Mayotte et la diplomatie des beaufs* et de bazar. Et si on cessait, enfin, d'instrumentaliser ce douloureux et épineux dossier de M...
Mayotte et la diplomatie des beaufs* et de bazar.
Et si on cessait, enfin, d'instrumentaliser ce douloureux et épineux dossier de Mayotte.
Il arrive à certains de vivre le mois de septembre avec appréhension. C'est le mois au cours duquel le Président des Comores va raconter sa vie à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU. Alors, que la «communauté internationale» a de nombreux chats à fouetter, il faut que le chef de l'État comorien ramène sa fraise chaque année, avec ses discours soporifiques et décousus sur Mayotte et d'autres sujets pour lesquels il n'a aucune solution à proposer. On se souvient du discours qu'Ahmed Sambi avait prononcé le 24 septembre 2010, sur la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, discours de vocifération considéré par ses fidèles comme l'acte fondateur de la diplomatie comorienne.Mais, Ibrahim Ali Mzimba, avocat au Barreau de Moroni, ancien chef de la diplomatie comorienne et actuel député avait qualifié le discours en cause d'«escroquerie de bout en bout» (Cité par Ahmed ABDALLAH MGUÉNI: Relations franco-africaines. Mzimba assume son retrait de la question de Mayotte à l'ONU, La Gazette des Comores n°1320, Moroni, jeudi 7 octobre 2010, p. 3.). Ibrahim Ali Mzimba assume sa décision ayant conduit au retrait du dossier de Mayotte de l'agenda de l'ONU: «J'ai retiré la question de Mayotte des débats des Nations-Unies parce que je suis convaincu que la solution ne viendra pas de l'ONU. Ce ne sont pas les grands discours à l'Assemblée des Nations Unies qui vont changer les choses». Et, c'est vrai, en plus.
Cela étant, quand on apprend que le chef de la diplomatie comorienne, le Docteur El-Anrif Saïd Hassan, a réuni une brochette d'ancien ministres des Affaires étrangères et de diplomates pour faire le point sur la politique extérieure des Comores, on rigole, faute de pleurer, même si les pleurs s'imposent car une seule question vient à l'esprit en assistant à ce sommet national de l'hypocrisie: qu'est-ce que ces gens ont proposé pour favoriser le rapprochement entre Mayotte et les autres îles de l'Archipel des Comores? RIEN! Rien du tout. Il y a eu des discours fumeux et des prises de position alambiquées, mais sans résultat concret. Ahmed Sambi, chantre de la diplomatie du coup du sang, du coup de cuir et du coup de bluff était bien Président quand l'île de Mayotte a été transformée en département français. Tous ces invités de marque du ministre étaient au ministère des Affaires étrangères, ont sévi, mais n'ont rien fait. Est-ce aujourd'hui, avec de nouveaux discours oiseux qu'ils vont rattacher Mayotte des Comores? Soyons sérieux.
Au risque d'énerver les bons et vrais Comoriens, il faut rappeler qu'au Maroc, en 1974, quand le Roi Hassan II voulait en finir avec la présence espagnole au Sahara, il avait dépêché les leaders de tous les partis politiques dans les différentes capitales du monde, et sollicitaient des formations partisanes des suggestions. Chaque parti politique se présentait devant le Roi avec un mémorandum ou un mémoire rédigé par ses spécialistes de Droit international public et de Relations internationales.
Car, les partis politiques marocains, contrairement aux carcans qui encombrent le paysage politique comorien, sont des ensembles constitués d'économistes de renom, d'excellents juristes, de très bons ingénieurs, de sociologues, de mathématiciens, etc. Or, à ce jour, en dehors des blablas, le Comité Mahorais et les autres beaufs de la pathétique scène politique comorienne n'ont rien proposé. Ils font des discours décousus qui n'apportent rien, et ils en rajoutent. Or, les beaufs doivent savoir que les problèmes de frontières et de territoires sont ceux qui suscitent le plus de passion, et la passion n'a jamais aidé un État à les affronter. Ce qu'il faut, c'est la maîtrise des subtilités juridiques, économiques et sociologiques du problème.
