Depuis le 1er janvier 2014, Mayotte est devenue la 9ème région ultra périphérique européenne. Une évolution institutionnelle qui bouleverse...
Depuis le 1er janvier 2014, Mayotte est devenue la 9ème région ultra périphérique européenne. Une évolution institutionnelle qui bouleverse le quotidien de l’île au lagon qui ne maîtrise pas encore le périmètre des changements arrivant d’un seul coup. Et les premiers impactés sont sans doute les petits commerçants qui vont devoir revoir leur manière de fonctionner et de s’approvisionner.
Depuis le 1er janvier 2014, la fiscalité de droit commun s’applique à Mayotte. Cela concerne absolument tout le monde et la pilule sera amère dans de nombreux cas, notamment en ce qui concerne la taxe d’aménagement. Mais les premiers effets ne se feront pas sentir avant plusieurs mois le temps que la machine trésor public se mettent en place.
En revanche, la rupéisation effective au 31 décembre 2013 à minuit a un impact immédiat. France Mayotte s’en faisait d’ailleurs l’écho en fin de semaine dernière alors que la grève au port de Longoni battait son plein. Les agents de Mayotte Channel Gateway bloquaient les entrées et les sorties de marchandises et certains commerçants locaux s’apprêtaient à les rejoindre. Il n’y avait pas là un mouvement de solidarité, mais plutôt un second courant contestataire. En effet, une grosse quinzaine de containers était bloquée en douanes pour une raison simple. Les produits importés destinés à la revente n’étaient soit pas au normes et n’avaient pas leur place sur le territoire, soit il fallait tout simplement qu’ils passent au tourniquet des taxes. Car aujourd’hui, si l’octroi de mer frappe à sa mesure toutes les marchandises arrivant à quai, il n’est pas le seul à gonfler les factures avant le passage à la commercialisation. Si tout produit issu de la communauté économique européenne ne fait pas l’objet d’une taxation, tout produit dont l’origine est extérieure est affligé de droits d’entrée. Ce qui pose problème puisque depuis toujours, les petits commerces s’approvisionnent à Dubaï, en Chine, en tout cas sur toutes les plateformes où les prix proposés sont bien moins élevés qu’ailleurs. Ce qui permet de proposer sur les étals, des prix s’ajustant au niveau de vie et au pouvoir d’achat le plus bas de France.
Mais en taxant ces marchandises, les coûts ne sont plus les mêmes et la rentabilité n’est plus là. La pacotille est appelée à disparaître au profit des normes NF et UE, et cela, de nombreux revendeurs ne le comprennent pas. “J’estime que l’on cherche à nous étouffer, les petits commerçants et artisans locaux. Et cela au profit des grandes enseignes. Les charges s’accumulent à la fin de l’année et nous avons du mal suivre. Les solutions viennent de nos élus. Cette politique de normes européennes est incompréhensible car il y a un manque cruel d’information de la part de nos élus, aucune pédagogie qui permette de faire fonctionner notre secteur. Les votes arrivent, cela sera l’occasion de les sanctionnés” explique Madi Mariati, une commerçante de Mamoudzou.
Les douanes ont toutefois pris la décision de libérer les containers qui posaient problèmes. Leur sortie servira de message pédagogique et préventif à l’intention des vendeurs. Selon elles, demain, tout le monde devra s’être mis au diapason et si cette fois, tout peut sortir comme avant le 1er janvier, demain, les portes seront fermées. Les contrefaçons resteront au placard et seront détruites, tout comme les produits ne répondant pas aux normes en vigueur. Pour les autres, les taxes seront bel et bien appliquées. “Cela fait des années que l’on ne comprend rien à la politique de nos élus. Ils n’expliquent pas leurs démarches. On voit juste la note de frais à la fin de l’année qui ne cesse d’augmenter. Et on n’arrive pas à suivre car elle est trop élevée. On ne peut pas supporter ça comme les grosses enseignes. Si l’on augmente les prix de nos produits, nous perdrons nos clients et nous fermerons boutiques. On ne sait pas comment s’en sortir” martèle Madame Roukia.
