Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores. Depuis quelque semaines, et surtout depuis janvier 2014, nous ...
Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores.
Depuis quelque semaines, et surtout depuis janvier 2014, nous assistons au réveil, certes lent, mais progressif d'une catégorie importante de la société comorienne, celle que nous avons communément l'habitude de qualifier de «société civile» et qui englobe entre autres les corps intermédiaires, notamment les opérateurs économiques du pays. Cette tranche de la société est dans l'œil du cyclone et est ballottée par la crise systémique qui ébranle les bases et fondements des économies du monde occidental, et fait vaciller les grandes démocraties de la Planète. En effet, ces acteurs de la société civile subissent la double peine car, à l'intérieur, ils sont touchés de plein fouet par les effets rétroactifs de la mauvaise gouvernance et du laxisme d'un État comorien en déliquescence, et de surcroît, sont frappés par la nécessité aiguë qui rend certains incapables de se remettre en cause, par conséquent, de réaliser et constater les dégâts collatéraux engendrés par des mauvais choix stratégiques qui mettent à terre l'économie du pays, entraînant dans le désastre dans de centaines de petites et moyennes entreprises et plaçant dans une posture vulnérable les quelques grossistes qui, à ce jour, se débattent avec l'énergie du désespoir, pour survivre et contribuer à un mieux-être.
C'est une situation intenable et acrobatiquement dangereuse, une situation conjuguée à une contingence de taxes et impôts directs et indirects au profit de l'État. Les opérateurs économiques sont épuisés parce que rackettés par les fonctionnaires des ministères de tutelle, qui n'hésitent pas à les assiéger et en faisant le pied de grue auprès d'eux pour leur soutirer des pots-de-vin exorbitants et inacceptables, moyennant quelques services supposément destinés à leur faciliter les démarches dans les mille-feuilles de l'Administration.
Au-delà de cette double peine infligée conjointement par les pouvoirs publics légaux et les plus corrompus des fonctionnaires véreux des ministères de tutelle, s'ajoutent par-dessus tout les conséquences dévastatrices occasionnées par les sociétés d'État liées à leurs activités quotidiennes, qui sont gérées par une clientèle du pouvoir, une caste mafieuse regroupant les barons les plus fringants, les plus arrogants et les plus connus pour leur incompétence notoirement criminelle. C'est le cas de la MAMWÉ, et aujourd'hui comme hier, celui de la Société comorienne des Hydrocarbures, avec ses incessantes pénuries non maîtrisées, ou encore Comores Télécom et la Poste avec leur gestion chaotique ou toujours l'ONICOR, réputée être le théâtre des détournements les plus rocambolesques orchestrés par des dirigeants appartenant à la mafia comorienne.
Toute cette gabegie criminelle et immonde se déroule au vu et au su des dirigeants de l'État, qui se complaisent dans un confort de continuité malsaine, immonde et nauséabonde. C'est une situation qui a fini par mettre à bout des nerfs une partie de la société civile, qui s'est révoltée. La société MAMWÉ cristallise toute la colère et les frustrations de toute une population remontée, arc-boutée contre un système qui montre indécemment ses limites, ses carences, ses défaillances et ses faiblesses. En un mot, c'est un système agonisant, saisi de convulsions multiples, livrant ses derniers soubresauts avant de rendre l'âme, en même temps que l'État comorien.
Les petites et moyennes entreprises (PME) constituent le poumon économique de notre pays. En ne prêtant pas attention à leurs cris d'alarme, l'État se tire une balle sur la tête. Pis, il scie inconsciemment et avec désinvolture la branche sur laquelle il s'est assis confortablement depuis de longues années, favorisant une gabegie malsaine, sœur jumelle d'une gestion opaque et irresponsable. Plus brutale et mortelle sera donc sa chute.
Pendant des décennies, nous avons rêvé de ces moments de réveil de la société civile comorienne, tout en nous interrogeant sur la matérialisation de ce réveil, un réveil potentiel et crucial de cette société civile comorienne, cette grosse et puissante locomotive sur laquelle toute les sociétés, dans leur période de doutes profonds et en période de déshérence, se sont accrochées pour surmonter le déclin et refaire surface. Or, cette couche de la société s'était assoupie sur un matelas faussement confortable, plongeant dans une longue torpeur et dans un long sommeil dont la finalité est l'hypothèque de toutes les chances de renouveau de notre pays autant que sa capacité à se projeter vers un futur prometteur. Au sein de cette société civile, gravitent toute la matière grise de notre pays, toute l'excellence et l'éminence des éléments les plus sains sur le plan intellectuel et professionnel.