Depuis le XIXème siècle, j'ai des relations familiales à Mayotte. Elles existent jusqu'à ce jour, nous nous connaissons, nous nous fréquentons. Il y a des Comoriens qui ne connaissent personne à Mayotte et qui font du dossier relatif à cette île une affaire personnelle. Hypocrisie que tout ceci! Qu'est-ce qu'il faut donc? Il faut commencer par admettre que tous les Comoriens sont des francophiles et que les Mahorais ne sont pas plus francophiles que les autres Comoriens et que ce qui les éloigne des Comores aujourd'hui, ce n'est pas la francophilie, mais la peur de la misère. Or, depuis le début de l'indépendance, les autorités comoriennes n'ont donné aucune preuve de leur sérieux aux Mahorais. Que veut-on que pensent les Mahorais quand ils voient les autorités comoriennes voler leur pays et leurs compatriotes, transformer les Comores en mouroir, semer la misère partout, ériger le vol de l'argent public en vertu cardinale? Les Mahorais ont peur, et cette peur est alimentée chaque jour par les autorités comoriennes et leurs familles.
Il faut un minimum pour inciter Mayotte à réintégrer l'Union des Comores. Ce minimum, nous ne le voyons pas. Et puis, la plus grosse faute commise par les beaufs, c'est de croire que les Comores peuvent remorquer Mayotte en chassant les Mahorais du camion. Aujourd'hui, parler du dialogue, pourtant obligatoire entre les Comores et Mayotte, relève de l'injure, selon les beaufs. Eh bien, Messieurs, prenez Mayotte sans les Mahorais. Et puis, il faudra un jour que les Comoriens fassent la différence entre la cause et les effets. On nous rabâche les oreilles depuis des années sur le visa imposé aux Comoriens voulant se rendre à Mayotte. En réalité, nonobstant la vanité et la stupidité de ce visa, la cause de la mort, ce n'est pas en lui qu'il faut la chercher, mais dans la vie de misère que la corruption des autorités a instaurée au pays et qui pousse les Comoriens à affronter une mort qu'ils savent au rendez-vous entre Anjouan et Mayotte.
Le Président des Comores ne sait que faire de Mayotte. Il ne consulte personne sur ce dossier qui défie l'intelligence. Or, comment quelqu'un qui ne maîtrise pas les subtilités de la diplomatie peut-il gérer un tel panier de crabes, surtout sans recourir à l'expertise des vrais spécialistes? De toute manière, en deux ans et quelques mois de sa présidence, le dossier de Mayotte n'a pas bougé d'un iota. Ses prédécesseurs n'ont pas fait mieux; ils faisaient juste semblant.
Cela étant, comme le Président des Comores va, une fois de plus, débiter des mots sans suite à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU et comme cela n'apportera rien aux Comores, il serait sage de sa part de rester à Moroni et de dépêcher son ministre des Relations à l'ONU. Tout le monde, à l'ONU, commence à en avoir assez de Mayotte. Nous aimons tous Mayotte, mais à la différence des beaufs et des chantres de la diplomatie de bazar, c'est que nous aimons aussi les Mahorais. Ceux-ci existent, et leur parler ne relève pas du crime et ne tue pas.
L'intelligence nous impose de changer de méthode quand celle à laquelle on a recours ne donne pas de résultat. Les vitupérations, les vociférations, les rugissements et les hennissements diplomatiques n'ont rien donné. N'est-il donc pas temps d'oublier un peu Mayotte, de travailler sur les 3 autres îles, avant de se lancer vers Mayotte? Est-ce que c'est vraiment maintenant qu'il faut se lancer dans les illusions de récupération d'une île vers laquelle se rendent de nombreux déçus d'une indépendance gérée au petit bonheur la chance, pour le malheur des Comoriens?
Par ARM
© www.lemohelien.com Vendredi 7 septembre 2013.
*Le beauf - mot d'argot français employé dans le langage courant - est un stéréotype de personne vulgaire, inculte et bornée.
