Avec ses «Grands Élus», le chef de l’État a perdu une occasion de se taire. Il faudra se rendre à l’évidence: le Président de la Républi...
Avec ses «Grands Élus», le chef de l’État a perdu une occasion de se taire.
Il faudra se rendre à l’évidence: le Président de la République finira son mandat comme il l’a commencé, c’est-à-dire, dans l’amateurisme, le ridicule et l’improvisation. Il y a tout de même quelque chose de poignant quand on le voit s’enfermer dans le ridicule au point d’imaginer que la République a de «Grands Élus» car, qui dit «Grands Élus», dit ipso facto «Petits Élus», et on ne peut pas être pétri d’esprit républicain et considérer que les Conseillers des Îles sont des «Petits Élus».
Pis, alors que sur une requête déposée par Maître Saïd Larifou, leader du Parti RIDJA, la Cour constitutionnelle a rendu l’arrêt n°13-007Cc du 12 septembre 2013 sur la fin du mandat des Députés fin avril 2014, et alors qu’on sait que les décisions de cette institution juridictionnelle sont insusceptibles de recours, quel qu’il soit, et qu’elles s’appliquent erga omnes, il a fallu que le chef de l’État s’enfonce dans le ridicule jusqu’au crâne, en réunissant ses «Grands Élus» à Beït-Salam ce vendredi 8 novembre 2013 pour statuer sur une question sur laquelle la Cour constitutionnelle a déjà statué. Quelle honte! En tout état de cause, quel que soit le «génie politique» du chef de l’État, aujourd’hui, même si on l’adore, il faudra reconnaître que s’il va de bévue en déboire, c’est parce qu’il n’a aucune prédisposition à diriger un État, même quand il s’agit d’une Républiquette, qu’il n’a aucune espèce de culture,...
juridique et que dans son entourage, il n’y a aucun juriste lui permettant d’éviter le ridicule dans lequel il s’enferme chaque jour.
Quand on assiste à ça, on est obligé d’avoir une attitude de commisération envers des dirigeants arrogants, mais incapables et incompétents qui se réveillent le matin et qui se mettent en tête l’idée farfelue selon laquelle ils peuvent diriger un État, même sans en maîtriser les règles et les arcanes.
Le Président de la République et les autres «Grands Élus» n’ont pas lu la Constitution du pays. Et s’ils l’ont lue, ils ne l’ont pas comprise car, l’article 40 de la Constitution en question est d’une limpidité d’une eau de roche: «Une disposition déclarée inconstitutionnelle est nulle et ne peut être mise en application. Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent à toute autorité ainsi qu’aux juridictions sur tout le territoire de l’Union». Or, sur la question du mandat des Députés, la position de la Cour constitutionnelle est connue et ne se prête à aucune interprétation, puisqu’elle est rédigée dans un style très clair et très accessible. Dès lors, le Président de la République n’avait pas besoin de se lancer dans le gaspillage des maigres ressources du peuple comorien pour faire du cinéma pendant une heure et demie, et en plus, contredire la Cour constitutionnelle, qui parle de la fin du mandat des Députés fin avril 2014, alors que les «Grands Élus de ce monde» nous parlent du 14 décembre 2014 à minuit. La vantardise tue.
Bien évidemment, les ténors de la classe politique comorienne qui ont été interrogés sur la question ont exprimé leur satisfaction sur la position adoptée par le Président et les autres «Grands Élus» comme lui, mais ces gens-là rient jaune, car, pour eux, la date du 14 décembre 2014 vaut juste mieux qu’une date en 2015, comme les tricheurs de la République le suggéraient avec une insistance suspecte. Le contribuable comorien a donc dépensé des millions pour une réunion de fin de semaine qui a duré en tout et pour tout une heure et demie, au cours de laquelle le deuil avait réuni le Président de la République, les trois Vice-présidents, les Gouverneurs des îles, le Président de l’Assemblée et les Présidents des Conseils des îles. Si au moins certains responsables avaient saisi cette occasion pour s’habiller comme il se doit, au lieu de porter ces haillons qui font honte…
La presse aux ordres claironne déjà et annonce, sans nuances, que «le compromis trouvé vendredi à Beït-Salam converge avec la décision prise par la Cour constitutionnelle». Rien n’est plus faux que cette assertion tirée par les cheveux, car la Cour constitutionnelle parle d’avril 2014, et le conclave de la honte, de décembre 2014, soit un écart de 7 mois. 7 mois! Où est donc la «convergence» entre les deux dates, entre les deux décisions? Elle n’est nulle part. Les Comores se retrouvent, une fois de plus, dans la «jurisprudence Ahmed Sambi», celle de l’allongement des mandats électifs, suite à des accords crapuleux, mafieux et anticonstitutionnels. Ce cas de figure a été vécu en 2010, quand Ahmed Sambi avait refusé d’organiser le scrutin présidentiel pour qu’il quitte Beït-Salam le 26 mai 2010, organisant l’élection en octobre et décembre 2010, et quittant la Présidence de la République le 26 mai 2011, gagnant indument une année de règne, de manière tout à fait indue. Ce sont les dribbles politiques de ce type qui avaient valu à Ibrahim Babangida, Président du Nigeria de 1983 à 1995, le surnom explicite de «Maradona».
Donc, la décision prise le 8 novembre 2013 est anticonstitutionnelle, et logiquement, nulle et non avenue car elle se substitue à celle de la Cour constitutionnelle, juridiction suprême en matière constitutionnelle. Mais, les «génies» qui se sont arrogé le droit d’empoisonner la vie des Comoriens ne sont pas en mesure de le comprendre, leur culture juridique ne le permettant pas. Pour tout dire, le chef de l’État et ses hommes n’ont aucune compétence en matière d’interprétation de la Constitution, cette prérogative revenant exclusivement à la Cour constitutionnelle.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mercredi 13 novembre 2013.