Ambitions présidentielles, expérience politique, inexpérience, rêves et illusions . Dans le Mbadjini, 6 candidats. Certains sont des ca...
Ambitions présidentielles, expérience politique, inexpérience, rêves et illusions .
Dans le Mbadjini, 6 candidats. Certains sont des candidats réels, d'autres des candidats à la candidature ?
Photo: Maître Ibrahim Ali Mzimba, Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed, Maître Saïd Larifou, Omar Tamou, Abdou Souef, Idi Nadhoim
Sa voix de Stentor exprimait l'indignation, et on devinait que ses partisans étaient à ses côtés et qu'il tenait à les impressionner. Avec son sens de la dramatisation et de l'exagération, il donnait à sa voix des aiguës de voix de crécelle qui exprimait une colère non feinte: «Je proteste! Tu as osé me faire ça?
Présenter le Hambou et ses grands hommes d'État en tant que clés de l'élection présidentielle de 2016, et oublier le Mbadjini? Qu'est-ce à dire? Mes partisans ne décolèrent pas ici. Ils exigent réparation de l'outrage. Je suis de la région à plus forte potentialité en matière de présidentiables et de candidats à l'élection présidentielle». Cet appel téléphonique nocturne a donc nécessité «réparation de l'outrage». En réalité, le but de la première démarche consistait uniquement à faire du Hambou un cas d'école. Mais, pourquoi ne pas nous intéresser au Mbadjini, ce grand jardin politique, où la riche expérience des uns refuse de tutoyer l'inexpérience politique totale des autres? En plus, dans le Mbadjini, les candidats à la candidature fleurissent comme jardins au printemps.
Des rumeurs insistantes et persistantes mais, depuis quand la langue a-t-elle un os? présentent la candidature d'Omar Tamou comme allant de soi, comme celle de la maturité. L'homme a de l'expérience politique à revendre, connaît son microcosme politique national du bout des doigts. L'homme de Foumbouni né à Madagascar a été un ministre emblématique sous Ahmed Abdallah et a dirigé l'Udzima, l'ex-parti-État, d'une main de maître. Par le passé, il a été le grand architecte de la carte politique du pays, un inimitable manipulateur des opérations électorales, l'artisan de l'intronisation quelque peu poussive de Saïd Mohamed Djohar en 1990, et le lui rappellera assez sèchement. Les candidatures présidentielles, ça le connaît. Mais, au cas où il se porterait candidat en 2016, s'agirait-il de la candidature de trop? En tout cas, il a policé son discours charnel et viril, dans l'attente et en prévision de
En tout cas, s'il est une candidature qui soulève le doute et le scepticisme, ce n'est pas celle de Maître Ibrahim Ali Mzimba, l'homme de Dembéni, celui qui estime que la «politique n'a de sens que si elle est une production de sens», «l'art du possible, du souhaitable et des défis relevés», «une pratique de l'exactitude à défaut d'être une science exacte». Avocat au Barreau de Moroni, il a une expérience gouvernementale et parlementaire, lui l'ancien ministre et l'actuel Député. Lors des dernières élections législatives, il a affirmé un enracinement dans le terroir, cet enracinement territorial qui lui avait permis de se faire élire dès le premier tour alors qu'il était dans l'opposition. Habile et pondéré, il incarne une passion politique évacuant tout excès et populisme. Il se situe dans une démarche politique qui tranche singulièrement avec l'agitation et le vagabondage de certains vendeurs d'illusions.
Le Mbadjini est aussi la région d'origine de Maître Saïd Larifou, le politicien comorien qui occupe le plus l'espace médiatique, au point de faire dans la politique-spectacle. Avocat au Barreau de Saint-Denis de la Réunion, il s'est fait connaître dans les prétoires avant d'entrer en politique. Leader du Parti RIDJA, il a été candidat à l'élection présidentielle de 2002 et le colistier de Mohamed Saïd Fazul pour la Grande-Comore en 2010. C'est lors de cette élection qu'il avait été, Place Badjanani, à Moroni, l'auteur d'un mot douloureux que nombreux n'ont pas compris: «NAMHOZWA. BASI NAMRIBULIYÉ RIRUMÉ MBAPVI BARILÉMÉWA», soit «Je souffre. Alors, laissez-nous diriger l'État car nous sommes fatigués d'être dans l'opposition». En fait, il n'a jamais été élu, et son parti ne compte aucun élu. Il n'a jamais occupé une fonction étatique, qu'elle soit gouvernementale ou parlementaire. Sans doute, doit-il désacraliser son nom pour que son évocation ne soit pas considérée comme un casus belli. Au Maroc, où il était de passage et où j'avais eu le plaisir de discuter avec lui, je l'avais trouvé plus politique et aux antipodes de la figure d'icône que certains de ses partisans lui donnent, au détriment de son image et de son action politique. Dommage. La sacralisation d'un autre politicien comorien, on ne la retrouve que chez un illusionniste qu'il a beaucoup combattu: Ahmed Sambi. Ikililou Dhoinine est également dans le vent de la sanctification.
