Depuis mon adolescence, j’ai souvent rêvé de devenir la femme d’un président. À cela, j’ajoutais toujours : « non pas d’un président d’as...
Depuis mon adolescence, j’ai souvent rêvé de devenir la femme d’un président. À cela, j’ajoutais toujours : « non pas d’un président d’association, ou d’une quelconque organisation, mais bien d’un chef d’État ! » Pourtant, je ne saurais dire que j’ai en tête le modèle d’une première dame qui m’a marquée au point où je souhaitais en devenir une ! J’ai juste souvent senti en moi le charisme nécessaire pour soutenir un chef d’État et être une Mère pour la Nation !
Avant d’y arriver, une question s’impose : à quoi ça sert exactement une première dame? Quels sont son rôle, sa place et surtout ses responsabilités ? Je me propose d’élaborer sur mes motivations et la réalité des premières dames, en Afrique, afin d’élucider leur fonction. Et, sait-on jamais, l’une d’entre nous voudra peut-être aussi en devenir une !
La plupart du temps, les noms des premières dames sont mentionnés dans la presse people au sujet, entra autre, de leur habillement et de leurs dépenses folles. Elles font également souvent parler d’elles par leur implication sociale et humanitaire. Un peu comme la lauréate d’un concours de beauté, on dirait que la première dame se doit absolument d’œuvrer pour les causes humanitaires, pourquoi cela ?
A-t-il été légiféré que cette dernière devrait seulement se faire remarquer par son implication dans des œuvres caritatives ou par ses parures de têtes et son style vestimentaire? Peut-elle avoir une place dans le jeu/scène politique ou alors se doit-elle tout simplement de seconder son conjoint en étant le porte-drapeau de la Nation ? La mère de la nation ou la « First Lady » comme la désignent les Américains, ne peut-elle pas être un stratège politique, une analyste, une conseillère de dernier recours ? Un peu comme la reine Esther, épouse du Roi Assuérus, qui par son intervention dans les affaires politiques du royaume a empêché l’extermination de tout un peuple.
À bien y penser, mes aspirations à la présidence, en tant que première dame, émanaient de la conception que je me faisais du « métier ». Pour moi la première dame était, non seulement, une aide active et proactive pour son mari (comme toute bonne épouse), et ce dans tous les domaines d’implication de ce dernier, mais aussi la représentante des couches les plus vulnérables de la société (les femmes, la jeunesse, les handicapés, les orphelins…). Ainsi, je croyais que, tel un ambassadeur, la première dame pouvait siéger à un conseil de ministres en tant qu’observatrice, ou travailler de pair avec des acteurs politiques et sociaux pour faire avancer les causes des marginalisés. En bref, j’entrevoyais une implication beaucoup plus poussée que les habituelles et sporadiques campagnes de sensibilisation au VIH/Sida.
Malheureusement, ma perception du rôle de la première dame en Afrique n’est pas tout à fait conforme à la réalité. À quelques exceptions près, certaines d’entre elles se sont démarquées, en mon sens. Mais les autres se contentent très bien du rôle qu’on leur attribue dans les médias : folle dépensière à temps plein et mère Theresa à temps partiel aux alentours du 08 mars (journée internationale de la Femme) et du 1er décembre (journée internationale du Sida). Plutôt simpliste n’est-ce pas ? Mais d’où vient ce rôle ?
Suite à ses recherches sur la participation des premières dames sur la scène politique, le professeur Pokam explique que : « […] leur rôle dans le jeu politique est loin d’être prédéfini ; […] il (leur rôle) n’est codifié dans aucun pays. » D’où vient donc cette propension des premières dames à s’impliquer presque naturellement dans œuvres sociales ?
La réponse est des plus simples. N’étant pas des élues du peuple comme leur époux, il semble évident que celles-ci trouvent leur refuge en marge de l’exercice du pouvoir. Cette position peut être à double tranchant. Ainsi, les œuvres de bienfaisance de la première dame peuvent être soit à caractère politique soit neutre ou apolitique.
Autrement dit, les œuvres caritatives de la première dame sont dans certaines instances neutres, mais dans d’autres attribuables au parti au pourvoir. C’est certainement dans cet ordre d’idées que les politologues Messiant et Marchal s’entendent pour dire que : « La position des Premières dames au cœur même d’un pouvoir d’État qui se veut démocratique est aujourd’hui privilégiée mais reste intrinsèquement ambiguë.
» D’après eux, la forte implication des premières dames africaines dans le social remonte aux années 1990, lors de la crise économique qu’a connue l’ensemble du continent. Ainsi, l’aggravation de la crise aurait renforcé les inégalités sociales ; les politiques publiques n’étant plus en mesure de pourvoir un filet social, les premières dames, tels des Robins des bois, font leur entrée sur scène pour combler ce manque à travers toutes sortes de bonnes œuvres. Fort plausible comme explication. Mais que faisaient-elles avant la crise économique des années 90 ?
