Des joueurs du club égyptien Al-Ahly courent pour se mettre à l'abri après que des supporteurs du club adverse ont envahi le terrain d...
Des joueurs du club égyptien Al-Ahly courent pour se mettre à l'abri après que des supporteurs du club adverse ont envahi le terrain du stade de Port-Saïd, le 1er février.AP/AHMED HASSAN |
Les violences qui ont éclaté mercredi 1er février après un match de football entre deux équipes égyptiennes dans la ville de Port-Saïd, dans le nord du pays, ont fait au moins 74 morts, selon un bilan qui reste provisoire. Le directeur de la sécurité de la ville a été démis de ses fonctions, a indiqué jeudi l'agence officielle Mena. Le ministre de l'intérieur, Mohammed Ibrahim, a décidé de démettre Essam Samak de ses fonctions"après les événements de Port-Saïd", a rapporté l'agence.
"Le bilan s'élève à 74 morts, dont un policier", a indiqué le ministère de la santé dans un communiqué, tandis que la télévision d'Etat annonçait le déploiement de l'armée dans cette ville à l'entrée nord du canal de Suez pour "éviter de nouveaux affrontements" entre supporteurs. Les affrontements ont également fait 248 blessés, a indiqué le ministère de l'intérieur, après que la télévision eut parlé d'un millier de personnes blessées. Des hôpitaux ont fait état de centaines de blessés. La police a aussi indiqué avoir arrêté 47 personnes.
Les services de sécurité ont assuré que les policiers anti-émeutes étaient présents en nombre suffisant, mais qu'ils n'ont pas voulu s'interposer en raison de consignes de modération diffusées après des manifestations meurtrières au Caire en novembre et décembre 2011.
"C'est malheureux et profondément affligeant. Il s'agit de la plus grande catastrophe de l'histoire du football égyptien", a commenté M. Cheïha, vice-ministre de la santé. Cité par la télévision publique, il a précisé que la plupart des blessures étaient des commotions et de profondes coupures. Le ministre de l'intérieur, Mohammed Ibrahim, a assuré que"la majorité des personnes tuées ont été écrasées" dans les mouvements de foule.
A la suite de ces affrontements meurtriers entre les supporteurs des équipes Al-Masri et Al-Ahli, une séance extraordinaire a été convoquée au Parlement par le président de l'Assemblée du peuple, l'islamiste Saad Al-Katatni, pour jeudi 11 heures, heure locale, ont rapporté les médias d'Etat. Une réunion de crise a également été convoquée par le gouvernement égyptien jeudi. Par ailleurs, le parquet a ordonné l'ouverture d'une enquête, selon des sources judiciaires. La fédération de football égyptienne a pour sa part annoncé la suspension de tous les matches de première division.
BOUSCULADES ET PIÉTINEMENTS
Les violences ont éclaté à la fin d'un match remporté 3-1 par l'équipe locale d'Al-Masri contre le club d'Al-Ahli, l'une des formations les plus titrées du football égyptien. D'après des témoins, les troubles ont débuté lorsque des supporteurs visiteurs ont déployé des banderoles injurieuses à l'égard de Port-Saïd, ville du nord de l'Egypte située à l'embouchure du canal de Suez, sur la Méditerranée. Un supporteur d'Al-Ahli armé d'une barre de fer est descendu sur le terrain, ce qui a incité les supporteurs locaux d'Al-Masri à descendre à leur tour sur la pelouse et à attaquer les joueurs d'Al-Ahli après le coup de sifflet final de l'arbitre, avant de s'en prendre aux tribunes accueillant les visiteurs.
Un petit groupe de policiers anti-émeute a tenté de former une haie pour protéger les joueurs d'Al-Ahli, mais ils ont paru totalement débordés et les supporteurs ont pu continuer à frapper à coups de pieds et de poings les joueurs tentant de fuir. La plupart des morts ont été piétinés dans la bousculade provoquée par la panique ou ont chuté des gradins, ont rapporté des témoins. Des policiers figurent parmi les morts, a-t-on appris de source médicale et auprès de témoins. Les hôpitaux de la région du canal de Suez ont été placés en état d'alerte et plusieurs dizaines d'ambulances ont été envoyées vers Port-Saïd en provenance des villes d'Ismaïlia et de Suez, a dit un responsable des services ambulanciers de la région.
"Ce n'est pas du football. C'est la guerre et des gens meurent sous nos yeux. Il n'y avait aucun dispositif de sécurité, pas d'ambulances, a réagi un joueur d'Al-Ahli, Mohamed Abo Treika, interrogé par la chaîne de télévision de son club. Je demande l'annulation du championnat. C'est une situation horrible et on ne pourra jamais oublier la journée d'aujourd'hui." "Il y a des morts sur le sol ! Il y a des morts dans les vestiaires ! Je ne jouerai plus au football tant que justice ne sera pas faite", s'est exclamé un joueur de Al-Ahly, Emad Meteab, sur la chaîne de télévision de l'équipe.
Le maréchal Mohammed Hussein Tantaoui, qui dirige le conseil militaire exerçant le pouvoir par intérim, a décidé l'envoi de deux hélicoptères à Port-Saïd pour récupérer des joueurs d'Al-Ahli et certains de leurs supporteurs, a-t-on appris de sources militaires. Ces appareils devraient transporter les blessés vers des hôpitaux militaires.
ACCUSATIONS POLITIQUES
Alors que l'Egypte célébrait la semaine dernière le premier anniversaire de la chute du régime de l'ancien président Hosni Moubarak, des accusations de nature politique ont été formulées. Les Frères musulmans ont ainsi accusé les partisans du président déchu d'être responsables des violences. "Les événements de Port-Saïd ont été planifiés et sont un message des partisans de l'ancien régime", a affirmé le député Essam Al-Erian dans un communiqué publié sur le site Internet du Parti de la liberté et de la justice, la formation politique de la confrérie. Il a déclaré que l'Assemblée du peuple, dominée par les Frères musulmans, allait demander au ministre de l'intérieur et aux responsables de la sécurité d'"assumer pleinement leurs responsabilités".
Albadri Farghali, représentant de Port-Saïd au Parlement, a accusé les autorités et les forces de sécurité d'avoir favorisé ce drame en leur reprochant des liens persistants avec l'ancien régime. "Les forces de sécurité ont fait cela ou l'ont laissé se produire. Les hommes de Moubarak sont toujours au pouvoir. Le chef du régime est tombé mais tous ses hommes sont toujours en place, a-t-il hurlé, interrogé par téléphone en direct à la télévision. Où est la sécurité ? Où est le gouvernement ?" Le député libéral Amr Hamzawi a appelé de son côté au limogeage immédiat du ministre de l'intérieur, de même qu'à celui du gouverneur et du chef de la sécurité de Port-Saïd.
A l'annonce des violences à Port-Saïd, l'arbitre d'un autre match au Caire, entre Zamalek et Ismaïli, a interrompu la rencontre, ce qui a conduit des supporteurs à incendier une partie du stade, a-t-on pu constater sur des images de télévision. L'incendie a été maîtrisé, a indiqué un responsable de la sécurité.
Lemonde.fr
COMMENTAIRES