D'où vous est venue l'idée de lancer ce premier festival d'arts contemporains? Il y a deux raisons, l'une d'ordre con...
D'où vous est venue l'idée de lancer ce premier festival d'arts contemporains?
Il y a deux raisons, l'une d'ordre conjoncturel et l'autre liée à une question de fond. Pour cette dernière, voir le peu de place qu'occupent l'art et la culture aux Comores a fait surgir l'idée de permettre de mieux nous identifier culturellement, de nous projeter dans des représentations visuelles essentielles qui aident à se restructurer, comme chez beaucoup de peuples déconstruis. Par ailleurs, depuis une dizaine d'années, je collectionne modestement des oeuvres d'arts notamment des peintures. Denis Balthazar a souhaité me voir les exposer ce que je trouvais peu opportun tant ces pièces sont à mon sens insuffisamment diversifiées, peu de sculpture, de photographies, etc. En revanche, je me disais qu'on pouvait exhorter les artistes du cru à créer d'autres oeuvres pour enrichir le terreau. L'occasion nous est donné de parler de tout ça lors de la Rencontre de nombreux artistes de l'archipel, le premier jour de l'année 2010 chez Babou (l'écrivain Aboubacar Saïd Salim, ndlr) à Moroni après l'exposition "Le silence des méduses" de Denis Balthazar au Palais du Peuple. Qu'est-ce qui était sorti de cette première rencontre avec les artistes… … de grands projets ont été énoncés : l'idée d'une biennale sur le thème qui ne changera plus, "la connaissance de soi", est émise. Il s'agit de permettre aux artistes, cloisonnés dans différents groupes, d'échanger entre eux, favoriser la rencontre avec le public, chercher un lieu dédié à l'art contemporain permettant de travailler mais aussi d'y accueillir des personnes. Nous devions aussi créer un site Internet présentant l'ensemble des artistes de façon exhaustive. C'est ainsi que certains étaient chargés d'associer les artistes de l'extérieur. Le temps s'est écoulé et ce n'est qu'après le Festival des arts Nègres de Dakar en décembre 2010 que des actions décisives se mettront en place.
Et comment avez-vous rencontré le sculpteur Ousmane Sow?
C'est Makhily Gassama que mon époux et moi avions rencontré à Dakar qui nous fera rencontrer Ousmane Sow, lequel deviendra un an et demi plus tard le parrain de l'événement. Il nous conduira aussi chez l'ancien directeur général de l'Unesco, Amadou Mocktar M'bow. Nous allions désormais rester en contact jusqu'à mon retour à Moroni où je suis rapidement entrée en rapport avec le père de la recherche scientifique aux Comores, Damir Ben Ali. Ce dernier allait sans tarder, et avec énergie, m'accompagner auprès des pouvoirs publics, Fouad Mohadji, à l'époque ministre de l'Education nationale. C'est ainsi que tout est parti, le ministre nous ayant assuré de son soutien et même fait remarquer que nous nous situons dans le droit fil des demandes de l'Unesco dans le cadre de la divulgation de l'Histoire générale de l'Afrique, projet d'envergure de cette institution des Nations unies.
Quel bilan pouvez-vous présenter au lendemain de la clôture du festival?
… J'ai l'impression de vivre un rêve. Pendant une semaine, toutes les îles ont été présentes et des artistes d'ailleurs ont partagé échanges et contradictions. La présence de Ousmane Sow, l'un des grands artistes du siècle, a conféré une dimension internationale au festival. Le bilan est sans conteste positif et j'ai appris au fur et à mesure du festival, le grand écho dans la presse internationale. Le Point, l'Agence France presse, La Croix, etc., se sont faits l'écho de la manifestation. Mais aussi nous avons constaté, avec un bonheur infini, que de nombreuses personnes se sont ajoutées et insérées, avec beaucoup de naturel, dans la programmation officielle : les femmes de Mwali, le ballet de Comores Xiwan, le joueur de Dzumari dans la médina de Moroni, les stands de cosmétique traditionnelle (Hene, Msindzanu), les présentations de coiffes et vêtements anciens, etc.
