Mali : Les médias français chantres de la Guerre ! Et si les Comores appellent l'ONU à une intervention militaire internationale contre la France au nom de son intégrité territoriale ?

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En guerre pour le Mali ? Le changement c'est pas vraiment pour maintenant. La politique extérieure de la France est là pour témoig...

En guerre pour le Mali ?

Le changement c'est pas vraiment pour maintenant. La politique extérieure de la France est là pour témoigner sur la continuité. La fièvre belliqueuse qui s'est aggravée en Occident depuis 2001 avec une chasse effrénée et tout azimut aux terroristes islamistes devenus prétexte à presque toutes les interventions armées occidentales de ces 10 dernières années ne semble toujours pas étanchée, bien au contraire.
A l'heure où nous écrivons (début octobre 2012) le spectre d'une intervention en Syrie et au Mali est sur le point de se matérialiser. Alors que les médias se focalisent sur la situation syrienne ; l'affaire semble être déjà réglée en ce qui concerne le Mali et l'intervention armée entérinée par les politiques et sans doute aussi par une large frange de l'opinion publique. Cet élan guerrier rappelle les interventions françaises en Côte d'Ivoire ou encore au Tchad en 2008-2009. des «  théâtres d'opérations » comme disent les militaires où l'armée française était intervenue pour maintenir au pouvoir des dictateurs amis de la France, comme Idriss Déby (reçu par Hollande fin novembre) ou pour placer à la tête du pouvoir le poulain Ouattara (reçu à l'Elysée en juillet dernier) qu'un scrutin plutôt obscur avait déterminé comme le victorieux à la présidence de la Côte d'Ivoire. Mais pourquoi ces interventions militaires en Afrique suscitent-elles si peu d'intérêt voir d'émoi auprès de la population ? Faut-il y voir un relent de colonialisme mal digéré ?
 
Situation dans le nord Mali

La situation dans le Nord Mali reste très préoccupante, mais sa complexité réelle met à mal le manichéisme vers lequel les médias français veulent plonger l'opinion publique. L'unité s'est opérée entre les groupes extrémistes et terroristes islamistes d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique), MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest ), Boko Haram (« L'éducation occidentale est un péché »), et d’Ansar Eddine, et ces derniers occupent désormais les grandes villes du Nord-Mali dont Gao et Tombouctou. Après leur victoire à Gao le 27 juin 2012 dernier sur le quartier général du MNLA (Mouvement national de Libération de l'Azawad)1, la situation s'est compliquée pour la rébellion touareg déjà stigmatisée « islamiste » par les occidentaux dès les débuts du mouvement rebelle au début de l'année 2012. Le MNLA ne semble pas pour autant totalement défait même s'il a renoncé à reprendre l'offensive militaire sur les villes du Nord-Mali où la population semble servir de bouclier humain et au sein de laquelle les islamistes n'hésiteraient pas à se dissimuler.

Au sud du pays les militaires à l'origine du coup d'état survenu dès les débuts de l'offensive touareg, en recherche de reconnaissance internationale, ont vu dans cette défaite militaire du MNLA à la bataille de Gao l'occasion de se donner un crédit international en appelant à l'aide au nom de la lutte contre le terrorisme. Dès lors la machine était lancée, les va-t-en-guerre sautant sur l'occasion de partir en bataille - en croisade devrait-on dire - au nom de la lutte contre le terrorisme. Et les combattants islamistes qui, même après réunification de leurs mouvances ne représentent tout au plus que 2000 hommes deviennent 6600 selon une haute autorité française2 portée par la force de l'émoi de la victoire islamiste sur le MNLA. Est-ce à dire que dans ces terroristes, les combattants du MNLA sont allègrement comptabilisés et affublés - aux mêmes titres que les extrémistes religieux - d'ennemis à abattre ? Le pouvoir malien ne s'en cache pas et espère que le feu vert de l'ONU et l'intervention des troupes de la CEDEAO (Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest) lui permettront de reprendre l'avantage militaire sur le terrain. Une drôle de conception de la protection des populations ou du droit des peuples à disposer d'eux même que la France n'hésite pas à ériger comme sacro-saint credo. Un credo dont la elle abuse ailleurs pour justifier ses occupations territoriales jugées illégitimes par la communauté internationale tel qu'à Mayotte par exemple.
S'il est indéniable que la guerre libyenne a libéré des éléments armés et permis une augmentation des armes en circulation dans la région du Sahel, tous les combattants qui servaient dans l'armée de Khadafi n'étaient pas des islamistes. Les touaregs du MNLA sont avant tout des combattants réclamant un territoire sur lequel ils vivent et se sont soulevés par opposition à la répression dont ils sont victimes depuis des décennies.
 
