du financement. L’ANRU 2 sera peut-être de la partie, la Société Immobilière de Mayotte ou bien encore la caisse des dépôts et consignations ? Et pourquoi pas la SPL 976 qui est si discrète ou bien encore l’Europe ?
La parcelle est libérée, il ne reste donc plus qu’à voir apparaître les investisseurs et les bonnes volontés politiques. A suivre…
FRANCE MAYOTTE Matin / Samuel BOSCHER