En Crimée, il y a autre chose que des mangues, du manioc et de la banane. Lundi 10 mars 2014, l’internaute Anzi a demandé une analyse s...
En Crimée, il y a autre chose que des mangues, du manioc et de la banane.
Lundi 10 mars 2014, l’internaute Anzi a demandé une analyse sur le refus de la France et de l’Occident sur le projet russe d’organisation d’un référendum d’autodétermination de la Crimée, alors que la France a organisé des référendums à Mayotte, dont le dernier, celui du 29 mars 2009 (95,5% de «oui») a conduit à la départementalisation de Mayotte le 31 mars 2011. La demande est légitime et sincère, et déjà les crypto-sambistes s’emparent du sujet, par mauvaise conscience, car c’est quand ils avaient mis en place leur diplomatie du tamtam et du tambour et le «vagabondage diplomatique» (l’expression est du diplomate Aloui Saïd Abbas), que Mayotte a été transformée en département français. Comme toujours, les crypto-sambistes se posent en champions de l’intégrité territoriale des Comores. Une fois encore, on assiste à une surenchère surréaliste, déclenchée par des «acteurs politiques» au double langage et à la langue fourchue. C’est comme quand le «héros national» des Comores, Monsieur Mohamed Idriss, se cache pour aller à l’Ambassade de France à Moroni renouveler sa carte d’identité nationale et son passeport français, provoquant l’étonnement des diplomates français. Ne s’agit-il pas de l’homme fort du Comité Maoré, qui réclame bruyamment Mayotte pour les Comores, ne serait-ce que pour la frime?
Quand on invoque le sujet devant Kamal Abdallah, Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores, il sursaute toujours comme sous l’effet d’un essaim d’abeilles: «Les dirigeants de l’ASÉC demandaient à leurs militants de ne pas prendre des documents administratifs français, pendant qu’ils se cachaient pour aller en demander dans les Préfectures, quand les démarches étaient très simples pour les Comoriens. Moi, je suis en France depuis 1975, et j’y vis toujours avec une carte de séjour. Au moins, je suis resté en accord avec moi-même». Aujourd’hui, ce que les Comoriens doivent comprendre et que les ultras qui ont fait de Mayotte leur fonds de commerce politique et vital refusent d’admettre, c’est que dans les relations internationales, le seul concept qui prévaut et qui en est devenu le fil conducteur est celui de l’intérêt national. Ceci est d’autant plus vrai que James N. Rosenau s’en sert pour définir la politique étrangère, ou politique extérieure ou politique internationale, considérant qu’il s’agit de l’«effort d’une société nationale de contrôler son environnement externe par la préservation des situations favorables et la modification des situations défavorables» (James N. Rosenau: Linkage politics. Essays on the convergence of national and international Systems, The Free Press, New York, 1969). Il s’agit de l’intérêt national.
Dès qu’on sort du cadre de l’intérêt national en relations internationales, on tombe dans une hypocrisie totale. Or, les Comores n’ont jamais voulu et su défendre leur intérêt national. Que ceux qui le contestent nous citent le nom des experts comoriens à qui est confiée la mission de travailler sur les sujets les plus sensibles de la diplomatie comorienne. Va-t-on nous parler des diplomates chevronnés qu’Ikililou Dhoinine et ses hommes et femmes passent leur temps à piétiner et que les «bons Comoriens» traitent de «vendus», uniquement parce qu’ils négocient avec la France? Soyons sérieux! D’ailleurs, comment les Comores peuvent-elles défendre leur intérêt national «grâce» à des ministres des Affaires étrangères faisant des déclarations publiques prouvant qu’ils ne connaissent même pas les 5 États membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU? La chose a été prouvée. Restons-en là.
De toute manière, il faudra que les Comoriens apprennent à ne pas ressortir le dossier de Mayotte pour le comparer à chaque situation nouvelle qui se crée sur la scène diplomatique. Que fait l’Occident en Crimée? Elle défend l’intégrité territoriale de l’Ukraine, un État du monde occidental, comme l’Union africaine (et avant elle, l’OUA), la Ligue des États arabes, l’Organisation de la Conférence islamique et les Pays Non-alignés proclament que Mayotte est une île comorienne. C’est donc une question d’intérêt et de rapports de forces. Or, il n’est pas interdit aux Comores de défendre leur intérêt national, même si les rapports de forces ne sont pas en leur faveur, dans le contexte actuel des relations internationales. Mais, il faut se poser la question suivante: est-un Elanrif Saïd Hassane qui va aider les Comores à défendre leur intérêt national? Foutaises! Ce n’est pas à une personne qui travaille notamment sur les relations internationales depuis 1986 qu’on fera admettre une telle insanité. À d’autres!