Leur entrée fracassante sur la scène publique dans ces heures particulièrement sombres de notre Histoire récente peut être un effet d'aubaine pour le pays, pour son salut et son renouveau. Les voir ainsi, toutes catégories confondues, abattant les barrières sociales, unis pour les intérêts supérieurs de la nation, battre le pavé depuis des semaines sans se décourager défiant même les éléments de la nature, tout cela est, à mon sens, un signal fort qui marque le début du commencement d'une fin de cycle, celui de l'inertie, du laxisme ambiant, du confort accommodant qu'affectionnent les bien-pensants, dans une continuité nuisible.
J'ose espérer que la classe politique comorienne aura la capacité de déchiffrer le message transmis par cette catégorie sociale en pleine ébullition, une catégorie sociale qui, à travers sa mobilisation, envoie un signal de détresse d'une grande puissance, doté de sens et de symbolique, qu'il faut prendre en compte très sérieusement, car cette société civile attend avec impatience l'apport d'une opposition responsable, rénovée, crédible, créative et inventive, une société civile plus audacieuse qui serait capable d'accompagner ce mouvement sociétal en lui apportant les outils de relais notamment une base solide, mais également les instruments de communication nécessaires qui lui permettraient très rapidement de sortir de l'isolement leurs actions, et contribuer à les rendre incisives et percutantes.
Tout cela se fait sans arrière-pensée politicienne, ni tentative de récupération politique, mais tout en tissant des liens de solidarité et de soutien sans conditionnalités, ni volonté d'instrumentalisation politicienne qui risqueraient de travestir et de dévoyer les objectifs affichés, qui sont légitimes, louables et salutaires pour le pays dans son ensemble. Cette catégorie sociale est majoritaire dans le pays. Elle est un vivier formidable sur lequel le pays peut puiser une énergie nouvelle, du sang neuf, un second souffle, où il peut se ressourcer et se régénérer.
Même très discrète par les temps qui courent, l'opposition nationale ferait preuve de maturité, d'ingéniosité et de bonne inspiration en amorçant un rapprochement intelligent qui lui serait utile pour se reconstruire et se refaire une santé, modeler son discours, améliorer son image, bref une manière d'aborder l'avenir proche en optimisant ses chances et en témoignant de son état d'esprit conquérant, en un mot de sa capacité de résilience. L'horizon peut commencer à s'éclaircir et offrir des perspectives meilleures et prometteuses si nous saisissons, dès à présent, cette opportunité inespérée qui se présente au pays, ou alors elle s'assombrira pour longtemps, tout en écartant au passage tout espoir d'un avenir meilleur pour les générations présentes et futures dans l'Archipel aux Sultans batailleurs.
À quelques mois d'élections cruciales, ne serait-il pas temps pour l'opposition nationale comorienne de sortir de sa torpeur et de la langue de bois, pour faire preuve d'inventivité, de créativité, d'ingéniosité et de capacité d'anticipation, afin de partir sur de bases saines vers de nouvelles conquêtes sociétales, vers de nouveaux horizons d'espérances, dans un pays qui aspire au rêve réaliste et réalisable?
Toutefois, nous ne devons pas oublier que le salut de la nation peut aussi bien venir de ses fils et filles de l'intérieur sinon de ses filles et fils expatriés. Après tout, il y a longtemps que nous nous sommes affranchis de toute tutelle, de toute sujétion. Aujourd'hui, nous devons impérativement cesser de servir de supplétifs et de vassaux à des prétendus politiciens, qui sont loin de nous convaincre, qui nous laissent dubitatifs, souvent sceptiques, des politiciens dont le bilan est effroyable et calamiteux. Les Comoriens installés en France apportent leur part de valeurs et de richesses dans le maintien en vie d'une économie comorienne en déliquescence. Grâce à la contribution financière des Comoriens installés en France, chaque année, l'État comorien peut présenter une balance commerciale en équilibre artificiel, par un jeu d'écritures. Autrement, depuis longtemps, les Comores auraient été déclarées par les institutions financières en faillite, dans une situation de banqueroute et d'insolvabilité.
Les Comoriens vivant en France alimentent l'économie comorienne à hauteur de 95 à 100 milliards de francs comoriens, pour un budget annuel de 29 milliards de francs. C'est un apport financier qui dépasse de très loin toute l'aide budgétaire injectée sur l'économie comorienne par des contributeurs du Nord et du Sud. Ce qui fait de la Communauté comorienne installée en France le premier financier de l'économie de son pays d'origine, les Comores. Ces Comoriens installés en France seraient donc dans leur bon droit et disposeraient de l'argument le plus persuasif pour faire valoir leur vision d'une société comorienne plus réconciliée avec elle-même, apaisée, renouvelée, solidaire et responsable.
Le rendez-vous avec l'Histoire nous interpelle. Nous gagnerons à ne pas le rater, une fois de plus.