Larmes de crocodile des proches, joie du peuple et soulagement des chancelleries. « Leurs proches verseront des larmes de crocodile, le...
Larmes de crocodile des proches, joie du peuple et soulagement des chancelleries.
«Leurs proches verseront des larmes de crocodile, le peuple dira "Plus jamais ça!" et la communauté internationale dira "Un comique en moins!"», telle est la réponse que donne cet observateur parmi les plus intelligents et les plus pertinents sur les mœurs politiques très peu orthodoxes des Comores, à la question «Le monde pleure Nelson Mandela, mais qui pleurera les dirigeants comoriens?». D'ailleurs, l'un de ces dirigeants comoriens a tellement peur de s'enterrer lui-même le jour de sa mort qu'il a posé à l'un de ses proches la question suivante: «Dis? Dis? Je suis quand même un grand commis de l'État. Je suis quand même jeune. J'ai l'avenir devant moi. Mais, les yeux dans les yeux, dis-moi, sans hypocrisie: est-ce que, moi qui suis un homme d'État en vue, à ma mort, on se souviendra de moi et on viendra en foule m'enterrer?». Celui à qui la question a été posée a tellement rigolé qu'il se roulait par terre. La vie politique comorienne a quand même du charme. Les politiciens ne se soucient pas du vivant des Comoriens, mais de leur mort de clowns enfarinés et endimanchés. Quelle pitié!
Pour autant la question posée par ce politicien qui se qualifie de «grand commis de l'État» ne manque pas d'intérêt. Et là, nous revenons à Nelson Mandela. Si le monde pleure Nelson Mandela, il devait pleurer aussi les dirigeants comoriens. Pourtant, l'annonce de la mort des dirigeants comoriens est toujours saluée par l'indifférence de la communauté internationale, parfois par la curiosité amusée de certaines chancelleries s'interrogeant sur un plouc, mais aussi par l'indifférence du peuple, même si aux obsèques du clown, on voit beaucoup de monde, comme cela est devenu une coutume actuellement, et cela pour dire par la suite: «Les obsèques étaient vraiment belles et réussies». «Belles et réussies» pour qui? En tout cas, pas pour le mort! Là où il se trouve, ça lui fait une belle jambe…
Si donc, la mort d'un dirigeant comorien n'intéresse même pas sa propre famille, à la différence de celle de Nelson Mandela, qui est un événement planétaire – on se demande si c'est Ikililou Dhoinine qui dirigera la prière du mort – celle d'un dirigeant comorien est une banalité de basse-cour villageoise. Pourquoi donc, alors que Nelson Mandela est un dirigeant comme les politiciens comoriens sont des dirigeants? La raison est la suivante. Si la Planète entière pleure Nelson Mandela, «Tata Madiba», c'est parce qu'il s'est sacrifié pour son pays et pour son peuple. Alors qu'il aurait pu devenir un Président à vie, un seul mandat présidentiel lui a suffi, et ce mandat a été non pas celui de la discorde et du vol d'argent public, mais celui de la réconciliation nationale et de l'honnêteté. On ne lui connaît ni plantation d'ylang-ylang, ni appartement à Paris, ni villas à La Réunion et à Dubaï, ni immeubles à Majunga (Madagascar), ni cimenterie en Tanzanie, ni trabendo de passeports au nom d'une prétendue «citoyenneté économique», ni magouilles malodorantes avec la République islamique d'Iran, ni intrusion de son épouse et de sa belle-famille dans les affaires de l'État, ni népotisme, ni tendance dictatoriale, ni propension à protéger les voleurs et les juges véreux, ni propension à accepter que sa famille et sa belle-famille insultent et harcèlent ceux qui ne sont pas d'accord avec sa politique, ni luxe tapageur dans le style «bling-bling» de parvenu passant du cocotier à la Cadillac, ni fréquentation de sorciers et marabouts de Zanzibar, ni corruption, ni orgueil, ni morgue et narcissisme, ni incompétence. Nelson Mandela était un homme bon. Foncièrement bon.
Alors que les dirigeants comoriens se vautrent et s'avachissent dans des villas de luxe construites sur le dos et avec le sang du peuple comorien, Nelson Mandela vivait à Soweto. Or, Soweto, c'est tout sauf un quartier pour riches. Le mot Soweto lui-même signifie «South Western Township», c'est-à-dire la «Banlieue du Sud-ouest», une banlieue composée de dangereux bidonvilles, où l'eau courante et l'électricité sont en train de faire leur entrée. La rue où est située la modeste maison de Nelson Mandela dans cette banlieue de Soweto est «la rue des Prix Nobel»: Nelson Mandela lui-même, Monseigneur Desmond Tutu et Albert Luthuli, tous des militants pour l'égalité raciale en Afrique du Sud.
Voilà des vrais hommes d'État, de vrais militants, des dirigeants soucieux de leur peuple, qui ne se comportent pas comme ces dirigeants comoriens qui insultent ceux qui refusent de devenir des voleurs comme eux et qui croient que pour réussir sa vie, il faut voler son peuple en se piquant d'être des hommes d'État. À quoi ça sert de s'enrichir sur le dos du peuple et de recevoir matin, midi et soir sa malédiction et celle de Dieu?
Décédé le 7 janvier 1989, l'Empereur Hiro-Hito du Japon avait eu, le 24 février 1989, des funérailles tout à fait exceptionnelles, puisque 100 chefs d'État y avaient pris part. Ce 24 février 1989, évoquant la question en classe, notre professeur d'«Histoire des Relations internationales» nous disait que cette affluence de chefs d'État n'avait aucun but humanitaire, mais purement politique, puisque chaque personnalité présente allait demander à l'autre de se méfier de tel chef d'État aperçu un peu plus loin et, perfide, le cher professeur nous demandait si à la mort de Mathieu Kérékou (Bénin) et de Mengistu Hailé Mariam (Éthiopie), autant de chefs allaient se déplacer. Les étudiants originaires d'Afrique Noire présents dans la classe étaient mal à l'aise – sauf moi. La question les gênait mortellement. Mais, il faut assumer. Qui sème le vent récolte la tempête, et on n'a pas encore vu «celui qui a fait cuire du poisson servir de la viande». Qu'on se le dise.
Aux obsèques de Nelson Mandela, il y aura peut-être plus de 100 chefs d'État, dont le valeureux et honorable Ikililou Dhoinine. Ahmed Sambi ira faire le comique aussi. Une telle occasion de parader devant les autres chefs d'État ne se refuse pas. Mais, le dirigeant comorien doit commencer à se poser des questions sur ce que ses compatriotes et le monde pensent de lui, alors qu'il est encore vivant. Sa mort et sa vie ne nous intéressent pas, mais ce qu'il fait au sein de l'appareil étatique comorien inquiète tout le monde, au-delà même des frontières nationales. Comme les dirigeants comoriens sont des nullards et des nullissimes, ils ne doivent pas s'attendre à ce que le monde parlent d'eux le jour de leur mort, qu'un seul pays au monde décrète un deuil national à leur mémoire, qu'un seul pays au monde accroche leur photo dans la salle de fêtes d'une chancellerie, que leur nom soit prononcé en bien, qu'on mentionne un seul acte positif à leur actif.
«Leurs proches verseront des larmes de crocodile, le peuple dira"Plus jamais ça!" et la communauté internationale dira "Un comique en moins!"», a dit l'analyste politique. Et, il a raison…
Par ARM
© www.lemohelien.com – samedi 7 décembre 2013.