Qui va défendre l’intérêt national des Comores quand de ministres des Affaires étrangères, des ministres de la Défense et l’ancien chef d’état-major de l’Armée de ce pays et les deux Ambassadeurs qui ont précédé l’actuel Ambassadeur des Comores en France sont tous des Français et voyagent vers certains pays du monde avec leurs passeports français, certains faisant semblant de s’en prendre à la France pour sauver une sorte de carrière politique, en berne? Que dire de ce Président comorien dont les 2 frères et les 3 sœurs sont des Français et vivent en France? Qui va défendre l’intérêt national des Comores quand ceux qui crient dans les rues de Moroni leur francophobie vont quémander des bourses d’études pour leurs enfants à l’Ambassade de France aux Comores, et vont ramper dans les allées du pouvoir à Paris pour dire qu’ils sont des Français devant être soutenus par la France pour diriger les Comores? Des rigolos pathétiques, absolument pathétiques! Les «mauvais» Comoriens ont honte à leur place.
En Ukraine, la France et les autres pays occidentaux ont soutenu un mouvement populaire hostile à la Russie, qui soutenait le Président prorusse Viktor Fedorovytch Ianoukovytch, qui a été destitué le 22 février 2014. Qu’est-ce qui prévaut ici? L’intérêt national de chaque État en présence. Hamada Madi Boléro, formé en Ukraine à l’époque soviétique, a l’habitude de dire que l’exagération pousse toujours certains Comoriens à croire que leur pays est le centre du monde, et donc, la seule préoccupation des grandes puissances. Horrible erreur de la part de ces «bons Comoriens» transformés en «Comoricains»! Pour revenir à l’Ukraine, rappelons que depuis la destitution de Viktor Fedorovytch Ianoukovytch, la Russie fait tout pour détacher la région de Crimée de l’Ukraine, prévoyant un référendum d’autodétermination qui, de toute manière, ne peut que conduire au rattachement de cette région stratégique à la Russie. En examinant la carte de l’Ukraine, on constate que ce pays a une frontière commune avec l’impériale Russie, abrite la flotte russe de la mer Noire et n’est pas éloigné de la poudrière que sont les Balkans et le monde musulman. Pour tout dire, en Ukraine, il y a autre chose que des mangues, de la banane et du manioc.
Qu’est-ce qui caractérise encore la Crimée? Il s’agit d’une région russophone et russophile située en Ukraine. Pour se venger de ceux qui ont renversé Viktor Fedorovytch Ianoukovytch, la Russie brandit la seule arme qui lui reste, un référendum d’autodétermination de la Crimée. La France et les autres pays occidentaux s’y opposent. L’erreur commise par les «bons Comoriens», c’est quand ils croient qu’il suffit que Laurent Fabius s’oppose au référendum russe en Crimée pour qu’il dénonce celui ayant conduit à la départementalisation de Mayotte. Or, Laurent Fabius est dans son rôle quand il ne dénonce pas le référendum ayant favorisé la départementalisation de Mayotte. En tant que chef de la diplomatie française, il ne défend que l’intérêt de la France. Or, Mayotte est une question d’«intérêt national» pour la France. Et on compte sur le chef de la diplomatie française pour s’opposer à l’intérêt national de la France?
Le référendum d’autodétermination de la Crimée ne peut se faire qu’au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais, qu’est-ce qu’un peuple et à partir de quel nombre de personnes peut-on parler d’un peuple et à partir de quel seuil peut-on lui appliquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes? Le Droit international public ne nous le dit pas. En tout état de cause, le peuple est le substrat humain de l’État, et bien d’imbroglios juridiques entourent la notion de «peuple» et, par ricochet, celle de «territoire»: la Crimée a-t-elle vocation à se détacher de l’Ukraine pour se rattacher à la Russie? En tout cas, la «diplomatie occidentale» ne s’est jamais mobilisée pour un pays africain comme elle le fait pour l’Ukraine, un État ayant vocation à devenir membre de l’Union européenne.
Il faudra donc que les «bons Comoriens» sachent qu’en matière territoriale, la passion et l’intérêt national l’emportent sur la raison et parfois sur le Droit international public. Chaque fois que les «bons Comoriens» oublient la défense de l’intérêt national par les États, ils se retrouveront en train de procéder à des comparaisons hasardeuses qui n’engagent qu’eux-mêmes. Autant les puissances occidentales organisent réunions sur réunions au sujet de l’évolution juridique et politique de l’Ukraine et de la Crimée au sein de l’Ukraine, autant personne ne les a vues un jour organiser la moindre misérable conférence sur Mayotte. Les Comores, pathétique dictature familiale tropicale, ne présentent donc pas, pour les puissances occidentales, le même intérêt que l’Ukraine, un pays européen appelé à devenir membre à part entière de l’Union européenne, et dont la population réclame justement un virage pro-européen, pendant que le prorusse Viktor Fedorovytch Ianoukovytch ne voyait que la Russie de Vladimir Poutine.
Par ARM