Quels ont été les grands moments de ce premier festival ? Et quels sont les plus émouvants?
Un des grands moments d'émotion est lorsque Cheick M'backe Diop nous offre, à Denis Balthazar et moi, toute son exposition "l'Afrique et les Sciences", travail remarquable qui explique la contribution du continent africain à la connaissance. Ce cadeau, que nous dédions à la jeunesse des Comores et de toute la région, va imposer la mise en place de toute une logistique pour sa diffusion et ses déplacements auprès des différents publics. C'est un geste fort pour les Comores, l'Afrique et aussi l'humanité comme a pu le dire notre généreux donateur. Les danses des femmes de Mwali, interprétant le goma la malida, maquillées d'une poudre confectionnée à base de riz et safran, ont ravi nos hôtes.
Est-ce que toutes les activités prévues au programme ont été tenues? Quelles sont les défaillances constatées?
Pratiquement toutes les manifestations prévues ont pu se tenir. Demeure le catalogue raisonné que je souhaitais personnellement voir diffuser avant le début de la manifestation qui sera , comme partout ailleurs, remis quelques semaines après l'événement. J'avais, en fait , espéré en faire un outil didactique à l'attention des élèves et des étudiants, en montrant à un moment donné l'état de la créativité de cet archipel. Cette distribution différée permettra, je le souhaite, d'y insérer les multiples ajouts du festival qui dépassent le cadre de la trilogie : les arts, les sciences et les scolaires. Il faut savoir que les choses n'étaient pas simples, les gens ne nous faisaient pas tous confiance. Nous avons peiné financièrement même si nous avons finalement bénéficié de partenariats solides et sérieux : l'Etat comorien, Conseil régional de La Réunion, préfecture de Mayotte, Agence universitaire de la Francophonie, ministère français de la Culture en sus des nombreux partenaires privés.
Quel sera le thème de la prochaine édition et qu'elle est la ville qui l'abritera?
Nous allons probablement conserver le thème de "La connaissance de soi" quoique la question soit en discussion au sein du comité d'organisation. Je ne m'explique pas que certains souhaitent voir le festival faire le tour de l'archipel ou même d'autres pays. Cette sorte de "tournante du Facc" ne répond pas du tout à la philosophie qui anime cet événement. Dès le départ, des actions ont été créées ou des initiatives tenues dans l'ensemble des lieux où se trouvent des artistes ou scientifiques : suivi des artistes de France et de La Réunion, concours d'histoire à Ndzuwani, Ngazidja et Mwali, concours d'arts plastiques à Mayotte avec un vernissage et remise de prix. Ainsi des animations ont été organisées dans chaque lieu où se trouvaient des participants du festival. Nous allons accroître ces activités et leur donner une plus grande visibilité, lors de la prochaine édition. Ailleurs, les grands festivals se tiennent toujours dans les mêmes villes et cela se fait naturellement. Devrait-on songer à déplacer le festival de Cannes, en France, au Havre?
Vous pensez déjà à un nom pour le prochain parrain?
Nous réfléchissons avec Makhily Gassama, Mohamed Saïd Ouma, membres essentiels de l'organisation, au prochain parrain. Mais il est trop tôt de donner un nom. Vous le saurez bientôt.
Le gouvernement s'est investi, qu'attendez-vous du ministère de l'Education, des Arts et de la Culture pour le prochain et deuxième festival ?
Qu'est que je peux dire de plus après les deux heures que le chef de l'Etat nous a concédées avec le ministre de la Culture lors de la cérémonie d'ouverture? Ils ont évidement honoré, par leur présence au premier vernissage de l'exposition internationale du festival, la manifestation mais aussi ont montré l'intérêt particulier que les Comores portent à la culture. Le président Ikililou Dhoinine a parlé d'"énergie vitale" pour qualifier la culture, les mots sont forts. Ces moments ont été appréciés particulièrement par Ousmane Sow, le parrain du Facc touché aussi par cette mobilisation de personnalités politiques. Cet exécutif se veut résolument ambitieux et se montre attentif à cet événement à caractère international.
