Tunisie : Ennahdha serre la vis aux salafistes... pour de bon ?

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Le revirement a surpris les Tunisiens. Dans un entretien à l'AFP, Rached Ghannouchi le leader du parti islamiste Ennahdha affirme que le...

Le revirement a surpris les Tunisiens. Dans un entretien à l'AFP, Rached Ghannouchi le leader du parti islamiste Ennahdha affirme que les salafistes sont une menace pour son parti mais aussi les libertés et la sécurité dans le pays. Un virage à 180°: il y a quelques mois, il affirmait encore que les salafistes étaient nos enfants. Simple retournement de veste opportuniste, calcul politique ou prise de conscience du danger qui menace jusqu'à son parti ?

Rached Ghannouchi (HAMMI/SIPA)
Attention, Ennahdha sort l'artillerie lourde contre les salafistes : « Ces individus sont une menace non seulement pour Ennahdha, mais aussi pour les libertés et la sécurité dans le pays» a affirmé Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste tunisien à l'AFP. 

Un militant des droits de l'homme n'aurait pas fait mieux. Virage à 180° ou retournement de veste provisoire ? Il y a encore quelques mois, le leader d'Ennahda déclarait que les salafistes étaient « nos enfants. Ils n'ont pas débarqué de la planète Mars. Et ils promettent une nouvelle culture enrichissante pour le pays». 

Certes depuis de l'eau a coulé sous les ponts, un obscur film de série Z et quelques dessins ont changé la donne. Un ambassadeur américain a été tué dans une attaque considérée comme préparée en Libye, et les violences anti-américaines sont quasi-quotidiennes dans la Tunisie post-révolutionnaire.   

Quels liens unissent les salafistes au parti Ennahdha ? Les analyses varient. Selon Ben Ammar Salem, chercheur en sciences politiques, « Dissocier Ennahdha des salafistes c'est comme si l'on cherchait à séparer les deux faces du miroir de Janus. Les distinguer, comme si l'on distinguait les branches de cette tenaille tranchante et contaminée avec laquelle ils cherchent à tenir fermement et violemment la Tunisie qui à chaque fois qu'elle cherche à desserrer son emprise, Ennahdha force sur la tenaille. La branche salafiste est pour l'islamisme tunisien ce que fut le Service d'Action Civique (S.A.C.) pour le Gaullisme. Une espèce de police parallèle. Une garde de fidèles dévoués et fanatiques au service inconditionnel de leur maître à penser et commanditaire Nahdhaoui. Sa branche armée dont la mission est de défendre par la force la pensée idéologique du mouvement ». 
Bref, une émanation agressive et armée du parti islamiste chargée d'asseoir son pouvoir.

ENNAHDHA PRIS EN OTAGE PAR LES SALAFISTES ?
Auteur de « la nouvelle islamophobie », le chercheur Vincent Geisser évoque des rapports beaucoup plus complexes. Outre les débats internes au parti islamiste sur l'attitude à adopter vis-à-vis des salafistes, les différentes courants, depuis le printemps arabe Ennahdha s'est vu contraint de constater son impuissance face à la poussée salafiste dans le pays : «  ni le MTI (Mouvement de la tendance islamique ancêtre des Nahdhaouis actuels), ni les Nahdhaouis en exil, ni même Ennahdha comme parti gouvernemental, n'ont appartenu à la mouvance salafiste. Toutefois, il est vrai que depuis le 14 janvier, les responsables du parti Ennahdha sont confrontés à l'explosion du phénomène salafiste en Tunisie, auquel ils n'étaient pas du tout préparés. A l'instar des autres forces politiques tunisiennes, ils ont découvert l'implantation assez profonde de la nébuleuse salafiste dans la société tunisienne, notamment dans la jeunesse. Les Nahdaouis pensaient naïvement avoir une influence réelle sur les jeunes séduits par leur message islamique et la personnalité charismatique de Rached Ghannouchi. Or, ils constatent, impuissants, qu'une bonne partie des jeunes tunisiens réislamisés clandestinement sous Ben Ali sont allés directement au salafisme sans passer par la «case Ennahdha». 

Une version corroborée récemment par le site Maghreb Intelligence selon lequel plusieurs sections locales d'Ennahada dans le centre et le sud-est du pays sont « aujourd'hui les otages d'activistes salafistes qui disposent d'argent en provenance des pays du Golfe et comptent sur l'appui de généreux donateurs parmi la diaspora tunisienne en Europe ». 

Si le parti Ennahdha tente dans les médias occidentaux de clarifier sa position face au « danger intégriste », il y a loin de la parole aux actes. Le parti islamo-conservateur qui domine la coalition gouvernementale et l'assemblée constituante, a encore récemment déposé une proposition de loi visant à sanctionner les « atteintes aux valeurs du sacré ». Une proposition de loi que le porte-parole d'Ennahdha qualifie « d'initiative de quelques députés de l'Assemblée constituante » dans une interview donnée au journal l'Express. Un ton surprenant tant Samir Dilou y brûle tout ce que son parti a adoré jusque là.

LES VIOLENCES SALAFISTES CONSÉQUENCE DIRECTE DE LA POLITIQUE LAXISTE DU GOUVERNEMENT.

Qui croire ? Même Rached Ghannouchi, plutôt partisan d'une stratégie du « laisser faire » vis à vis des salafistes, convaincus que son parti finirait par surmonter le problème aurait « viré sa cuti », défendant une version moderniste de l'islamisation de la société. Il appelle désormais « à défendre le Coran et le Prophète avec des outils positifs. Qu'ils écrivent des romans, qu'ils fassent des films, des chansons, des oeuvres artistiques qui représentent la civilisation islamique sous un beau jour au lieu d'actes négatifs, de hurlements, de violences, des actes qui ne servent pas l'islam mais les ennemis de l'islam ». 

Un changement de discours à ce point radical qu'on hésite au moment de l'interpréter : la poursuite d'un double discours et d'une stratégie aussi machiavélique que dangereuse ou la prise de conscience tardive d'avoir été dépassé par le monstre enfanté. Troisième hypothèse, un ravalement de façade désespéré en vue des prochaines élections qui s'annoncent plus difficiles que prévu pour le Parti islamiste. A trop multiplier les appels du pied aux salafistes, Ennahdha pourrait s'être coupé d'une partie de son électorat de base. 

C'est en tout cas le pari que fait l'avocat et ancien Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi, fondateur du parti d'opposition Nidaa Tounès (l'Appel de la Tunisie) qui s'affirme peu à peu comme une alternative et a violemment fustigé les ambiguités de la coalition au pouvoir: « Les violences anti-américaines que la Tunisie a connues sont le résultat de la politique de tolérance envers des groupes prônant la violence. Si ce gouvernement devait poursuivre cette politique, il nous conduira vers l'abîme ».
Régis Soubrouillard - Marianne

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