Car la première conséquence de la rupéisation est justement de faire perdre toute compétitivité aux marchandises n’étant pas issues de la zone euro. En les taxant, en les interdisant, tout est fait pour que les produits sur les marché répondent aux normes en vigueur à des tarifs qui ne sont plus ceux pratiqués hier. Un pantalon, une chemise, des chaussures à moins de 10 euros, ce postulat va disparaître. Toutefois, la qualité y gagnera. “Cela me chagrine car je suis victime du blocage des conteneurs. Cette nouvelle norme nous pousse à fermer les portes et cela est ma réelle crainte, car je risque comme beaucoup de mes confrères de mettre la clé sous le paillasson. Et j’ai du mal à comprendre car les pays européens se fournissent eux-mêmes dans les pays du tiers monde comme la Thaïlande ou la Chine. Nos principaux contacts et fournisseurs se trouvent en Asie où le marché est plus lucratif car il est difficile de se fournir et de se créer un contact en Europe. Et il y a également un manque évident d’information de la part de nos élus” se lamente Thoioussi Rakibou.
Et elle a raison. En effet, les entreprises produisent aujourd’hui en grande majorité là où la main d’œuvre est moins chère, soit dans les pays émergeants. Mais elles font revenir ensuite leurs produits répondant aux normes qui sont ensuite taxés par l’Europe. Ce surcoût est en revanche aspiré par la faiblesse des coûts de production. Pour les petits commerçants, la note sera donc salée car sans volume, il est difficile de rester concurrentiels. Le gérant du groupe Socodem OI et membre de la CGPME tire la sonnette d’alarme en estimant que l’économie mahoraise est en danger de mort. Il invite à ce titre les commerçants à manifester leurs désaccords face aux nouvelles normes européennes.
France Mayotte : estimez vous que l’octroi de mer permettra la fin de la vie chère ? Gilbert Horau : Non, au contraire. En ce qui me concerne, tout mon secteur d’activité a augmenté de 50% par article. Cela veut dire que les prix des produits vont augmenter de 20% par rapport aux prix actuels. Par exemple, les robots ménagers étaient taxés à 8%, ils sont passés à 50%. Cet octroi de mer n’a pas été fait dans la transparence, mais avec le conseil général qui avec deux propositions, a retenu la plus désavantageuse pour notre île. Le conseil général pense être gagnant mais c’est totalement le contraire. Ils sont très mal informés. Ils ne prennent pas conscience du niveau de vie et du porte-monnaie des consommateurs qui je le rappelle est très faible. A La réunion pour les téléviseurs, la taxation est établie à 15 % contre 50% à Mayotte. Il s’agit clairement d’un frein pour notre économie.”
FMM : D’où sont importés vos produits ?
GH : on importe du monde entier. On travaille, cependant, essentiellement avec l’Asie ou les prix sont plus attractifs. Je distribue à peu près à une quinzaine de revendeurs dans toute l’île, qui n’arrivent plus à importer des produits, car ils ne peuvent plus supporter ce matraquage fiscal. Mayotte est devenu le tarif le plus cher au monde. C’est incroyable quand on voit le niveau de vie de la population.
FMM : certains commerçants menacent de manifester au port de Longoni. Soutenez-vous cette initiative ?
GH : certainement et j’en ferai même partie, j’invite tous mes confrères à contester cette taxe. Et même les membres des syndicats à venir bloquer le Conseil Général afin de leur demander qui consommera nos produits si tout augmente. Cette politique bouche les frontières. Au lieu d’attirer les investisseurs, elle fait fuir ceux qui sont sur place. C’est contraire au développement économique de l’île. Ne créons pas d’autres crises dans ces moments difficiles.
FMM : Que proposez-vous ?
GH : j’estime que les taxes en outre mer ne doivent excéder les 30%, et ça ne peut qu’être bénéfique pour l’économie mahoraise. Ca appellera les investisseurs. Mais rester à ce niveau les fera forcément fuir et entrainera forcément en parallèle le développement des activités illégales et des fausses déclarations. Et c’est donc 300 à 400 emplois qui sont menacés, que ce soit dans la vente, le transport, le montage, la fabrication etc. Cela sert à quoi de baisser les prix des voitures neuves, alors que le réseau routier est catastrophique. C’est mettre la charrue avant les bœufs. Les Mahorais veulent avant tout équiper leur foyer et se nourrir et non s’offrir ce qu’ils ne peuvent se procurer. Cela fait aujourd’hui 18 ans que je me bats pour cette île et son développement, avec l’apport des produits de meilleure qualité et dans le respect de la réglementation. Il serait temps que l’on reconnaisse le travail des commerçants. Mais aujourd’hui je suis inquiet pour l’avenir de Mayotte…”
Sony Chamsidine / FRANCE MAYOTTE matin
Depuis le 1er janvier 2014, la fiscalité de droit commun s’applique à Mayotte. Cela concerne absolument tout le monde et la pilule sera amère dans de nombreux cas, notamment en ce qui concerne la taxe d’aménagement. Mais les premiers effets ne se feront pas sentir avant plusieurs mois le temps que la machine trésor public se mettent en place.
