Faites vos jeux. Rien ne va plus. Le scrutin de 2016 est sans candidat naturel. L'élection présidentielle de 2016 sera le plus ouver...
Faites vos jeux. Rien ne va plus. Le scrutin de 2016 est sans candidat naturel.
L'élection présidentielle de 2016 sera le plus ouvert, car sans candidat prédestiné.
Pour la première fois depuis l'instauration de la présidence tournante aux Comores, le scrutin présidentiel se fera sans candidat naturel et prédestiné. Le marketing politique, l'argent, le magnétisme, le charisme du candidat ou candidate et les réseaux familiaux et régionaux vont désigner le Président ou la Présidente des Comores. Mais, à deux ans et demi du fameux scrutin, personne ne jurer définitivement sur un nom. Les jeux sont très ouverts.
En 2002, le Colonel Azali Assoumani était dans une logique de légitimation d'une junte dont la seule évocation du nom faisait du désordre à l'intérieur et à l'extérieur des Comores; il avait été plus lissoubiste que le Docteur Pascal Lissouba du Congo-Brazzaville qui, à l'approche des élections qu'il devait organiser en 1997, avait dit: «On n'organise pas des élections pour les perdre». Faute d'élections qu'il ne voulait pas perdre, c'est une «guerre civile internationale» qui le chassa du pouvoir et l'envoya à l'exil.
Mais, aux Comores, en 2002, Azali Assoumani a été «élu», en se présentant tout seul au second tour, ses challengers ayant abandonné une compétition électorale qu'ils savaient relever de la mascarade. En 2006, Ahmed Sambi, l'homme formé à Qom pour devenir un as de la fonction tribunitienne, même avec un discours brillant par sa vacuité, était imbattable, tant il magnétisait, hypnotisait et électrisait les foules depuis 2004, année de lancement de sa campagne sur fond de DVD le montrant face aux instruments devant lui permettre de réaliser les projets qu'il ne réalisera jamais. Pour l'élection de 2010, dès 2006, tous les regards étaient déjà tournés vers Ikililou Dhoinine, tant il était clair qu'Ahmed Sambi allait faire élire son poulain par tous les moyens: usage excessif et illégal d'argent public, achat de «consciences» et d'«inconsciences», tripatouillages divers, bourrages d'urnes, mascarade électorale à Mohéli au premier tour et non-élection à Anjouan au second tour. Il était clair que par tous les moyens, il allait être élu, et tout le monde est parti faire «l'inscription» chez lui, en faisant une servile allégeance.
Mais, en 2016, il se passera beaucoup de choses, car la politique aux Comores est devenue la plus généreuse des mamans, le moyen d'enrichissement rapide et illicite le plus rapide. Trop de monde veut devenir Président, mais le candidat idéal ou la candidate idéale se comptera sur un seul doigt de la main, compte tenu du caractère spécieux et risible de la plupart des candidatures que tout le monde sait inévitables. En effet, les candidatures se préparent. Certaines s'annoncent déjà et d'autres s'annonceront. Certains camps politiques vont s'entredéchirer faute de choisir une candidature unique. Un parti comme la CRC nage déjà dans le cirage, en raison des ambitions présidentielles de Houmed Msaïdié, qui dit être le meilleur atout du parti, et de l'acharnement de l'ancien Président Azali Assoumani à vouloir s'imposer comme «candidat naturel» de cette formation partisane.
Attention aux prétentions des candidats qui se veulent naturels et qui n'en remplissent pas les conditions requises. Le Vice-président Mohamed Ali Soilihi sera, sauf coup de théâtre de dernière minute, le candidat de la présidence sortante. Mais, il doit répondre du bilan de cette présidence de tous les dangers, qui doit se contenter du seul paiement des salaires des agents et fonctionnaires de l'État. Ce versement régulier de salaires aurait été un exploit, mais quand on y fait intervenir l'argent généré par le trafic des passeports de la honte à de non-Comoriens de dictatures du Moyen-Orient, les Comoriens qui comprennent le sens de cette trahison et forfaiture se rebiffent.