Les otages
La situation dans cette région africaine reste néanmoins complexe pour la France. En effet, comme rappelé assez justement par les médias, la France compte au moins 7 otages dans la région, tous enlevés par AQMI et la plupart travaillant pour AREVA sur les sites d'exploitation de l'uranium au Nord Niger. Alger compte aussi au moins un otage détenu par les islamistes. C'est à la lumière de ce contexte et de l'échec des ses tentatives de libération des otages3 que la France tente de mettre en avant ses partenaires et alliés de la région pour qu'ils mènent les opérations militaires, évitant ainsi d'exposer les otages français a d'éventuelles représailles (la France se cantonnant à un éventuel rôle logistique dans le déroulé des opérations).
 
Qui sont les va-t-en-guerre ?
La CEDEAO est l'organisation qui a proposé d'apporter les effectifs militaires et de mener les opérations en soutien aux autorités du Sud-Mali. Mais qu'est-ce que la CEDEAO ? C'est une organisation régionale créée dans les années 1960 et regroupant les principaux états d'Afrique de l'Ouest. Au départ conçue comme une organisation économique cherchant à harmoniser les relations économiques des pays de la région, elle s'est depuis quelques années substituée en une force militaire issue d'une contribution de chaque pays. Cette force militaire est déjà intervenue sur le terrain (Sierra Leone par exemple) et se veut une force d'intervention conçue pour l'assistance au pays en difficultés, sans toujours respecter les populations. Ce qui est étonnant dans le cas malien c'est que l'instance régionale qui a la capacité de mettre en place des opérations de maintien de la paix ou de protection des populations, à savoir l'Union Africaine (UA), ne semble pas prête à s'investir sur ce terrain. Mais alors pourquoi la CEDEAO s'empresse-t-elle de vouloir intervenir ?
La réponse apparaît dans de l'examen des instances dirigeantes de la CEDEAO. En effet le pays à sa tête depuis le 17 février 2012 (il s'agit d'une présidence tournante) est Alassane Ouattara, le président de Côte d'Ivoire. Rappelons que la mise en place du président Ouattara à la tête de la Côte d'Ivoire a été effective uniquement grâce à l'intervention de l'armée française et de certaines troupes sous mandat et couleurs de l'ONU. Qu'y a-t-il d'étonnant dès lors de voir le même Ouattara prêt à partir en guerre avec l'appui des occidentaux pour remettre en place ses amis du Sud-Mali ? On est plus proche du retour du système françafricain d'assistance aux copains (dictateurs ou non) que de l'assistance aux populations ! Il est donc très probable que Ouattara - qui doit beaucoup à la France si ce n'est tout - ne soit qu'un pion des autorités françaises, leur permettant de mettre en avant les troupes de la CEDEAO et non les leurs afin d'éviter de se salir les mains sur le territoire malien.
Il faut aussi rappeler que le patron de la commission de la CEDEAO, grosso modo l'équivalent de la commission européenne, est depuis le 17 février dernier un burkinabé du nom de Kadré Désiré Ouédraogo. Le Burkina Faso principal allié de la France dans la région, est l'un des plus ardents (p)artisans de la politique françafricaine et champion de l'accueil des milices, groupes armés et forces spéciales en opération dans la région. Un pays dont le président Blaise Compaoré, dictateur avéré, a lui aussi été reçu en septembre à l'Élysée avec tous les honneurs qui lui étaient du, faisant fi de la réalité de ce dictateur-président à vie.
 