En revanche, la rupéisation effective au 31 décembre 2013 à minuit a un impact immédiat. France Mayotte s’en faisait d’ailleurs l’écho en fin de semaine dernière alors que la grève au port de Longoni battait son plein. Les agents de Mayotte Channel Gateway bloquaient les entrées et les sorties de marchandises et certains commerçants locaux s’apprêtaient à les rejoindre. Il n’y avait pas là un mouvement de solidarité, mais plutôt un second courant contestataire. En effet, une grosse quinzaine de containers était bloquée en douanes pour une raison simple. Les produits importés destinés à la revente n’étaient soit pas au normes et n’avaient pas leur place sur le territoire, soit il fallait tout simplement qu’ils passent au tourniquet des taxes. Car aujourd’hui, si l’octroi de mer frappe à sa mesure toutes les marchandises arrivant à quai, il n’est pas le seul à gonfler les factures avant le passage à la commercialisation. Si tout produit issu de la communauté économique européenne ne fait pas l’objet d’une taxation, tout produit dont l’origine est extérieure est affligé de droits d’entrée. Ce qui pose problème puisque depuis toujours, les petits commerces s’approvisionnent à Dubaï, en Chine, en tout cas sur toutes les plateformes où les prix proposés sont bien moins élevés qu’ailleurs. Ce qui permet de proposer sur les étals, des prix s’ajustant au niveau de vie et au pouvoir d’achat le plus bas de France.
Mais en taxant ces marchandises, les coûts ne sont plus les mêmes et la rentabilité n’est plus là. La pacotille est appelée à disparaître au profit des normes NF et UE, et cela, de nombreux revendeurs ne le comprennent pas. “J’estime que l’on cherche à nous étouffer, les petits commerçants et artisans locaux. Et cela au profit des grandes enseignes. Les charges s’accumulent à la fin de l’année et nous avons du mal suivre. Les solutions viennent de nos élus. Cette politique de normes européennes est incompréhensible car il y a un manque cruel d’information de la part de nos élus, aucune pédagogie qui permette de faire fonctionner notre secteur. Les votes arrivent, cela sera l’occasion de les sanctionnés” explique Madi Mariati, une commerçante de Mamoudzou.
Les douanes ont toutefois pris la décision de libérer les containers qui posaient problèmes. Leur sortie servira de message pédagogique et préventif à l’intention des vendeurs. Selon elles, demain, tout le monde devra s’être mis au diapason et si cette fois, tout peut sortir comme avant le 1er janvier, demain, les portes seront fermées. Les contrefaçons resteront au placard et seront détruites, tout comme les produits ne répondant pas aux normes en vigueur. Pour les autres, les taxes seront bel et bien appliquées. “Cela fait des années que l’on ne comprend rien à la politique de nos élus. Ils n’expliquent pas leurs démarches. On voit juste la note de frais à la fin de l’année qui ne cesse d’augmenter. Et on n’arrive pas à suivre car elle est trop élevée. On ne peut pas supporter ça comme les grosses enseignes. Si l’on augmente les prix de nos produits, nous perdrons nos clients et nous fermerons boutiques. On ne sait pas comment s’en sortir” martèle Madame Roukia.
