Des politiciens se réjouissant d'une candidature devant nuire à leurs adversaires. « La candidature de M me Moinaécha Youssouf Dja...
Des politiciens se réjouissant d'une candidature devant nuire à leurs adversaires.
«La candidature de Mme Moinaécha Youssouf Djalali est une aubaine car elle va nuire à celle du Vice-président Mohamed Ali Soilihi à Mbéni et dans le Hamahamet, donc à l'échelle de la Grande-Comore. Rien que pour ça, elle doit être soutenue», dit sans rire ce cacique du RIDJA, qui ne cherche même pas à cacher sa joie depuis l'annonce officielle de la candidature de la femme d'affaires qui se reconvertit en politique. Un candidat à l'élection présidentielle de 2016 fait pratiquement la même analyse que l'homme du RIDJA: «En briguant la présidence de la République en 2016, Mme Moinaécha Youssouf Djalali nous donne la possibilité de porter ombrage aux deux hommes les plus haïs de la classe politique comorienne: le Colonel Azali Assoumani et son complice et alter ego Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Même si moi-même je suis candidat en 2016 comme je l'envisage sérieusement, je trouve que cette candidature doit être prise au sérieux car elle est salutaire. Nous devons lui apporter notre aide. Elle est d'utilité nationale». Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed, candidat aux élections législatives de 2014 et à l'élection présidentielle de 2016, est encore plus direct, et ne manque pas de fanfaronner, comme à son habitude: «J'arrive des Comores, où la candidature de Mme Moinaécha Youssouf Djalali est très commentée. Cette candidature plaît, mais elle est à mon avantage. Je vais en tirer profit pour mes propres desseins politiques et électoraux». À Saïd-Abdillah Saïd Ahmed on ne demande pas comment il va tirer profit de la candidature d'une personnalité avec qui il n'a rien en commun, mais «le Président» est tellement convaincu qu'il sera le prochain chef d'État qu'il n'écoute personne.
Mais, on tombe carrément dans le burlesque quand on apprend l'histoire de ce candidat à l'élection présidentielle de 2016 qui tomba nez à nez sur deux dames comoriennes à Paris, ce samedi 8 mars 2014. Il connaît l'une des deux dames et lui lança: «Ma chère sœur, je suis très content de te rencontrer. Je t'annonce ma candidature pour l'élection présidentielle de 2016 et souhaite ton soutien. Es-tu prête à me soutenir, chère sœur?». Les yeux dans les yeux, la dame lui répond sans détour: «J'aurais aimé te soutenir, et tu sais que je l'aurais fait sans hésitation. Mais, l'élection présidentielle de 2016 comporte la nouveauté de cette candidature féminine, que je dois soutenir de tout mon cœur et par mon âme. D'ailleurs, je te présente la candidate elle-même, puisque c'est elle qui est à mes côtés en ce moment». Notre candidat passa de la couleur noire à la couleur bleue, avant de lâcher dans un étrange gargouillis: «Quoi? C'est ma sœur Mme Moinaécha Youssouf Djalali? C'est bien toi, chère sœur?». «C'est bien moi, mon frère. C'est bien moi».
Passé le moment de surprise, notre homme se lança dans un incroyable discours, lui qui se disait candidat à l'élection présidentielle il y avait juste quelques secondes: «Ma chère sœur, je suis prêt à travailler avec toi dans la perspective de l'élection présidentielle de 2016. Je suis à ton entière disposition. Qu'est-ce que tous fais, d'ailleurs, à nous les hommes? Je suis arrivé des Comores, il y a juste quelques jours. Qu'est-ce que je constate aux Comores? Une radio privée ne jure que par ton nom. Le journaliste vedette de la radio ne peut pas passer une heure sans parler de toi. En bien. Il paraît qu'il ne t'a jamais vue. Me voilà en France, où j'ai des relations politiques ici et là. Je suis allé voir l'une d'elles pour lui parler de ma candidature. À ma grande surprise, j'ai entendu un ami de 33 ans me dire sans ciller que ma candidature ne présente aujourd'hui aucun intérêt, car la seule nouveauté de l'élection présidentielle de 2016 viendra de toi. J'ai failli m'évanouir. Un ami qui me préfère à une personne qu'il n'a pas encore rencontrée. Je n'ai jamais vu ça. Même les gens qui prenaient ta candidature pour du folklore ont cessé de ricaner sur toi car ils savent que ta candidature n'est pas le fruit de la précipitation, mais procède d'un plan d'action audacieux. Il est à se demander si tu ne vas pas nous enterrer politiquement, nous les hommes. Nous devons nous voir pour une stratégie électorale. Je dois te revoir dans les meilleurs délais».
