Il y a en ce bas monde, des situations pour le moins insolites, qui ne peuvent laisser aucun esprit rationnel indifférent, mais auraient pl...
Il y a en ce bas monde, des situations pour le moins insolites, qui ne peuvent laisser aucun esprit rationnel indifférent, mais auraient plutôt tendance à sonner le tocsin de la révolte populaire. Avouez qu’il est inconcevable, encore moins acceptable qu’en plein XXIème siècle, on assiste à un spectacle aussi répugnant que répulsif que celui qu’offre la capitale des Comores, Moroni. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître la ville de Moroni est devenue la plus grande déchèterie publique à ciel ouvert jamais connue dans une capitale du monde contemporain. Or, voilà des années que cette situation inqualifiable et inimaginable perdure, face à des pouvoirs publics indifférents, imperturbables, qui ne semblent nullement gênés ni embarrassés encore moins incommodés par une situation hallucinante et surréaliste.
Le triumvir du je-m’en-foutisme suprême comprenant le gouvernement de l’Union des Comores, le Gouvernorat soporifique de l’île autonome de la Grande-Comore, et l’introuvable municipalité de Moroni, impliqués dans ce qu’il y a de plus sordide, souillés jusqu’au plus profond de leurs entrailles, est d’accord pour fermer les yeux un peu trop facilement sur un scandale de salubrité publique qui aurait pu faire tomber plus d’un gouvernement dans un réel État de Droit, alors que les Comores sont une République bananière de poche dirigée par des bras cassés qui empoisonnent la vie des Comoriennes et des Comoriens, une chose difforme et innommable connue pour être incapable de trouver de solutions au moindre problème sociétal et d’utilité publique.
Moroni sous les immondices offre piteusement un décor digne des scénariiapocalyptiques de Hollywood, un décor dans lequel cohabitent chèvres, cabris, poules et autres animaux de la basse-cour. De manière imagée, on pourrait dire que ces immondices font de Moroni une ferme ayant une «population» hétéroclite, résignée à son sort de sacrifiée ou de damnée de la planète, et cela, quelles que soient les conditions météorologiques. De fait, cette population demeure dans la nonchalance, minimisant les dangers évidents et imminent engendrés par une telle situation qui a atteint pourtant son niveau d’alerte le plus élevé et le plus dangereux.
En réalité, la ville de Moroni est en état de catastrophe sanitaire imminente, dont les conséquences à court et à moyen termes seront destructrices pour toute la population de l’île. Moroni est sous la menace d’une épidémie devenue inévitable. Dès lors, bien malin est celui qui saurait nous dire aujourd’hui quelle en serait l’étendue, même si on sait qu’elle sera épouvantable. Pour s’en convaincre, il suffirait à peine d’ouvrir les yeux pour constater que le Marché populaire de Volo-Volo, en incarne tous les maux, et est à lui seul un facteur déclencheur de hauts risques en termes de salubrité publique, au vu des conditions dans lesquelles il fonctionne actuellement.
Les marchandes se servent de piles d’ordures disposées sous forme de dunes pour en faire des étalages de fortune, sur lesquels elles exposent leur marchandises porteuses de microbes mortels, sans pour autant indisposer, gêner les pouvoirs publics, notamment les services dotés d’une autorité de police administrative, surtout en matière phytosanitaire. Autrement dit, le sous-développement le plus indécent s’investit et investit dans le sous-développement le plus malsain. On assiste à une avalanche et nuée d’insectes de toutes sortes, de toutes les tailles, de toutes les natures, au milieu d’une odeur pestilentielle, nauséeuse et nauséabonde. Il va sans dire que seul le désespoir pousse le client à effectuer ses emplettes dans cet environnement moyenâgeux, voire préhistorique.
Au-delà des odeurs urticantes, indolentes et pestilentielles, la cavalerie des mouches et autres insectes volants et rampants envahit la ville de Moroni, en transportant et charriant à tout bout de champ toutes les formes de microbes connus et non identifiables, les transmettant à la population la plus fragile et la plus exposée, notamment aux enfants, aux nourrissons aux personnes âgées et en déficiences immunitaire. Pendant ce temps, les rongeurs, connus pour être des agents extrêmement nocifs, se déploient telle une armée de gladiateurs pour propager les épidémies les plus dévastatrices, à l’exemple de la rage et autres fléaux et maladies contagieuses qui sévissent aux Comores en faisant des ravages au sein de la population.