On ne se vante pas d'une trahison pareille. Naturellement, après la sortie médiatique vengeresse d'Ahmed Sambi du 18 août 2013, une querelle de chiffres s'est installée, accompagnée d'accusations réciproques de malversations, et cela n'est pas fait pour rendre plus serein le climat politique. En plus, le Vice-président Mohamed Soilihi devra sans doute mettre en avant l'admission des Comores à l'IPTTE. Mais, cette dernière ne relève pas de l'exploit non plus car son explication est fondée sur des considérations techniques par trop indigestes et souvent inexploitables. Et, les autres candidats et la candidate pourront lui gâcher la campagne en lui rétorquant que la reconnaissance de la pauvreté et surendettement d'un pays que tout le monde sait déjà très pauvre et très endetté n'est pas un trophée de chasse dont on peut honnêtement se targuer quand on a devant soi des candidats sérieux.
Et Ahmed Sambi dans tout ça? Son positionnement politique personnel lors du scrutin présidentiel de 2016 sera l'une des données majeures de l'élection. On le sait blessé et traînant la blessure de la trahison par son ancien poulain Ikililou Dhoinine. Il veut en découdre avec ce dernier, et au besoin, trouver le moyen de le faire embastiller pour nombreux biens très mal acquis, au soir du 26 mai 2016, dès qu'il posera par terre ses habits de Président.
Mais, Ahmed Sambi est tellement sonné qu'il ne fera plus jamais une confiance aveugle aux autres. Qui aurait cru qu'Ikililou Dhoinine allait passer tout son temps à l'humilier publiquement pour et par de simples lubies? Grave. Très grave. Dès lors, trois scenarii sont envisagés par certains observateurs à son égard. Le premier scenario consiste à le voir présenter lui-même sa candidature à la présidence, puisque la Constitution le permet. Dans le deuxième schéma, il est le candidat de l'un de ses hommes, Bourhane Hamidou ou Idi Nadhoim, étant entendu que la constitution d'un ticket avec le Président de l'Assemblée semble la plus plausible, en raison de la fidélité de ce dernier, et des rapports empoisonnés entretenus naguère avec l'ancien Vice-président Idi Nadhoim. Dans ce deuxième scénario, Ahmed Sambi ne serait pas candidat à la présidence, mais à la vice-présidence. Dans le troisième cas de figure, enfin, Ahmed Sambi n'est candidat à rien, mais soutient opportunément 3 candidatures au premier tour et fédère son petit monde au second tour, au cas où l'un de ses hommes serait retenu pour ce second tour. En même temps, il doit tenir compte de l'épée de Damoclès qui lui chatouille le turban, du fait de l'acharnement d'Ikililou Dhoinine, qui pourrait le rendre inéligible par un emprisonnement pour malversations.
Ahmed Sambi magnétise et hypnotise les foules aux Comores. Mais, il n'est pas dit qu'il pourra, par son seul magnétisme et par l'effet de son verbe, imposer aux Comoriens un chef d'État. Déjà, en 2010, s'il n'avait pas eu recours à la fraude électorale, c'est Mohamed Saïd Fazul qui allait s'installer à Beït-Salam. Mais, les tripatouillages des procès-verbaux à Moroni avant même le début des opérations électorales ont fait d'Ikililou Dhoinine un Président «élu» avec un score à la nord-coréenne, donc sans véritable légitimité des urnes. Mais, il se drape de cette légitimité biaisée, qui souligne les limites des capacités d'Ahmed Sambi à désigner un chef d'État. Et, ce qui compte le plus, c'est la maturité de l'électorat de la Grande-Comore, qui a déjà refusé même au second tour le Gouverneur sortant Abdou Soulé Elbak en 2007, et qui, tripatouillages électoraux «aidant», a refusé le renouvellement du bail de Mohamed Abdouloihabi en 2010.
Les électeurs de Grande-Comore sont impitoyables, et le premier venu ne se fera pas élire mais réduit en miettes. Or, toutes les données de cette «élection mort subite» sont à la Grande-Comore, à un moment où la candidature du charismatique Général Salimou Mohamed Amiri gagne de plus en plus en certitude, face à celle du non moins charismatique Mohamed Abdouloihabi, à celle du poids lourd Ibrahim Ali Mzimba, de celle incontournable de la femme qui veut faire bouger les lignes et mettre KO la gent masculine, sans oublier que Hamidou Bourhane a son mot à dire, et que Mohamed Daoud dit Kiki est déjà en campagne. La liste est très longue, et nous voyons la candidate déclarée mais encore anonyme avoir du mal à retenir son ardeur et le secret sur son identité. De toute manière, sa famille, ses amis et amies sont déjà au courant, et dans quelques jours, son nom commencera à circuler sur Internet et au sein du microcosme politique comorien.
Par ARM
© www.lemohelien.com Dimanche 8 septembre 2013.
