Mohamed Abdoulwahab : « Nous devons faire le bilan du système institutionnel actuel et envisager les réformes »
Dernier Président de l'Ile Autonome de Ngazidja, Mohamed Abdouloihabi Abdallah est Magistrat de formation. Il a longtemps exercé à la justice avec probité avant de remettre par étique la robe, suite à son entrée en politique. Il a exercé antérieurement les fonctions de Conseiller Juridique à l'Assemblée Fédérale des Comores. Il fut plusieurs fois Ministre de la République comorienne par différents régimes, dont les Affaires Etrangères sous feu Said Mohamed Djohar et la Justice et Affaires Islamiques sous feu Taki Abdoulkarim. Abdouloihabi était le 1er Directeur de Cabinet du Président Sambi Chargé de la Défense.Il est actuellement le Président du Mouvement Politique APSI – Alliance Politique pour la Sauvegarde des Institutions.
« Nous devons faire le bilan du système institutionnel actuel et envisager les réformes »
1 – Monsieur le Président, le 23 mai 2011 vous avez remis les manettes de l'île Autonome de Ngazidja à un Gouverneur élu, Comment vous adaptez-vous à la nouvelle vie de citoyen ordinaire?
Je peux vous signaler que je n'ai pas pu retrouver la vie du citoyen ordinaire que je fus avant mon élection à la tête de l'île autonome de Ngazidja. Je suis resté l'homme public que la fonction de Président a fait de moi. Je suis constamment sollicité par la population pour quelques services ou pour honorer de ma présence les événements qu'elle organise. Je suis également convié par les autorités nationales ou les organismes internationaux à participer à des événements en tant qu'assistant ou animateur.
J'anime l'Alliance Politique pour la Sauvegarde des Institutions (APSI), un parti avant-gardiste qui veille au respect strict des institutions que le peuple se donne.
Je suis seulement plus à l'aise dans mon nouveau statut car je suis débarrassé de tout le protocole qui empêche la spontanéité des relations avec les gens.
2 – Avec le recul Monsieur le président, comment analysez-vous la politique nationale et vos positions politiques vis-à-vis de la Tournante et de l'autonomie des îles?
Quand on reste acteur politique, on n'a vraiment pas de recul vis-à-vis de la politique nationale. On ne peut que restituer le vécu. En effet, je trouve que la politique aux Comores perd de plus en plus sa vocation à éduquer le peuple sur les valeurs fondamentales qui le .conduisent à défendre l'unité de la Nation et l'intégrité du Territoire. Aujourd'hui, la politique est exclusivement au service de la conquête du pouvoir, même si ce pouvoir est ''patricide''.
Le système de la Tournante pousse les hommes politiques à se contenter de rester à l'affût du tour de leur île pour accéder sans effort au pouvoir. Il n'y a pas de véritable élan de la part des hommes politiques dans un travail de rassemblement du peuple ou dans la prise de conscience d'une destinée commune. La population elle-même opère un repli inquiétant sur l'île d'origine. Le fameux slogan "Yinu nde yatru" est très révélateur de cet esprit de contentement insulaire.
L'autonomie des îles, au lieu de servir la gestion décentralisée des affaires du pays par les collectivités sert de socle au repli insulaire et aux prétentions séparatistes.
Le système institutionnel actuel contribue à la régression du sentiment d'appartenance à la même nation et au même pays et je ne suis pas le seul homme politique à partager cette opinion. Et il faut avoir le courage de le mettre en cause. L'homme politique est celui qui se lance des défis et le défi qui mérite d'être lancé aux Comores est celui du retour à l'unité nationale et à l'intégrité territoriale.
Ma position n'est pas en rupture et encore moins en contradiction avec celle que j'avais lorsque je gouvernais l'île de Ngazidja car, lorsque je défendais le respect des compétences dévolues à chaque île c'était en réaction à la volonté affichée des autorités de l'Union de malmener la constitution. Je militais comme je le fais encore aujourd'hui pour le respect strict des institutions en cours tant qu'elles sont en vigueur. J'ai défendu la tournante en faveur de Mwali par esprit de justice et pour la préservation de l'unité nationale qui était menacée avec la tentative de spolier cette île de son tour.
Maintenant on peut sereinement faire le bilan du système institutionnel actuel et envisager les réformes nécessaires à la survie de notre Nation.
3 – Vous êtes parmi les personnalités citées comme candidats aux élections présidentielles de 2016. Qu'en dîtes-vous ?
Vous avez bien dit "citées" et non "autoproclamées." Alors, attendons l'heure d'ouverture des listes des candidatures et vous verrez bien si j'y suis. En tout cas, candidat ou pas, je m'assigne la mission de contribuer à l'éducation du peuple sur les valeurs fondamentales d'unité nationale et d'intégrité territoriale. C'est un combat de longue haleine.
Propos recueillis par Ali M. Saïd
COMORES - KARIDJAPVENDZA