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Piraterie, base militaire, naufrages en tout genre, vortex de déchets,
tsunamis, trafics humains, eaux poissonneuses, croisières, îles
paradisiaques, îles poubelles, île-prison ou îles fantôme, mythiques
continents disparus... Bienvenue dans l’Océan Indien ! Ici on commerce,
on clandestine, on incarcère, on pêche, on trafique, on se noie... quand
on n’est pas attaqué par un requin ou des pirates. Il y a trois jours,
un bébé de moins d’un an est mort noyé au large de l’île Christmas, au
Nord de l’Australie. Tragédie de réfugiés. Cela se passe ici, dans notre
Océan Indien.
Selon le « Jakarta Post »
du 13 juillet, un bébé de moins d’un an est mort et huit personnes sont
portées disparues suite au naufrage d’une embarcation de fortune
transportant 150 (ou 180 selon les sources) demandeurs d’asile.
Originaires d’Afghanistan, du Sri Lanka, d’Irak, de Birmanie et d’Iran,
ces réfugiés — essentiellement des femmes et des enfants — ont embarqué
en Indonésie après avoir négocié avec des « trafiquants humains ».
Destination l’Australie. Ce vendredi 12 juillet, les autorités
australiennes ont déclenché des opérations de secours et ont ainsi sauvé
144 personnes tombées à l’eau alors que le bateau commençait à couler,
par mauvais temps, à 200 kilomètres environ au nord de l’île Christmas,
territoire australien situé au large de l’Indonésie. Quatre corps ont
été repêchés dont celui d’un petit garçon de moins d’un an.« Quartier pour bébés »
Depuis le début de cette année, on déplore déjà une demi douzaine de naufrages dans cette zone dont un navire disparu en avril sans laisser de traces, avec 72 réfugiés à bord. Un mois plus tard, 28 gilets de sauvetage ont été retrouvés, échoués sur les îles Cocos, dans l’Océan indien. Il y a quelques jours à peine, en juin, un bateau transportant au moins 55 réfugiés est repéré, dans le même périmètre. Lorsque les secours arrivent sur place deux jours plus tard, l’embarcation a disparu. On retrouvera finalement treize corps équipés de gilets de sauvetage après 48 heures de recherche.
Sur l’île Christmas — surnommée l’île de la détention ou l’île-prison —, les demandeurs d’asile sont regroupés dans un camp de rétention. On s’interroge sur les visées militaires de ce camp, notamment depuis la visite sur site d’une délégation militaire américaine en 2006. Constitué d’une dizaine de bâtiments, le camp est conçu comme un « quartier haute sécurité » : caméras de vidéo-surveillance, micros, portes électriques, grillages électrifiés, détecteurs de mouvements, surveillance par micro-ondes, bornes d’identification des détenus, pièce de surveillance à distance, "quartier pour bébés", etc.
« Récupérer si possible les corps »
La topographie de l’île entourée de hautes falaises renforce par ailleurs le caractère carcéral du lieu qui a vu sa fréquentation touristique chuter. « Les centres de détention offrent actuellement un triste spectacle de misère humaine, de désespoir absolu et de dépression nerveuse », explique en 2011 Louise Newman, responsable du « Detention Health Advisory Group », sur le site du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies. Celui de Christmas est décrit comme le centre le plus problématique notamment pour la santé mentale et avec un taux de suicides élevé.
13.000 réfugiés ont rejoint l’Australie depuis le début de cette année (44.000 depuis août 2012). Mais combien sont morts ? Des centaines. Des milliers. A tel point que les autorités australiennes, face à l’ampleur du phénomène en sont réduites à « récupérer si possible les corps », explique un représentant du service des douanes australiennes.
L’Australie craint un conflit armé avec l’Indonésie
Le premier ministre australien, Kevin Rudd, lors d’une conférence de presse le 28 juin dernier, n’a pas caché son inquiétude, appelant à un changement en matière de protection des frontières et déclarant que la politique consistant à renvoyer les navires pourrait conduire à un conflit armé avec l’Indonésie. Lors de sa récente visite en Papouasie Nouvelle-Guinée, il a par ailleurs plaidé en faveur d’une « réponse régionale commune pour réduire le fléau du trafic des êtres humains ».
Pendant ce temps... à l’autre bout de l’océan Indien. Plus à l’ouest. Un bras de mer de quelques dizaines de kilomètres (60) connaît des épisodes meurtriers réguliers. Il relie l’île d’Anjouan à Mayotte et les tristement célèbres kwassa-kwassas ne sont rien d’autre que des charters pour la mort. Depuis l’instauration du visa Balladur, ce sont en moyenne 150 personnes qui périssent là chaque année, dans l’indifférence générale ! Et le centre de rétention de Pamandzi bénéficie, lui aussi, d’une terrible réputation. Il y a un an, un bébé était mort dans des circonstances troubles suite à une traversée en kwassa-kwassa.
Renforcement de la base US de Diego Garcia
L’Océan indien, ses îles, ses plages, ses paysages, ses peuples... Ses ressources halieutiques. Ses positions stratégiques. Ses routes maritimes... Ses réfugiés... Ses noyés.
Avec ses 75 millions de kilomètres carrés, l’Océan Indien cristallise l’attention — pour ne pas dire la convoitise — des grandes puissances impérialistes que sont les Etats-Unis mais aussi la France tandis que l’Inde émergente, l’Afrique du Sud et l’Australie s’invitent dans le débat international.
La Russie et la Chine entendent jouer aussi un rôle déterminant dans cet espace qui semble désormais focaliser les enjeux de ce nouveau siècle. Les effets de la mondialisation aidant, les routes maritimes qui traversent l’Océan indien représentent des enjeux économiques de premier plan. La suprématie américaine sur l’océan Indien n’est pas un mystère, le renforcement de la base US de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos en est la meilleure preuve. Par ailleurs, les Américains participent à la militarisation des eaux seychelloises au nom de la lutte contre la piraterie et ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit d’exercer une influence tant économique que politique sur Madagascar.
Et pendant ce temps-là, à Pamandzi et à Christmas... Mais vous connaissez l’histoire désormais.
Nathalie Valentine Legros