Tout ceci est révélateur d'un état d'esprit qui se crée autour d'une candidature spéciale, relevant d'un contexte politique et historique spécial. Qu'est-ce qu'on constate? Pour aller à l'essentiel, une idée s'impose: une candidature qui était destinée à la marginalité, selon une certaine classe politique comorienne, s'impose tout doucement mais avec force, à un moment où les dinosaures sont plus que jamais confrontés à leurs propres contradictions. La classe politique comorienne a vieilli sur pied, mais ses jeunes membres ne valent pas mieux. Les Comoriens sont excédés par 39 ans de promesses jamais tenues. Ils sont désabusés, désillusionnés. C'est alors qu'une jeune femme jette un pavé dans la mare en annonçant sa candidature avant celle de ces Messieurs les hommes. Dès qu'on a su qu'elle était de Mbéni, on a associé la réussite de sa candidature à la déconfiture électorale du Vice-président Mohamed Ali Soilihi, lui aussi de Mbéni, au même titre que l'intellectuel Ahmed Wadaane Mahmoud, lui aussi candidat, et qui organise déjà l'annonce officielle de sa candidature.
Un des stratèges du Vice-président Mohamed Ali Soilihi, originaire de Mbéni, montre des signes d'exaspération: «La candidature de ma sœur Moinaécha est la pire chose qui pourra nous arriver en 2016. Elle divisera l'électorat de Mbéni et du Hamahamet en notre défaveur. Il faut donc que, non seulement Moinaécha renonce à sa candidature, mais qu'en plus elle apporte un soutien public et franc à la candidature de Mohamed Ali Soilihi». Interrogée sur la question, Mme Moinaécha Youssouf Djalali répond laconiquement: «Jamais!». Un autre membre du Comité de soutien du Vice-président Mohamed Ali Soilihi dit simplement: «Elle viendra obligatoirement soutenir le Vice-président». Interrogée sur cette nouvelle affirmation, la candidate répond: «Une voiture lancée sur une autoroute n'a jamais la possibilité de faire marche arrière».
Ce qui fait rire dans cette affaire, c'est que Mme Moinaécha Youssouf Djalali dit savoir qu'on aimerait lui faire jouer un rôle de pourrissement de certaines candidatures, mais qu'elle n'entend pas favoriser les uns au détriment des autres: «Ma candidature est une candidature de relève politique sincère et crédible et non un gadget destiné à faire gagner une élection aux uns et à la faire perdre à d'autres. Nous allons nous confronter, et chacun sera confronté aux crimes qu'il a commis sur le dos des Comoriens. Qu'on ne compte pas sur moi pour favoriser les autres ou pour les défavoriser. Je suis là pour faire gagner les Comores. Je ne demande rien pour moi-même, mais pour mettre fin au scandale de l'Hôpital El-Manrouf, de l'École, des routes, de la corruption, de la division, de la pauvreté et de l'irresponsabilité. Le moment venu, chacun devra expliquer comment il compte financer son programme. C'est en ce moment-là que la rigolade prendra fin car, cette fois-ci, nous allons exiger du concret et non des discours creux et démagogiques».
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 11 mars 2014.