Comme quoi, il suffit d'un rien pour faire le bonheur extatique des Comoriens. Il faut être aux Comores pour voir une remise de pou...
Comme quoi, il suffit d'un rien pour faire le bonheur extatique des Comoriens.
Il faut être aux Comores pour voir une remise de poubelles être transformée en événement national. Des poubelles. Oui, des poubelles. Un événement national. Un économiste comorien a même eu ce mot terrible: «Les autorités n'ont tellement rien à faire qu'elles sont obligées de se réunir pour la réception de malheureuses poubelles». Du génie donc. Il ne s'agit pas de cracher sur la soupe, mais tout de même. En effet, vendredi 25 avril 2014, a eu cet évènement extraordinaire par son «ampleur» et son «éclat», quand l'Ambassadeur de Chine populaire aux Comores a remis 66 poubelles au Maire non élu mais imposé à la ville de Moroni par la force des baïonnettes et les instruments d'arrachage de serrures des huissiers commandités par l'ancien ministre de l'Intérieur Hamada Abdallah et le Gouverneur Mouigni Baraka. Quand on nous dit que les plus célèbres poubelles de l'Histoire des Relations internationales ont coûté 9 millions de francs comoriens, on ne peut pas s'empêcher de faire un calcul mental et penser avec une exactitude d'horloge suisse qu'il s'agit de la somme correspondant à 3 jours et demi de bouffe à la Présidence de la République. Et pour ça, les fameuses poubelles sont entrées dans l'Histoire par la grande porte.
Moroni est la capitale des Comores. C'est une belle ville. Une ville chargée d'Histoire au point de devenir le dépositaire d'une bonne partie de la mémoire collective comorienne. Mais, on constate avec écœurement que Moroni est devenue une ville très sale, du fait d'une politique de démission totale des autorités locales, insulaires et même fédérales, en matière de gestion des ordures, car il appartient à l'Union des Comores de s'impliquer dans la gestion de sa capitale, qui n'est pas seulement celle de la Grande-Comore. Les images d'une ville de Moroni prise d'assaut par les ordures ménagères ont fait le tour du monde, et n'ont pas suscité le respect des gens envers notre pays, peu s'en faut. Une capitale qui a disparu sous les ordures, ça fait toujours mauvais genre. Toujours. Et ça fait mauvaise presse, en plus.
Donc, même si nous devons applaudir la remise des «poubelles internationales», nous devons nous poser la question de savoir si ces poubelles règlent le problème des ordures à Moroni, et la réponse est: pas du tout. En effet, les ordures représentent une grosse industrie incluant l'adoption d'une mentalité de leur jet dans les poubelles, le ramassage quotidien et régulier des poubelles et du traitement des déchets en question. Donc, aujourd'hui, quand nous aurons adopté l'heureuse habitude de ne jeter les ordures que dans les poubelles, qui va vider nos «poubelles historiques» et surtout où?Pis ou mieux encore, quand nos «poubelles historiques internationales» seront vidées en un endroit précis, et comme nos ordures nationales ne seront pas jamais traitées, qui va faire en sorte que le lieu choisi ne devienne pas une réserve de maladies et de microbes, un facteur d'une immense pollution? Cette question relativise donc cette affaire de remise de poubelles et nous pousse à nous poser de nombreuses questions notamment environnementales sur les ordures à Moroni et ailleurs car, ce qui manque aux Comores, ce ne sont pas des poubelles, mais une politique nationale de traitement des ordures.
En réalité, l'Ambassade de la République populaire de Chine n'a jamais manqué de projets «intelligents» pour les Comores, et chaque fois, ces projets tournent au désastre.
