INFO LE FIGARO - Jusque là prudent face au conflit syrien et après une tentative avortée de négociations avec Bachar el-Assad, le roi Abda...
INFO LE FIGARO - Jusque là prudent face au conflit syrien et après une
tentative avortée de négociations avec Bachar el-Assad, le roi Abdallah
II a mis deux couloirs aériens à la disposition de l'aviation
israélienne.
À tout moment, les drones israéliens peuvent
désormais pénétrer dans l'espace aérien jordanien, à l'est de l'État
hébreu, avant de remonter au nord au-dessus de la Syrie
observer le conflit qui ensanglante le pays depuis deux ans et menace
Israël. «Le roi Abdallah a décidé d'ouvrir son espace aérien à l'armée
de l'air israélienne, révèle au Figaro une source militaire
occidentale au Moyen-Orient. C'est un geste fort et exceptionnel.»
Connue seulement d'une poignée de services de renseignements
occidentaux, la décision aurait été prise par le souverain hachémite
lors de la visite en Jordanie du président Barack Obama, les 22 et 23 mars, après son étape israélienne.L'État hébreu s'inquiète de plus en plus de la détérioration de la situation à sa frontière avec la Syrie, où les tirs d'artillerie se sont multipliés ces dernières semaines, alors que les djihadistes progressent en direction du plateau du Golan occupé par Israël. Pour éviter d'être repérés, «les drones israéliens volent durant la nuit», précise le militaire. «Ils font de la reconnaissance, mais ils sont aussi armés et peuvent donc frapper une cible n'importe où en Syrie». Selon cet expert, «les Syriens disposent de moyens antiaériens russes, mais les aéronefs israéliens sont difficiles à détecter et donc quasiment à l'abri d'une contre-mesure».
Deux couloirs aériens auraient été mis à la disposition de l'aviation israélienne: l'un par le sud de la Jordanie à partir du désert du Néguev, l'autre plus au nord d'Amman, qui permet aux appareils israéliens ayant décollé d'une base près de Tel-Aviv de s'avancer rapidement au-dessus du territoire syrien. L'ouverture de l'axe jordanien leur évite les survols au-dessus du Sud-Liban, où les Israéliens redoutent toujours une riposte du Hezbollah chiite pro-iranien.
Afflux de réfugiés syriens
En octroyant ce privilège à son voisin israélien, le roi Abdallah II prend le risque de voir son fragile royaume entraîné dans le conflit syrien. Jusque-là, le monarque, tout en dénonçant la sanglante répression de Damas contre les manifestants, affichait une position prudente, dictée par sa faiblesse face à son puissant voisin avec lequel les liens sécuritaires ont d'ailleurs été maintenus. Mais l'afflux massif de centaines de milliers de réfugiés syriens pèse lourdement sur l'économie jordanienne, affectée déjà par un fort taux de chômage et une inflation galopante.Pour desserrer l'étau, début mars, le roi a tenté une mission secrète auprès de Bachar el-Assad, qu'il est allé rencontrer à Damas. Mais il en serait revenu bredouille, selon plusieurs sources. D'où le durcissement de sa posture, deux semaines plus tard lors de la visite de Barack Obama à Amman. D'autant que le roi aurait pris seul cette initiative qui s'est soldée par un échec. Inflexible, Bachar el-Assad a rejeté toutes les propositions de son interlocuteur d'instaurer un arrêt des combats pour entamer des négociations avec l'opposition en vue d'élections supervisées par l'ONU en 2014, terme de son mandat. Abdallah II en a ensuite informé ses alliés américains et saoudiens.
Le basculement jordanien du côté de l'opposition syrienne est-il définitif? Le roi doit prendre au sérieux la dernière mise en garde de Bachar el-Assad. Dans un entretien télévisé diffusé mercredi, ce dernier a prévenu que «l'incendie ne s'arrêtera pas à nos frontières. Tout le monde sait que la Jordanie est aussi exposée (à la crise) que la Syrie connaît».
Ces dernières semaines, Assad a encore dépêché le chef de ses services de renseignements, Ali Mamlouk, auprès du roi. Mais dans le même temps, les États-Unis ont annoncé le déploiement de 200 soldats près de la frontière nord avec la Syrie.
Jusqu'à présent, la coopération jordano-américaine se limitait à la surveillance des armes chimiques détenues par le régime syrien et à la formation de rebelles de l'Armée syrienne libre par 150 membres des Forces spéciales US - aidés par une poignée de Britanniques et de Français - dans un camp près d'Amman. Mais devant le danger créé par l'instabilité qui gagne le sud de la Syrie, l'objectif serait désormais d'y créer une zone-tampon. Celle-ci permettrait de relâcher la pression sur la Jordanie en renvoyant des milliers de réfugiés syriens du côté syrien de la frontière, mais également de protéger Israël. Autant de sujets qui seront évoqués vendredi prochain lorsque le roi Abdallah sera reçu à la Maison-Blanche par Barack Obama.