Jean-Michel Dubois, secrétaire national du FN (ici à côté de Marine Le Pen) est poursuivi devant le tribunal correctionnel par deux Réu...
« Il faut faire attention. Il y a quand même des Comoriens qui vivent ici illégalement. Il y a une colonie de 50 000 Comoriens qui vit ici ». En prononçant ses paroles lors d’une interview au Journal de l’île (le 30 octobre 2011), Jean-Michel Dubois avait déclenché l’indignation de plusieurs associations franco-comoriennes. L’un de ses représentants, Me Saïd Larifou, avait alors annoncé qu’il ne laisserait pas passer cette déclaration et qu’il serait à l’origine d’une procédure judiciaire. C’est désormais chose faite.
« Des chiffres travestis »Conseillés par l’avocat réunionnais, un Saint-Pierrois et un Dionysien, soutenu par la fondation Solidarité France océan Indien, ont décidé de traduire Jean-Michel Dubois devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre par le biais d’une citation directe pour les faits de « provocation à la haine et à la discrimination raciale ». La première audience devant le tribunal a été fixée au 1er mars prochain. Me Saïd Larifou reproche avant tout à ce responsable frontiste d’avoir utilisé les thèmes explosifs de l’immigration clandestine et de l’intégration des Mahorais à la Réunion pour attirer les voix de nouveaux électeurs. Car le chiffre de 50 000 Comoriens est totalement faux. Le Journal de l’île a en effet interrogé la préfecture qui a indiqué que 9 000 ressortissants étrangers en situation régulière vivent à la Réunion, au nombre desquels environ 1 350 Comoriens. Quant à l’invasion de notre île par les sans-papiers, elle relève du fantasme puisque chaque année la police aux frontières effectue en moyenne 70 reconduites à la frontière. « Jean-Michel Dubois a volontairement travesti le chiffre de ressortissants comoriens vivant dans le département pour inciter et provoquer à la discrimination raciale à l’encontre de la communauté comorienne », s’insurge Me Saïd Larifou. « Une telle déclaration, tenue dans un département durement frappé par le chômage et la précarité, est intolérable ». Pour l’avocat, ne pas dénoncer ce genre de propos revient à « banaliser la stigmatisation d’une communauté, ce qui est dangereux ». On peut comprendre que les associations franco-comoriennes soient particulièrement attentives à ce genre de déclarations pour avoir été déjà prises pour cible par le ministère de l’Intérieur. Interrogé sur les problèmes de sécurité à Marseille, Claude Guéant avait déclaré en septembre dernier sur Europe 1 que dans la cité phocéenne « une immigration comorienne importante est la cause de beaucoup de violences ». Ces déclarations avaient suscité un tollé et le ministère de l’Intérieur avait finalement dit « regretter » ses mots. « Trop, c’est trop, estime Me Saïd Larifou. Ces déclarations sont injustes Il faut quand même se référer à l’histoire de France. Notre pays s’est construit grâce à différents apports. La France a aujourd’hui une identité plurielle. On ne peut plus distinguer les Français en fonction de leurs origines. On ne peut plus opposer les Français, d’un côté, à ceux venus d’ailleurs, de l’autre. Il est temps que les principes fondateurs de la République reprennent leur place. On ne peut pas renier ces valeurs à cause de problèmes économiques ou administratifs. Il est temps d’arrêter de ramener les citoyens français ayant des origines comoriennes à des usurpateurs de papiers ». Contacté à Paris, Jean-Michel Dubois, qui prépare le voyage de Marine Le Pen à la Réunion la semaine prochaine, nous a indiqué qu’il n’avait pas encore reçu cette citation à comparaître. Selon lui, Me Saïd Larifou « cherche avant tout à se faire de la publicité ». Au sujet de sa déclaration, Jean-Michel Dubois affirme que ses propos ont été déformés. « Quand je parlais de 50 000 Comoriens, je voulais parler des Comoriens qui se trouvent à Mayotte et à la Réunion. Je parlais des deux départements. La journaliste n’a pas compris. Il y a eu un malentendu. » Le secrétaire national FN considère par ailleurs que ces propos « n’ont rien de racistes ». « Je ne vois pas où est l’incitation à la haine et à la discrimination. C’est complètement stupide ».
« Me Larifou veut se faire de la publicité »
L’audience du 1er mars ne sera pas consacrée à la confrontation des arguments du représentant du FN et des parties civiles mais servira à fixer la consignation que devront verser les clients de Me Larifou. Viendra ensuite le temps des débats. L’un des points les plus intéressants sera de savoir comment les juges interprètent l’expression « une colonie de 50 000 Comoriens ». Car en mélangeant la situation de la Réunion et celle de Mayotte qui est confrontée à une forte immigration clandestine, Jean-Michel Dubois accrédite l’idée que les deux départements français de l’océan Indien se trouvent au bord du même chaos. Incontestablement, il entretient la confusion qui existe dans une partie de l’opinion publique réunionnaise entre les ressortissants comoriens et les Mahorais qui viennent s’installer à la Réunion. Mais ce type de manipulation politique constitue-t-elle pour autant un délit pénal ? Ce sera au tribunal de l’apprécier
Jérôme Talpin
Clicanoo
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