Un bon connaisseur des Comores, Alain Deschamps, Ambassadeur de France à Moroni de 1983 à 1987, nous raconte l'histoire d'un immense fiasco, intervenu après la construction du Palais du Peuple (Parlement) par la Chine, alors qu'il fallait un projet pour l'Ambassade de Chine aux Comores au profit de l'État accréditaire: «C'est alors que le chargé d'affaires de la République populaire de Chine pensa à la sculpture des noix de coco. C'était là un domaine dans lequel les disciples du président Mao Tsé Toung ne manquaient pas d'expertise dont le peuple comorien ami pouvait bénéficier. Le projet mûrit dans le secret. Mais un jour le corps diplomatique fut convié à l'inauguration d'un centre d'apprentissage abondamment pavoisé aux couleurs chinoises et comoriennes. On y découvrait de longs établis auxquels s'accrochaient d'ingénieuses machines: au pied de chaque établi, des tas soigneusement rangés de superbes noix de coco; derrière chaque machine un expert[chinois] dévoilait à des élèves locaux fort attentifs les mystères d'un art cultivé peut-être dans l'Empire céleste depuis la plus haute antiquité mais que le Grand bond en avantavait porté au plus haut degré de perfection. Le chef de l'État était ravi, les membres du gouvernement élogieux, le corps diplomatique ne pouvait qu'admirer. Tout le monde félicita chaudement le Chargé d'affaires et son équipe. Le temps passa. On n'entendait plus parler du centre d'apprentissage. Je finis par demander, innocemment, à mon collègue chinois ce qu'il en était. Il sourit jaune et m'avoua son échec. Les apprentis comoriens s'étaient très vite découragés. Les experts étaient retournés en Chine. Afin de sauver la face, les employés de l'ambassade avaient assez longtemps continué à s'escrimer sur les coques indociles. Mais il n'y avait plus que le Chargé d'affaires lui-même pour persévérer dans cette ingrate entreprise. "C'est très dur" me dit-il. Je compatis»:Alain Deschamps: Les Comores d'Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires et cœlacanthe,Éditions Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, pp. 35-36.
Espérons que l'affaire des «poubelles historiques internationales» ne finira pas comme celle des «noix de coco historiques internationales». Amen! Et n'arrachons pas ces poubelles de leurs emplacements pour les destiner à un autre usage. Amen!
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 29 avril 2014.
Il faut être aux Comores pour voir une remise de poubelles être transformée en événement national. Des poubelles. Oui, des poubelles. Un événement national. Un économiste comorien a même eu ce mot terrible: «Les autorités n'ont tellement rien à faire qu'elles sont obligées de se réunir pour la réception de malheureuses poubelles». Du génie donc. Il ne s'agit pas de cracher sur la soupe, mais tout de même. En effet, vendredi 25 avril 2014, a eu cet évènement extraordinaire par son «ampleur» et son «éclat», quand l'Ambassadeur de Chine populaire aux Comores a remis 66 poubelles au Maire non élu mais imposé à la ville de Moroni par la force des baïonnettes et les instruments d'arrachage de serrures des huissiers commandités par l'ancien ministre de l'Intérieur Hamada Abdallah et le Gouverneur Mouigni Baraka. Quand on nous dit que les plus célèbres poubelles de l'Histoire des Relations internationales ont coûté 9 millions de francs comoriens, on ne peut pas s'empêcher de faire un calcul mental et penser avec une exactitude d'horloge suisse qu'il s'agit de la somme correspondant à 3 jours et demi de bouffe à la Présidence de la République. Et pour ça, les fameuses poubelles sont entrées dans l'Histoire par la grande porte.
Moroni est la capitale des Comores. C'est une belle ville. Une ville chargée d'Histoire au point de devenir le dépositaire d'une bonne partie de la mémoire collective comorienne. Mais, on constate avec écœurement que Moroni est devenue une ville très sale, du fait d'une politique de démission totale des autorités locales, insulaires et même fédérales, en matière de gestion des ordures, car il appartient à l'Union des Comores de s'impliquer dans la gestion de sa capitale, qui n'est pas seulement celle de la Grande-Comore. Les images d'une ville de Moroni prise d'assaut par les ordures ménagères ont fait le tour du monde, et n'ont pas suscité le respect des gens envers notre pays, peu s'en faut. Une capitale qui a disparu sous les ordures, ça fait toujours mauvais genre. Toujours. Et ça fait mauvaise presse, en plus.
