Mohamed A.Djimbanaou, actuel secrétaire général du gouvernorat de Ngazidja, était le plus jeune député dans l’hémicycle le 6 juillet 1975...
Mohamed A.Djimbanaou, actuel secrétaire général du gouvernorat de Ngazidja, était le plus jeune député dans l’hémicycle le 6 juillet 1975 lors de la déclaration d’indépendance. Cet ancien ambassadeur des Comores aux Nations Unies revient sur cet événement historique.
- Vous étiez un jeune député lorsque le pays accédait à l’indépendance unilatérale. Vous avez alors voté pour l’indépendance unilatérale. Quel souvenir gardez-vous aujourd’hui des événements. ?
Le 06 juillet m’a énormément marqué. J’éprouve énormément d’émotion et de fierté à plus d’un titre. D’abord, j’ai vécu la colonisation. J’ai participé à tous les étapes vers l’indépendance. Deuxièmement, en tant que député, j’ai eu l’honneur de faire partie de ceux qui ont déclaré cette indépendance. Et j’ai représenté, plus tard, le pays aux Nations Unies où j’ai eu à défendre la question de Mayotte, qui est une sorte de conséquence de cette déclaration unilatérale de l’indépendance. Je me souviens d’un acte de bravoure de la part d’un homme que nous avons cru en tout temps être sous la botte du colonisateur. C’était la volonté de tout un peuple de se dresser comme un seul homme pour dire : « nous sommes indépendants. »
L’autre souvenir, c’est le climat de terreur que le gouvernement français a essayé d’installer en décrétant l’état d’urgence. J’ai été marqué par l’ardeur avec laquelle les autorités comoriennes ( membres du gouvernement et élus) s’étaient retranchés à Beit Salam pour tirer les leçons de cet état d’urgence et prendre la décision qui s’imposait à savoir la formation d’un gouvernement d’exil afin de sensibiliser l’opinion internationale sur la légitimité de notre acte.
- Certains ont pu dire que cette proclamation unilatérale de l’indépendance nous a fait perdre Mayotte. Que répondez vous à cela ?
De toute façon, il n’y avait pas deux solutions au moment où l’assemblée nationale française tergiversait pour avaliser les résultats des urnes concernant le referendum d’auto-détermination. La seule solution pour Ahmed Abdallah était de devancer les intentions de l’Assemblée Nationale française de remettre en cause le résultat du referendum par une résolution des députés RPR…
- Et quelle est votre interprétation de ces événements ?
On ne peut pas comprendre la question de l’île comorienne de Mayotte sans évoquer l’accord du 15 juin 1973 qui définissait le processus de l’accession des Comores à l’indépendance. Ces accords stipulent que les Comores deviendront indépendantes au terme d’un referendum d’autodétermination par lequel le peuple comorien allait être interrogé sur la question de savoir s’il désire devenir indépendant ou rester sous l’autorité de la puissance administrante. Les accords prévoyaient que le résultat de ce referendum serait considéré globalement. Mais à l’issue de ce referendum, les députés français sont attachés à considérer les résultats île par île vu qu’a Mayotte une majorité avait voté pour le maintien de la France. La France a tout simplement violé les accords cités.
- Mais cela n’explique pas pourquoi la diplomatie comorienne a fait du surplace sur cette question pendant près 38 ans. Vous avez été ambassadeur des Comores en France et au Nations Unies. Quelle est votre explication ?
Lorsque j’étais représentants des Comores aux Nations Unies, un jour j’ai rendu une visite de courtoisie au secrétaire général de l’Organisation, Boutros Boutros Ghali. Cette haute personnalité nous a fait alors le reproche de n’avoir pas de politique claire pour Mayotte. Il a même signalé que nous disions la même chose dans nos discours depuis 1975 jusqu’au moment ou je lui parlais à savoir 1994. Il y avait donc cette faiblesse au départ. Il nous a toujours manqué la stratégie pour revendiquer notre territoire. Nous avons toujours abordé cette question sous son angle juridique. Or cette question juridique est réglée depuis notre admission a l’ONU le 12 novembre 1975 dans « limites des frontières héritées de la colonisation »
Il faut remarquer, par ailleurs, qu’aucun dispositif n’est mis en place pour favoriser le rapprochement de la population des îles. A cela s’ajoute une diplomatie dynamique qui a longtemps brillé par son absence. De plus, la situation économique peu reluisantes des Comores n’était pas de nature non plus à attirer Mayotte. Il faut surtout noter aussi que la France a toujours refusé de venir à la table de négociations.
- Comment voyez l’avenir de ce pays ?
Toutes les générations, toutes les familles politiques ont dirigé ce pays en un moment ou un autre. Les résultats attendus ne sont pas au rendez vous certes mais beaucoup a été fait. Les mentalités ont beaucoup évolué, des ressources humaines impensables en 1975 sont maintenant disponibles. Il faut maintenant pourvoir exploiter ces ressources au mieux. Il nous faut un sursaut. Gouvernorat Ngazidja