Tout porte à croire que c’est l’émergence de la presse indépendante dans les années 90 qui a jeté, pour la première fois, un regard approbateur et critique sur le rôle et la place de la première dame. Cette médiatisation tantôt politique ou apolitique aurait forcé certaines d’entre elles à faire preuve de plus d’initiative en se mettant officieusement au service du parti au pouvoir, et officiellement au service de la Nation. Avant ce réveil, la majorité d’entre elles se limitaient à quelques œuvres et institutions de bienfaisance, et brillaient ainsi par leur effacement. Il faut dire qu‘il est plutôt difficile de mettre la main sur le parcours académique et professionnel de certaines d’entre elles. Cependant, on assiste depuis peu à une institutionnalisation internationale du statut de la première dame africaine.
La déclaration de Yaoundé portant sur les voies et moyens de s’impliquer davantage dans la lutte contre le Sida, et adoptée par l’épouse du secrétaire général de l’ONU et les conjointes des chefs d’État présentes en marge du 21e sommet franco-africain en janvier 2001, est un bon exemple de l’émergence du statut de la première dame à l’internationale.
Assurément, l’implication et le partenariat de ces dernières au-delà des frontières de leur État leur donnent non seulement une plus grande visibilité, mais aussi l’occasion de travailler davantage et de prendre une place plus noble, plus officielle et plus professionnelle que celle de ‘’pilleuse en chef des fonds publics.’’
Il semble évident que le rôle et la place que peut se frayer la Première dame sont fonction de plusieurs facteurs. Les deux plus importants sont : son parcours professionnel (en termes de son implication politique) et les circonstances entourant son ascension à la présidence. Des figures telles que la très éloquente Janet Museveni (Première dame Ougandaise, députée et ministre), la mère de la Renaissance du Bénin Rosine Soglo, la militante Adame Ba Konaré qui, en quelque sorte, entraîna son mari en politique, l’arme secrète du l’ancien président ghanéen Nana Rawlings, et Winnie Mandela… sont souvent citées comme prototypes de la Première dame proactive.
Soulignons que certaines de ces figures étaient déjà engagées plus ou moins en politique et ont accédé à la présidence en travaillant de pair et en soutenant leur époux. En revanche, d’autres premières dames ont été propulsées à la tête de la nation par un concours de circonstances. D’autres encore se sont contentées d’assister silencieusement leur époux en participant çà et là à quelques coupures de rubans !
Après ce survol de la réalité et des variantes du poste de première dame en Afrique, tout comme lorsque j’étais adolescente, je me sens à nouveau l’engouement et la capacité de devenir une Première dame… active. Prochaine étape : trouver un futur chef d’État !
Souhaitez-moi bon courage les O !
Note : Le terme présidence (ascension à la présidence, aspirations à la présidence) fait référence tout au long de l’article non pas à la fonction de président, mais au lieu de résidence de ce dernier avec sa famille.
© Oramagonline : Anel Ekosso
Avant d’y arriver, une question s’impose : à quoi ça sert exactement une première dame? Quels sont son rôle, sa place et surtout ses responsabilités ? Je me propose d’élaborer sur mes motivations et la réalité des premières dames, en Afrique, afin d’élucider leur fonction. Et, sait-on jamais, l’une d’entre nous voudra peut-être aussi en devenir une !
Entre perception et réalité
La plupart du temps, les noms des premières dames sont mentionnés dans la presse people au sujet, entra autre, de leur habillement et de leurs dépenses folles. Elles font également souvent parler d’elles par leur implication sociale et humanitaire. Un peu comme la lauréate d’un concours de beauté, on dirait que la première dame se doit absolument d’œuvrer pour les causes humanitaires, pourquoi cela ?
A-t-il été légiféré que cette dernière devrait seulement se faire remarquer par son implication dans des œuvres caritatives ou par ses parures de têtes et son style vestimentaire? Peut-elle avoir une place dans le jeu/scène politique ou alors se doit-elle tout simplement de seconder son conjoint en étant le porte-drapeau de la Nation ? La mère de la nation ou la « First Lady » comme la désignent les Américains, ne peut-elle pas être un stratège politique, une analyste, une conseillère de dernier recours ? Un peu comme la reine Esther, épouse du Roi Assuérus, qui par son intervention dans les affaires politiques du royaume a empêché l’extermination de tout un peuple.
À bien y penser, mes aspirations à la présidence, en tant que première dame, émanaient de la conception que je me faisais du « métier ». Pour moi la première dame était, non seulement, une aide active et proactive pour son mari (comme toute bonne épouse), et ce dans tous les domaines d’implication de ce dernier, mais aussi la représentante des couches les plus vulnérables de la société (les femmes, la jeunesse, les handicapés, les orphelins…). Ainsi, je croyais que, tel un ambassadeur, la première dame pouvait siéger à un conseil de ministres en tant qu’observatrice, ou travailler de pair avec des acteurs politiques et sociaux pour faire avancer les causes des marginalisés. En bref, j’entrevoyais une implication beaucoup plus poussée que les habituelles et sporadiques campagnes de sensibilisation au VIH/Sida.