La France et ses alliés

En Occident c'est la France qui reste la principale voix en faveur d'une intervention armée au Mali. L'intérêt de cette région de l'Azawad pour la France est loin d'être une nouveauté : même De Gaulle envisageait la création d'un État vassal de la France dans cette région au temps des indépendances. Une zone au sous-sol très riche et très prometteur pour les puissances occidentales et même chinoises. L'exploitation des mines d'uranium au nord Niger dont Imouraren (l'une des plus grandes au monde) par AREVA assure plus de la moitié de la consommation des ressources d'uranium pour la France ; n'est qu'un exemple de l'intérêt stratégique de la région pour la France. Car le territoire revendiqué par les touaregs ne s'arrête pas aux seules frontières maliennes mais repose au moins sur trois pays de la région (Algérie, Mali, Niger).

Rien d'étonnant de voir la France aussi présente, elle qui est en proie à une concurrence farouche au sein de son pré-carré historique. Une concurrence chinoise féroce pour ce qui est de l'exploitation des ressources fondamentales au développement tel qu'il est en occident et désormais en Chine. La France a tout intérêt à se faire la porte-parole d'une intervention militaire dans la région au nom de la lutte contre le terrorisme. Un bon moyen aussi pour l'Hexagone de se réinstaller dans cette région où transitent la plupart des migrants subsahariens. Une présence qui permettrait le contrôle en amont de ces populations devenues la cible des politiques racistes et xénophobes européennes. La France pourra aussi se servir de ses différentes bases de la région pour mener ses opérations, comme ce fut déjà le cas au Tchad en 2008- 2009.
 
La position algérienne.
Seule l'Algérie a une position discordante, craignant sans doute le retour d'une hégémonie française dans la région et les contre-coups d'une intervention militaire étrangère, qui provoquerait sans nul doute un embrasement généralisé de la région. N'oublions pas que dans le Sud algérien la population touareg a des relents indépendantistes et souhaiterait une autonomie accrue. La détention d'otages algériens par certains de ces groupes terroristes explique probablement la réserve d'Alger concernant une intervention armée pour rétablir un pouvoir et non une force d'interposition comme la situation le permettrait pourtant.
 
Une volonté d'utilisation de l'ONU pour la guerre.
A l'instar de ce qu'avaient tenté de faire les États-Unis via Colin Powel (secrétaire à la Défense américain en 2003) qui lors d'un conseil de sécurité de l'ONU avait tout fait pour tenter d'obtenir le soutien de la communauté internationale pour envahir l'Irak (y compris l'utilisation du mensonge), la France se fait la porte-parole d' « une nécessaire intervention militaire  » au Nord-Mali. On a ainsi pu admirer les déclarations belliqueuses d'un François Hollande [qui se réclamait il y a peu d'un Jean Jaurès pourtant connut pour son pacifisme] à l'Assemblée Générale de l'ONU, souhaitant une réunion rapide du Conseil de sécurité afin de prendre une résolution autorisant l'intervention militaire internationale dans le Nord-Mali, au nom de la lutte contre le terrorisme et l'intégrité territoriale du Mali.

Pour ce qui est du dernier argument, à savoir cette intégrité territoriale, la position française prête à sourire. En effet, à la même tribune de l'ONU le 27 septembre dernier, les Comores ont rappelé par la voix du président le l'Union des Comores M. Ikililou Dhoinine « les incidents de 2012 où des femmes et des enfants ont péri à bord d’embarcations de fortune, à cause du visa que la France a imposé aux îles d’Anjouan, Grande Comores et Moheli. Espérons que la France saura honorer ses engagements de pays respectueux du droit international, en recherchant une solution propice au retour de Mayotte dans son giron naturel, qui reste l’Union des Comores ». Une situation qui met directement en relief la question de l'intégrité territoriale des Comores bafouée par la France. Ironique de voir cette dernière souhaiter une intervention militaire pour des raisons similaires ! Et si les Comores avaient appelé eux-aussi à une intervention militaire internationale au nom de cette même intégrité territoriale cette fois ci contre la France...