Donc, même si nous devons applaudir la remise des «poubelles internationales», nous devons nous poser la question de savoir si ces poubelles règlent le problème des ordures à Moroni, et la réponse est: pas du tout. En effet, les ordures représentent une grosse industrie incluant l'adoption d'une mentalité de leur jet dans les poubelles, le ramassage quotidien et régulier des poubelles et du traitement des déchets en question. Donc, aujourd'hui, quand nous aurons adopté l'heureuse habitude de ne jeter les ordures que dans les poubelles, qui va vider nos «poubelles historiques» et surtout où?Pis ou mieux encore, quand nos «poubelles historiques internationales» seront vidées en un endroit précis, et comme nos ordures nationales ne seront pas jamais traitées, qui va faire en sorte que le lieu choisi ne devienne pas une réserve de maladies et de microbes, un facteur d'une immense pollution? Cette question relativise donc cette affaire de remise de poubelles et nous pousse à nous poser de nombreuses questions notamment environnementales sur les ordures à Moroni et ailleurs car, ce qui manque aux Comores, ce ne sont pas des poubelles, mais une politique nationale de traitement des ordures.
En réalité, l'Ambassade de la République populaire de Chine n'a jamais manqué de projets «intelligents» pour les Comores, et chaque fois, ces projets tournent au désastre.
Un bon connaisseur des Comores, Alain Deschamps, Ambassadeur de France à Moroni de 1983 à 1987, nous raconte l'histoire d'un immense fiasco, intervenu après la construction du Palais du Peuple (Parlement) par la Chine, alors qu'il fallait un projet pour l'Ambassade de Chine aux Comores au profit de l'État accréditaire: «C'est alors que le chargé d'affaires de la République populaire de Chine pensa à la sculpture des noix de coco. C'était là un domaine dans lequel les disciples du président Mao Tsé Toung ne manquaient pas d'expertise dont le peuple comorien ami pouvait bénéficier. Le projet mûrit dans le secret. Mais un jour le corps diplomatique fut convié à l'inauguration d'un centre d'apprentissage abondamment pavoisé aux couleurs chinoises et comoriennes. On y découvrait de longs établis auxquels s'accrochaient d'ingénieuses machines: au pied de chaque établi, des tas soigneusement rangés de superbes noix de coco; derrière chaque machine un expert[chinois] dévoilait à des élèves locaux fort attentifs les mystères d'un art cultivé peut-être dans l'Empire céleste depuis la plus haute antiquité mais que le Grand bond en avantavait porté au plus haut degré de perfection. Le chef de l'État était ravi, les membres du gouvernement élogieux, le corps diplomatique ne pouvait qu'admirer. Tout le monde félicita chaudement le Chargé d'affaires et son équipe. Le temps passa. On n'entendait plus parler du centre d'apprentissage. Je finis par demander, innocemment, à mon collègue chinois ce qu'il en était. Il sourit jaune et m'avoua son échec. Les apprentis comoriens s'étaient très vite découragés. Les experts étaient retournés en Chine. Afin de sauver la face, les employés de l'ambassade avaient assez longtemps continué à s'escrimer sur les coques indociles. Mais il n'y avait plus que le Chargé d'affaires lui-même pour persévérer dans cette ingrate entreprise. "C'est très dur" me dit-il. Je compatis»:Alain Deschamps: Les Comores d'Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires et cœlacanthe,Éditions Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, pp. 35-36.
Espérons que l'affaire des «poubelles historiques internationales» ne finira pas comme celle des «noix de coco historiques internationales». Amen! Et n'arrachons pas ces poubelles de leurs emplacements pour les destiner à un autre usage. Amen!
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 29 avril 2014.