Avez-vous un message particulier à adresser aux artistes et qu'est-ce vous direz aux visiteurs et au public en général?
Nous les remercions tous d'avoir répondu à nos invitations. Les artistes de chez nous ont été tous formidables. Leur présence traduit un courage moral, et constitue un grand soutien à ce que l'on veut faire de nos arts et culture. Ils ont su tirer profit de cette valorisation de leur travail et, partant, de notre patrimoine. Ils n'ont pas été tous là mais la grande partie y était et a participé au festival avec détermination et beaucoup de volonté. Certains artistes ont pu même vendre des oeuvres pendant les six jours du festival. Ils méritent des encouragements. Nous souhaitons un bon retour aux invités du festival, artistes, visiteurs et autres journalistes envoyés spéciaux du festival, dans leurs pays respectifs, ainsi que tous ceux qui ont fait le déplacement dans les sites d'expositions pour découvrir les oeuvres artistiques et culturelles présentées. Je vous invite ainsi tous au prochain festival d'arts contemporains des Comores.
Propos recueillis par
Elie-Dine Djouma
Et comment avez-vous rencontré le sculpteur Ousmane Sow?
C'est Makhily Gassama que mon époux et moi avions rencontré à Dakar qui nous fera rencontrer Ousmane Sow, lequel deviendra un an et demi plus tard le parrain de l'événement. Il nous conduira aussi chez l'ancien directeur général de l'Unesco, Amadou Mocktar M'bow. Nous allions désormais rester en contact jusqu'à mon retour à Moroni où je suis rapidement entrée en rapport avec le père de la recherche scientifique aux Comores, Damir Ben Ali. Ce dernier allait sans tarder, et avec énergie, m'accompagner auprès des pouvoirs publics, Fouad Mohadji, à l'époque ministre de l'Education nationale. C'est ainsi que tout est parti, le ministre nous ayant assuré de son soutien et même fait remarquer que nous nous situons dans le droit fil des demandes de l'Unesco dans le cadre de la divulgation de l'Histoire générale de l'Afrique, projet d'envergure de cette institution des Nations unies.
Quel bilan pouvez-vous présenter au lendemain de la clôture du festival?
… J'ai l'impression de vivre un rêve. Pendant une semaine, toutes les îles ont été présentes et des artistes d'ailleurs ont partagé échanges et contradictions. La présence de Ousmane Sow, l'un des grands artistes du siècle, a conféré une dimension internationale au festival. Le bilan est sans conteste positif et j'ai appris au fur et à mesure du festival, le grand écho dans la presse internationale. Le Point, l'Agence France presse, La Croix, etc., se sont faits l'écho de la manifestation. Mais aussi nous avons constaté, avec un bonheur infini, que de nombreuses personnes se sont ajoutées et insérées, avec beaucoup de naturel, dans la programmation officielle : les femmes de Mwali, le ballet de Comores Xiwan, le joueur de Dzumari dans la médina de Moroni, les stands de cosmétique traditionnelle (Hene, Msindzanu), les présentations de coiffes et vêtements anciens, etc.
Quels ont été les grands moments de ce premier festival ? Et quels sont les plus émouvants?
Un des grands moments d'émotion est lorsque Cheick M'backe Diop nous offre, à Denis Balthazar et moi, toute son exposition "l'Afrique et les Sciences", travail remarquable qui explique la contribution du continent africain à la connaissance. Ce cadeau, que nous dédions à la jeunesse des Comores et de toute la région, va imposer la mise en place de toute une logistique pour sa diffusion et ses déplacements auprès des différents publics. C'est un geste fort pour les Comores, l'Afrique et aussi l'humanité comme a pu le dire notre généreux donateur. Les danses des femmes de Mwali, interprétant le goma la malida, maquillées d'une poudre confectionnée à base de riz et safran, ont ravi nos hôtes.
Est-ce que toutes les activités prévues au programme ont été tenues? Quelles sont les défaillances constatées?