Car la première conséquence de la rupéisation est justement de faire perdre toute compétitivité aux marchandises n’étant pas issues de la zone euro. En les taxant, en les interdisant, tout est fait pour que les produits sur les marché répondent aux normes en vigueur à des tarifs qui ne sont plus ceux pratiqués hier. Un pantalon, une chemise, des chaussures à moins de 10 euros, ce postulat va disparaître. Toutefois, la qualité y gagnera. “Cela me chagrine car je suis victime du blocage des conteneurs. Cette nouvelle norme nous pousse à fermer les portes et cela est ma réelle crainte, car je risque comme beaucoup de mes confrères de mettre la clé sous le paillasson. Et j’ai du mal à comprendre car les pays européens se fournissent eux-mêmes dans les pays du tiers monde comme la Thaïlande ou la Chine. Nos principaux contacts et fournisseurs se trouvent en Asie où le marché est plus lucratif car il est difficile de se fournir et de se créer un contact en Europe. Et il y a également un manque évident d’information de la part de nos élus” se lamente Thoioussi Rakibou.
Et elle a raison. En effet, les entreprises produisent aujourd’hui en grande majorité là où la main d’œuvre est moins chère, soit dans les pays émergeants. Mais elles font revenir ensuite leurs produits répondant aux normes qui sont ensuite taxés par l’Europe. Ce surcoût est en revanche aspiré par la faiblesse des coûts de production. Pour les petits commerçants, la note sera donc salée car sans volume, il est difficile de rester concurrentiels. Le gérant du groupe Socodem OI et membre de la CGPME tire la sonnette d’alarme en estimant que l’économie mahoraise est en danger de mort. Il invite à ce titre les commerçants à manifester leurs désaccords face aux nouvelles normes européennes.
France Mayotte : estimez vous que l’octroi de mer permettra la fin de la vie chère ? Gilbert Horau : Non, au contraire. En ce qui me concerne, tout mon secteur d’activité a augmenté de 50% par article. Cela veut dire que les prix des produits vont augmenter de 20% par rapport aux prix actuels. Par exemple, les robots ménagers étaient taxés à 8%, ils sont passés à 50%. Cet octroi de mer n’a pas été fait dans la transparence, mais avec le conseil général qui avec deux propositions, a retenu la plus désavantageuse pour notre île. Le conseil général pense être gagnant mais c’est totalement le contraire. Ils sont très mal informés. Ils ne prennent pas conscience du niveau de vie et du porte-monnaie des consommateurs qui je le rappelle est très faible. A La réunion pour les téléviseurs, la taxation est établie à 15 % contre 50% à Mayotte. Il s’agit clairement d’un frein pour notre économie.”
FMM : D’où sont importés vos produits ?
GH : on importe du monde entier. On travaille, cependant, essentiellement avec l’Asie ou les prix sont plus attractifs. Je distribue à peu près à une quinzaine de revendeurs dans toute l’île, qui n’arrivent plus à importer des produits, car ils ne peuvent plus supporter ce matraquage fiscal. Mayotte est devenu le tarif le plus cher au monde. C’est incroyable quand on voit le niveau de vie de la population.
FMM : certains commerçants menacent de manifester au port de Longoni. Soutenez-vous cette initiative ?
GH : certainement et j’en ferai même partie, j’invite tous mes confrères à contester cette taxe. Et même les membres des syndicats à venir bloquer le Conseil Général afin de leur demander qui consommera nos produits si tout augmente. Cette politique bouche les frontières. Au lieu d’attirer les investisseurs, elle fait fuir ceux qui sont sur place. C’est contraire au développement économique de l’île. Ne créons pas d’autres crises dans ces moments difficiles.
FMM : Que proposez-vous ?
GH : j’estime que les taxes en outre mer ne doivent excéder les 30%, et ça ne peut qu’être bénéfique pour l’économie mahoraise. Ca appellera les investisseurs. Mais rester à ce niveau les fera forcément fuir et entrainera forcément en parallèle le développement des activités illégales et des fausses déclarations. Et c’est donc 300 à 400 emplois qui sont menacés, que ce soit dans la vente, le transport, le montage, la fabrication etc. Cela sert à quoi de baisser les prix des voitures neuves, alors que le réseau routier est catastrophique. C’est mettre la charrue avant les bœufs. Les Mahorais veulent avant tout équiper leur foyer et se nourrir et non s’offrir ce qu’ils ne peuvent se procurer. Cela fait aujourd’hui 18 ans que je me bats pour cette île et son développement, avec l’apport des produits de meilleure qualité et dans le respect de la réglementation. Il serait temps que l’on reconnaisse le travail des commerçants. Mais aujourd’hui je suis inquiet pour l’avenir de Mayotte…”
Sony Chamsidine / FRANCE MAYOTTE matin