L'aspect qui devient le plus inquiétant aujourd'hui concerne le détournement d'une institution comme l'ONU dont l'objectif était mentionné et résumé dans son article 1 : « l'ONU s'efforce d'être un lieu où se construit un avenir meilleur pour tous et cela à travers quatre objectifs : maintenir la paix et la sécurité dans le monde, développer les relations amicales entre les nations, réaliser la coopération internationale sur tous les sujets où elle peut être utile et en encourageant le respect des Droits de l'homme et être un centre où s'harmonisent les efforts des nations dans des objectifs communs »
L'intervention militaire d'hélicoptères de guerre aux couleurs de la France et même de l'ONU dans la crise de Côte d'Ivoire de 2010-2011 afin de permettre la victoire d'un camp sur un autre constitue une atteinte grave aux principes même de l'ONU. Celle-ci est passée de force d'interposition et de paix à force partie prenante dans un conflit et force militaire d'intervention. Il s'agit d'une utilisation abusive du principe de « la responsabilité de protéger » héritière du fameux droit d'ingérence de Kouchner french doctor (puis ministre des affaires étrangères de Sarkozy). Cette responsabilité de protéger permet de détourner et de favoriser des interventions tout azimut au nom d'une soi-disant protection des populations qui lorsqu'elle devient effective n'est qu'anecdotique et cache bien mal les intérêts des puissances occidentales néo-impérialistes. Compte-tenu de l'épuisement du crédit de sympathie de l'OTAN, l'aval de l'ONU est devenu une condition sine qua non d'intervention des puissances démocratiques occidentales, avec un soutien nécessaire de l'opinion publique (résultat des syndromes des conflits algérien ou indochinois / vietnamien).
 
Les médias français chantres de la Guerre
C'est dans ce contexte que les médias français se font les alliés inconditionnels des va-t-en-guerre que ce soit sur la question malienne, la Syrie, ou encore l'islamophobie. Ils simplifient [caricaturent] les problématiques d'interventions militaires autour de la seule question de la lutte contre le terrorisme. L'amalgame s'opère ; l'offensive menée au Mali depuis le début de l'année 2012 devient l'œuvre exclusive de groupes terroristes et plus un mot sur les revendications premières des populations touaregs dont le combat n'est pourtant pas nouveau. En plus, quoi de mieux que de dire que la France sera en soutien à cette opération militaire et n'interviendra pas directement.. ? Ce qui est loin d'être le cas sur le terrain car l'on sait que le COS (Commandement des Opérations Spéciales) et ses troupes aguerries aux interventions militaires discrètes sont déployés au Sahel, ainsi qu'au Niger et au Mali depuis mai dernier. La soi-disant distance de la France vis à vis des opérations à venir n'est donc qu'un leurre. Rien non plus dans les médias sur la volonté d'un redéploiement de la France dans cette région haut combien stratégique, riche en ressources émanant du sous sol.
La presse ne semble en rien s'émouvoir de ces dérives guerrières des démocraties occidentales qui vont bien vite en besogne pour oublier les nombreux moyens diplomatiques et pacifiques qui existent pourtant pour la résolution des conflits. Les exemples afghans, irakiens, ivoiriens ou encore lybiens ne semblent pourtant pas avoir encore porté leurs fruits mais démontrent la perfidie des occidentaux pour justifier leurs guerres impérialistes et colonialistes au dessein bien plus économiques et géostratégiques qu'humanitaires. Au lieu d'apporter la démocratie et protéger les populations, les interventions étrangères ont un peu plus enfoncé ces pays dans le chaos et développé de forts sentiments d'hostilité vis à vis de l'Occident dont les armées sont -souvent à raison - perçues comme des armées d'occupation. Des terreaux plus que favorables à la montée des extrémismes dans ces pays au premier rang desquels les extrémismes religieux... Et pour quels coûts pour les populations de là bas et d'ici ? Combien de millions d'euros doivent encore être engloutis dans des guerres au seul bénéfice de quelques grosses entreprises multinationales qui ont tout intérêt à ce que les occidentaux reprennent la maîtrise de la région. Mais pour cela encore faudrait-il sortir du manichéisme occidentale sur les questions internationales...
T.L.
 
1- L'Azawad est la région réclamait par les touaregs, et le MNLA un mouvement qui n'est pas connecté religieusement et qui revendique la création d'un état touareg à cheval sur au moins trois pays dont l'Algérie, le Mali et le Niger
2Lire le Monde du mercredi 26 septembre 2012.
3- L'assaut qui avait été mené par les forces spéciales françaises s'était soldé par la mort des otages


Source : agoravox.fr

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