Dans sa ville de Foumbouni, Maître Saïd Larifou doit compter avec la candidature de l'ex-Vice-président d'Ahmed Sambi, Idi Nadhoim, d'avec qui il était fâché quand ils étaient aux affaires, mais qu'il a désormais retrouvé, par realpolitik. Idi Nadhoim avait refusé de travailler avec son collègue Vice-président Ikililou Dhoinine lors de l'élection présidentielle de 2010, et était le colistier de Mohamed Larif Oucacha. Il avait trop dépensé, mais pour rien. Cette fois, il crie sur les toits sa farouche volonté d'être candidat en 2016, mettant en avant l'aide de celui à qui appartient le pays et qui seul peut désigner le prochain chef d'État: Ahmed Sambi. Mais, il doit prendre en compte Bourhane Hamidou, devenu distributeur de textes de Coran et de billets d'avion destinés au pèlerinage en Arabie Saoudite, l'homme qui, comme son ami Ahmed Sambi, a fait de l'Arabie le centre de l'univers politique comorien. Ce sont bien des gens du Moyen-Orient qui sont à l'origine de l'édification de son centre islamique. Il y aura donc un marché de dupes de la part d'Ahmed Sambi. Forcément
Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed est né Majunga, Madagascar, d'un père de Nkourani-Ya-Sima (Mbadjini) et d'une mère de Mvouvouni (Bambao). Le candidat qui veut voir les Comores quitter la zone franc est un bulldozer politique, animé de l'énergie d'une centrale nucléaire. Le rythme de sa volonté réformatrice est l'égal de la vitesse d'un TGV. Il n'évoque l'élection présidentielle de 2016 que pour affirmer la certitude de devenir le prochain Président des Comores, balayant d'un revers de mains les questions de ceux qui s'interrogent sur son éloignement du terrain politique (il est chef d'entreprise en France), mettant en avant une sociographie qu'il présente à son avantage, évoquant l'implantation locale de son Mouvement Comores Alternatives. On lui parle d'expérience politique? Il brandit son statut d'ancien Vice-président du Conseil d'État et sa rupture fracassante avec Azali Assoumani.
Alors que la CRC a déjà fort à faire avec la rivalité entre Azali Assoumani et Houmed Msaïdié, on nous parle de la candidature possible d'un autre poids lourd de la CRC: Abdou Soeufou, dont le fief électoral se situe à Ntsini Moi Chongo. Son expérience étatique, ministérielle notamment, est une réalité. Mais, est-elle heureuse? Pas forcément car le régime politique d'Azali Assoumani n'a pas été un cas d'intelligence politique et de «bonne gouvernance». En même temps, on voit mal Abdou Soeufou ajouter une troisième candidature dans le jardin de la CRC.
Que dire de l'ancien ministre Ibrahima Hissani Mfoihaya, grand baron d'Ouzioini? Un jour, on le voit aux Comores, un autre en France. Dans les cénacles politiques, sa candidature est considérée comme inévitable, comme l'aboutissement d'une longue carrière étatique. Ira-t-il jusqu'au bout de cette ambition présidentielle? La main sur le cur, la voix tremblant des trémolos de la sincérité, d'aucuns jurent qu'Ibrahima Hissani Mfoihaya ne compte pas reculer.
La lutte fratricide qui s'annonce dans le Mbadjini ne permettra pas l'émergence de plus d'un seul candidat de la région pour le second tour. C'est un combat de coqs dans lequel tous les coups mortels seront permis.
Par ARM
© lemohelien Mardi 30 juillet 2013.