Lorsque l'eau déborde de l'évier bouché, on peut aller chercher la serpillère, et essuyer, essorer, essuyer. On peut crier sur l...
Lorsque l'eau déborde de l'évier bouché, on peut aller chercher la
serpillère, et essuyer, essorer, essuyer. On peut crier sur l'un ou
l'autre, l'accusant de tous les maux, sans preuve... On peut aussi
tourner la tête et passer son chemin, ou penser à éteindre le robinet...
On peut ensuite s'installer avec une bassine en extérieur et y faire
désormais sa vaisselle. On peut aussi essayer de déboucher, de réparer
seul, sans les outils adéquats, ou faire appel à un spécialiste, en
l'occurrence un plombier.
On peut ensuite chercher la cause de ce problème, pour éviter de le
reproduire. C'est l'intelligence : regarder ce que le plombier sort des
tuyaux, comprendre qui ou pourquoi, et mettre en place des procédures,
des conseils avisés à ceux qui en sont la cause, et aux autres, pour que
cela ne se reproduise plus. C'est l'expérience. Et ainsi on avance avec
ce problème résolu... En attendant d'autres soucis à résoudre.
Pour la violence des enfants c'est pareil.
On peut se contenter de ramasser les blessés, les morts. On peut se
contenter de transmettre ses condoléances à la famille. On peut accuser
l'un ou l'autre de tous ces maux, sans preuve, sans donnée sérieuse, en
pensant aux élections à venir. Mais ce n'est sûrement pas le plus
intelligent à faire.
La situation est grave, des enfants meurent, des agressions de plus
en plus violentes menacent la sécurité de la population, dans la rue,
chez soi. Des enfants de 12 ans se promènent avec des coupe-coupe, des
battes de base-ball ou des boules de pétanque à la main ! Il convient
donc de faire appel à des spécialistes, pour essayer de comprendre
l'ampleur des enjeux, les causes profondes qui ont abouti à cette
situation de violence qui menace de submerger la société mahoraise.
Je ne suis pas spécialiste, mais nous avons souvent évoqué cette dérive dangereuse de Mayotte
ces dernières années dans ces colonnes, quand nous avions titré sur la
consommation d'alcool et de cannabis qui touchait de plus en plus les
jeunes, quand nous avions présenté à la Une les "enfants poubelles"
abandonnés, livrés à eux-mêmes, quand nous étions allés à la rencontre
de ces enfants. Nous avions sollicité les avis de sociologues, de
responsables de la sécurité, de la justice, des représentants des
parents, d'associations impliquées. Nous avions essayé de comprendre la
formation de ces bandes, de Passamainti à Kawéni en passant par la
Petite Terre. Nous avions décortiqué les rouages qui ont conduit à la
disparition progressive de l'autorité des parents, des voisins, des
anciens.
Nous avons titré si souvent sur l'immigration clandestine massive et
son impact économique et social évident sur l'ensemble de la société.
Nous avons consacré des dossiers aux "générations sacrifiées" par une
éducation de très mauvais niveau, depuis le primaire, avec des milliers
d'enfants quittant chaque année les bancs de l'école sans aucune prise
en charge... Les écoles sont trop souvent peu entretenues, insalubres,
voire dangereuses. Les rotations scolaires empêchent toute activité
extra-scolaire et des projets de construction importants (T24 !) comme à
Koungou, Tsoundzou ou Combani sont bloqués, les enfants continuent de
s'entasser dans les collèges et lycées. L'eau remonte des canalisations
et l'évier déborde. Faut-il s'en étonner ?
Nous avons déploré l'abandon pendant des mois, des années du stade
territorial de Cavani, la fermeture du gymnase, du dojo, du cinéma...
Nous avons signalé la destruction prématurée de la MJC de Cavani, la MJC
de Kawéni qui n'a existé que sur papier, la fermeture de l'Apredema.
Nous regrettons que la médiathèque de Passamainti soit aussi...
inactive, tout comme le Cclej ou le Cucs de Mamoudzou. Il faut
comprendre les causes, mais aussi se pencher sur les responsabilités
pour espérer résoudre ce grave problème. Où sont les directeurs, les
élus, les chefs pour (re)mobiliser leurs troupes ?
Et dans les causes de cette escalade de la violence à laquelle nous
assistons, il ne faut surtout pas oublier le développement économique,
qui permettrait pourtant d'évacuer ces problèmes. Le poste de directeur
de ce service est resté près de deux ans vacant au CG... Les zones
d'activités ne sortent pas de terre, les zones industrielles restent
vides comme à Longoni, malgré les demandes et les projets. Il ne faut
pas oublier les si nombreux projets hôteliers qui ne voient pas le jour,
même si le développement du tourisme est dans toutes les bouches comme
un secteur créateur d'activités et d'emplois.
L'eau continue de couler de l'évier, les dégâts deviennent
importants, chaque fait divers, chaque agression sur une plage, chaque
mort dans nos rues devrait nous faire réagir. Les enfants grandissent,
s'organisent, s'arment... La situation empire mais très peu d'actions
concrètes sont mises en place. La colère gronde, des dérapages ont déjà
eu lieu et se multiplieront.
Chaque étincelle provoque une explosion. Des gendarmes peuvent venir
en renfort au commissariat, mais il faut prendre le mal à la racine,
trouver les causes et surtout avancer des solutions. Ce ne sera sûrement
pas facile, mais faute d'actions ce sera bien pire demain, parce
qu'aujourd'hui tout cela a créé un cocktail qui est devenu mortel.
Laurent Canavate