Des décès rapides et fréquents ont été recensés ces dernières années, mais personne ne s’interroge sur leurs causes profondes, alors que la situation dégradée et insalubre de la chaîne alimentaire n’est pas indissociable de cet état de fait. Le manque de traçabilité n’est pas fait pour renforcer notre sérénité et accroître notre confiance. Plus préoccupante encore et toujours est la problématique posée par la chaîne du froid, qui est nécessaire car garantissant toutes les conditions de conservation de nos aliments avant d’aboutir à notre assiette, quand on connaît les pratiques scandaleuses et dangereuses la moribonde entreprise publique MAMWÉ, une entreprise spécialisées dans les longues et fréquentes séries de délestages intempestifs et sauvages, sans prendre en compte ce facteur de sécurisation de la chaîne de froid, exposant les consommateurs à d’autres formes d’épidémie gastriques.
Il y a là un mécanisme pervers qu’il faut impérativement enrailler, car les retombées en sont insupportables et inhumaines, sur le plan sanitaire. Rajoutez à cela le casse-tête qu’est la fiabilité du réseau de distribution d’eau potable, avec son équipement vétuste car remontant de l’époque de Mathusalem. Quant à ses normes, elles n’ont fait l’objet d’aucune mise à niveau depuis des temps immémoriaux. On a donc là une équation fatale et certainement un début d’explication sur une présence récurrente sur le territoire national d’une maladie telle que le cholera, qui ne constitue pas une fatalité, mais est le résultat d’une mauvaise hygiène.
Il est donc temps de rappeler que le rôle des pouvoirs publics est de veiller aux bonnes conditions d’existence de la population, en œuvrant quotidiennement pour l’amélioration effective de ses conditions de vie. C’est une question de salubrité publique en vertu de laquelle le gouvernement doit assumer son rôle de garant du bien-être commun, ou alors se démettre de ses fonctions s’il se sent incapable de remplir une fonction aussi élémentaire et presque basique qu’est le ramassage des ordures ménagères, le b.a-ba du rôle de l’État providence.
Moroni est la vitrine des Comores. La question de sa salubrité relève du domaine de l’ordre public, qui se situe dans le champ de compétence du Maire de la ville et du Préfet. L’action publique doit s’exercer au quotidien et il ne fait aucun doute que les autorités sont défaillantes sur ce dossier particulièrement crucial. Elles devraient être définitivement censurées et disqualifiées par l’inodore et incolore «Parlement des invisibles», au sein duquel le peuple souverain exercerait un pouvoir de sanction. En tout état de cause, on assiste à une attitude irrespectueuse et irresponsable, voire indigne que de laisser la maison commune s’écrouler sous le poids des ordures et immondices.
Cela en dit long sur notre sens des valeurs de la République et sur notre respect des symboles forts de cette même République. Il n’en faut pas plus pour vous juger et comprendre notre sens de l’État, qui est pour le moins très médiocre. Il est donc urgent de tenir les États généraux de la capitale, sous le haut patronage du gouvernorat de Ngazidja, afin de prendre à bras le corps ce grave et préoccupant problème qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs, en y associant les chancelleries et les ONG de protection de l’environnement. En cas d’attaque ou attaque épidémique et bactériologique, aucun habitant de la Grande-Comore n’en sera épargné et aucun ne sera à l’abri des dommages qui seront causés par l’amoncellement des ordures et immondices à Moroni, la capitale mondiale de l’insalubrité. C’est pourquoi l’heure est à la mobilisation générale de toutes les bonnes volontés, d’où qu’elles viennent. La propreté de notre environnement humain est une question de civilité qui engage chacun. Nous avons le devoir de sensibiliser toute la population et de nous impliquer dans une démarche de réhabilitation de notre capitale et de reconquête de l’espace public.
Par Kamal Abdallah
© www.lemohelien.com – Mercredi 8 janvier 2014.