Pratiquement toutes les manifestations prévues ont pu se tenir. Demeure le catalogue raisonné que je souhaitais personnellement voir diffuser avant le début de la manifestation qui sera , comme partout ailleurs, remis quelques semaines après l'événement. J'avais, en fait , espéré en faire un outil didactique à l'attention des élèves et des étudiants, en montrant à un moment donné l'état de la créativité de cet archipel. Cette distribution différée permettra, je le souhaite, d'y insérer les multiples ajouts du festival qui dépassent le cadre de la trilogie : les arts, les sciences et les scolaires. Il faut savoir que les choses n'étaient pas simples, les gens ne nous faisaient pas tous confiance. Nous avons peiné financièrement même si nous avons finalement bénéficié de partenariats solides et sérieux : l'Etat comorien, Conseil régional de La Réunion, préfecture de Mayotte, Agence universitaire de la Francophonie, ministère français de la Culture en sus des nombreux partenaires privés.
Quel sera le thème de la prochaine édition et qu'elle est la ville qui l'abritera?
Nous allons probablement conserver le thème de "La connaissance de soi" quoique la question soit en discussion au sein du comité d'organisation. Je ne m'explique pas que certains souhaitent voir le festival faire le tour de l'archipel ou même d'autres pays. Cette sorte de "tournante du Facc" ne répond pas du tout à la philosophie qui anime cet événement. Dès le départ, des actions ont été créées ou des initiatives tenues dans l'ensemble des lieux où se trouvent des artistes ou scientifiques : suivi des artistes de France et de La Réunion, concours d'histoire à Ndzuwani, Ngazidja et Mwali, concours d'arts plastiques à Mayotte avec un vernissage et remise de prix. Ainsi des animations ont été organisées dans chaque lieu où se trouvaient des participants du festival. Nous allons accroître ces activités et leur donner une plus grande visibilité, lors de la prochaine édition. Ailleurs, les grands festivals se tiennent toujours dans les mêmes villes et cela se fait naturellement. Devrait-on songer à déplacer le festival de Cannes, en France, au Havre?
Vous pensez déjà à un nom pour le prochain parrain?
Nous réfléchissons avec Makhily Gassama, Mohamed Saïd Ouma, membres essentiels de l'organisation, au prochain parrain. Mais il est trop tôt de donner un nom. Vous le saurez bientôt.
Le gouvernement s'est investi, qu'attendez-vous du ministère de l'Education, des Arts et de la Culture pour le prochain et deuxième festival ?
Qu'est que je peux dire de plus après les deux heures que le chef de l'Etat nous a concédées avec le ministre de la Culture lors de la cérémonie d'ouverture? Ils ont évidement honoré, par leur présence au premier vernissage de l'exposition internationale du festival, la manifestation mais aussi ont montré l'intérêt particulier que les Comores portent à la culture. Le président Ikililou Dhoinine a parlé d'"énergie vitale" pour qualifier la culture, les mots sont forts. Ces moments ont été appréciés particulièrement par Ousmane Sow, le parrain du Facc touché aussi par cette mobilisation de personnalités politiques. Cet exécutif se veut résolument ambitieux et se montre attentif à cet événement à caractère international.
Avez-vous un message particulier à adresser aux artistes et qu'est-ce vous direz aux visiteurs et au public en général?
Nous les remercions tous d'avoir répondu à nos invitations. Les artistes de chez nous ont été tous formidables. Leur présence traduit un courage moral, et constitue un grand soutien à ce que l'on veut faire de nos arts et culture. Ils ont su tirer profit de cette valorisation de leur travail et, partant, de notre patrimoine. Ils n'ont pas été tous là mais la grande partie y était et a participé au festival avec détermination et beaucoup de volonté. Certains artistes ont pu même vendre des oeuvres pendant les six jours du festival. Ils méritent des encouragements. Nous souhaitons un bon retour aux invités du festival, artistes, visiteurs et autres journalistes envoyés spéciaux du festival, dans leurs pays respectifs, ainsi que tous ceux qui ont fait le déplacement dans les sites d'expositions pour découvrir les oeuvres artistiques et culturelles présentées. Je vous invite ainsi tous au prochain festival d'arts contemporains des Comores.
Propos recueillis par
Elie-Dine Djouma
Alwatwan
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