A l’approche de la fin de la législature de l’actuelle Assemblée Nationale, les députés comoriens ont élaboré un projet de loi su...

A
l’approche de la fin de la législature de l’actuelle Assemblée
Nationale, les députés comoriens ont élaboré un projet de loi sur une
éventuelle prolongation de leur mandat jusqu’en 2016, soi
disant pour harmoniser toutes les élections et les tenir au même
moment. Ce qui voudrait dire que les élections présidentielles, tout
comme celles des gouverneurs des îles, des députés et des conseillers
des îles devront avoir lieu en 2016. Les raisons évoquées pour ce
report sont d’ordre financier considérant que l’Etat n’est pas à même
d’organiser les législatives et celles des conseillers comme prévu en
décembre 2014.
Cette démarche engagée par nos élus semble susciter beaucoup de
questions et d’inquiétude de la part de l’opinion qui estime qu’une
harmonisation des élections a déjà été effectuée en 2009 sous le régime
de l’Ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed SAMBI. En
effet, lors de son accession au pouvoir, et après avoir constaté que
notre pays était, en permanence, soumis à des élections (une par an de
2006 à 2019 sauf en 2011) et, compte tenu de leur impact, tant financier
que social et administratif, ce dernier a consulté les comoriens, par
voie référendaire, pour procéder à une révision de la Constitution afin,
justement, de procéder à l’harmonisation de ces élections. Ainsi les
résultats obtenus à ce référendum ont permis d’instituer deux grandes
élections tous les 5 ans, à savoir celles des députés et des conseillers
des îles d’une part, et précédant pratiquement de 2 ans celles du
Président de l’Union des Comores et des Gouverneurs des
îles d’autre part. Des élections qui, aux yeux de l’opinion comorienne
comme ceux de nos partenaires bi et multilatéraux sont tout à fait
raisonnables au vu des difficultés auxquelles se trouvait souvent
confronté l’Etat comorien.
Si donc aujourd’hui nos élus cherchent à jouer les prolongations, et
dans la mesure où ils sont les premiers à protéger et respecter et faire
respecter les lois car principaux élaborateurs de celles-ci, ils
devront d’abord se soucier de la constitutionnalité de leur démarche
plutôt que d’élaborer une loi qui autoriserait cette prolongation. Cette
constitutionnalité consisterait à modifier la Constitution et procéder à
une nouvelle harmonisation des élections. Une démarche qui imposerait
nécessairement la consultation du peuple comorien, soit par la voie
référendaire soit par la convocation d’un congrès de nos élus tant de
l’Union que des îles. Et à mon avis, cette deuxième option me paraît peu
convenable dès lors où la décision recherchée concerne directement ceux
qui devront la prendre. Ce qui ferait de nos élus « juges et parties »
et qui rendrait, par conséquent, ces décisions du Congrès nulles et non
avenues.
A mon humble avis, encore une fois, si nos chers élus ont pris goût à
leur fonction de député et s’ils sont reconnaissants de la confiance
que leur ont accordée leurs électeurs, ils devront revenir à ceux-ci et
leur soumettre le bilan de leur mandat pendant cette législature. Une
démarche, somme toute démocratique, et qui honorerait nos élus à plus
d’un titre. Dans le cas contraire, que nos élus sachent que la démarche
qu’ils veulent entreprendre est en soi anticonstitutionnelle, et d’une
manière ou d’une autre ils seront, un jour, confrontés à leurs électeurs
sauf s’ils considèrent que leur échéance finale est 2016, auquel cas je
plains ceux qui les ont élus !
Ahmed Ben Saïd JAFFAR
Ancien Ministre des Affaires Etrangères
et Ancien Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat
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