Malheureusement, ma perception du rôle de la première dame en Afrique n’est pas tout à fait conforme à la réalité. À quelques exceptions près, certaines d’entre elles se sont démarquées, en mon sens. Mais les autres se contentent très bien du rôle qu’on leur attribue dans les médias : folle dépensière à temps plein et mère Theresa à temps partiel aux alentours du 08 mars (journée internationale de la Femme) et du 1er décembre (journée internationale du Sida). Plutôt simpliste n’est-ce pas ? Mais d’où vient ce rôle ?
De l’effacement à une visibilité accrue
Suite à ses recherches sur la participation des premières dames sur la scène politique, le professeur Pokam explique que : « […] leur rôle dans le jeu politique est loin d’être prédéfini ; […] il (leur rôle) n’est codifié dans aucun pays. » D’où vient donc cette propension des premières dames à s’impliquer presque naturellement dans œuvres sociales ?
La réponse est des plus simples. N’étant pas des élues du peuple comme leur époux, il semble évident que celles-ci trouvent leur refuge en marge de l’exercice du pouvoir. Cette position peut être à double tranchant. Ainsi, les œuvres de bienfaisance de la première dame peuvent être soit à caractère politique soit neutre ou apolitique.
Autrement dit, les œuvres caritatives de la première dame sont dans certaines instances neutres, mais dans d’autres attribuables au parti au pourvoir. C’est certainement dans cet ordre d’idées que les politologues Messiant et Marchal s’entendent pour dire que : « La position des Premières dames au cœur même d’un pouvoir d’État qui se veut démocratique est aujourd’hui privilégiée mais reste intrinsèquement ambiguë.
» D’après eux, la forte implication des premières dames africaines dans le social remonte aux années 1990, lors de la crise économique qu’a connue l’ensemble du continent. Ainsi, l’aggravation de la crise aurait renforcé les inégalités sociales ; les politiques publiques n’étant plus en mesure de pourvoir un filet social, les premières dames, tels des Robins des bois, font leur entrée sur scène pour combler ce manque à travers toutes sortes de bonnes œuvres. Fort plausible comme explication. Mais que faisaient-elles avant la crise économique des années 90 ?
Tout porte à croire que c’est l’émergence de la presse indépendante dans les années 90 qui a jeté, pour la première fois, un regard approbateur et critique sur le rôle et la place de la première dame. Cette médiatisation tantôt politique ou apolitique aurait forcé certaines d’entre elles à faire preuve de plus d’initiative en se mettant officieusement au service du parti au pouvoir, et officiellement au service de la Nation. Avant ce réveil, la majorité d’entre elles se limitaient à quelques œuvres et institutions de bienfaisance, et brillaient ainsi par leur effacement. Il faut dire qu‘il est plutôt difficile de mettre la main sur le parcours académique et professionnel de certaines d’entre elles. Cependant, on assiste depuis peu à une institutionnalisation internationale du statut de la première dame africaine.
La déclaration de Yaoundé portant sur les voies et moyens de s’impliquer davantage dans la lutte contre le Sida, et adoptée par l’épouse du secrétaire général de l’ONU et les conjointes des chefs d’État présentes en marge du 21e sommet franco-africain en janvier 2001, est un bon exemple de l’émergence du statut de la première dame à l’internationale.
Assurément, l’implication et le partenariat de ces dernières au-delà des frontières de leur État leur donnent non seulement une plus grande visibilité, mais aussi l’occasion de travailler davantage et de prendre une place plus noble, plus officielle et plus professionnelle que celle de ‘’pilleuse en chef des fonds publics.’’
Avis aux intéressées : Comment devenir une Première dame proactive ?
Il semble évident que le rôle et la place que peut se frayer la Première dame sont fonction de plusieurs facteurs. Les deux plus importants sont : son parcours professionnel (en termes de son implication politique) et les circonstances entourant son ascension à la présidence. Des figures telles que la très éloquente Janet Museveni (Première dame Ougandaise, députée et ministre), la mère de la Renaissance du Bénin Rosine Soglo, la militante Adame Ba Konaré qui, en quelque sorte, entraîna son mari en politique, l’arme secrète du l’ancien président ghanéen Nana Rawlings, et Winnie Mandela… sont souvent citées comme prototypes de la Première dame proactive.
Soulignons que certaines de ces figures étaient déjà engagées plus ou moins en politique et ont accédé à la présidence en travaillant de pair et en soutenant leur époux. En revanche, d’autres premières dames ont été propulsées à la tête de la nation par un concours de circonstances. D’autres encore se sont contentées d’assister silencieusement leur époux en participant çà et là à quelques coupures de rubans !
Après ce survol de la réalité et des variantes du poste de première dame en Afrique, tout comme lorsque j’étais adolescente, je me sens à nouveau l’engouement et la capacité de devenir une Première dame… active. Prochaine étape : trouver un futur chef d’État !
Souhaitez-moi bon courage les O !
Note : Le terme présidence (ascension à la présidence, aspirations à la présidence) fait référence tout au long de l’article non pas à la fonction de président, mais au lieu de résidence de ce dernier avec sa famille.
© Oramagonline : Anel Ekosso